19/01/2011 info-palestine.net  5min #47969

Augmentation des immolations par le feu en Afrique du Nord

Les tentatives de suicide par immolation semblent se répandre à travers l'Afrique du Nord, voulant exprimer la misère sociale.

Al Jazeera


18 janvier - Les manifestations se poursuivent en Tunisie, et particulièrement contre le gouvernement "néo-benaliste" mis en place - Photo : AP

L'auto-immolation qui a déclenché les manifestations qui ont renversé le dictateur de la Tunisie a conduit à des actes d'apparente imitation dans d'autres états d'Afrique du nord. Cinq hommes se sont immolés en Egypte, quatre en Algérie, et un en Mauritanie.

L'immolation comme forme de protestation n'est pas un phénomène nouveau (les moines bouddhistes l'ont fait pour protester contre la guerre au Vietnam), ni une spécificité des pays nord-africains (une étude de 2005 en Iran rapporte 98 cas en cinq ans rien qu'à Tabriz, et plusieurs cas ont été signalés en Afghanistan).

Cependant, la succession de tentatives de suicide dans la région et leurs causes profondes - la pauvreté, la frustration, le manque de possibilités - semble marquer une tendance inquiétante.

En Egypte, deux hommes se sont immolés par le feu mardi - un est décédé de ses blessures - et un jour après un autre homme s'est immolé près de l'immeuble du parlement au Caire.

En Algérie, où des émeutes ont éclaté au cours des dernières semaines en parallèle avec les manifestations en Tunisie, les journaux ont rapporté qu'au moins quatre personnes s'étaient immolées dans des villes de province au cours des cinq derniers jours.

Et dans la capitale mauritanienne, Nouakchott, d'après des sources policières, Yacoub Ould Dahoud, âgé de 40 ans, administrateur de sociétés et membre d'une famille riche, a organisé une manifestation d'immolation lundi contre les mauvais traitements allégués de la part du gouvernement contre sa tribu.

Selon des témoins, il s'est aspergé d'essence alors qu'il était assis dans sa voiture arrêtée devant le palais présidentiel, et il s'est immolé par le feu. Les forces de sécurité et des passants ont brisé les vitres [de sa voiture] pour l'en sortir. Il a été envoyé à l'hôpital avec de graves brûlures.

Le terrible exemple de Bouazizi

Des militants à travers le monde arabe disent avoir été inspirés par l'exemple de la Tunisie, premier pays depuis des générations où un dirigeant arabe a pu être renversé par des manifestations publiques.

Les manifestations tunisiennes qui ont fait tomber Zine El Abidine Ben Ali, l'ancien président, ont éclaté après le suicide de Mohammed Bouazizi, âgé de 26 ans, qui s'est immolé par le feu le 17 décembre après que la police ait saisi son étal d'épicerie, disant qu'il n'avait pas le permis requis pour vendre ses produits.

Bouazizi a succombé à ses brûlures quelques semaines plus tard, acquérant une figure de martyr pour la foule des étudiants et chômeurs protestant contre leurs médiocres conditions de vie. Ben Ali avait rendu visite Bouazizi à l'hôpital, un geste qui a échoué à lui gagner la sympathie du public.

« Signes de misère sociale »

Les tentatives de suicide public en Algérie - quatre en une semaine - ont été un sujet de débat dans la presse quotidienne du pays.

Un homme dans la quarantaine, ce mercredi, s'est également immolé à Bordj Menaiel dans la région de Boumerdes près de la capitale algérienne, selon le journal Watan.

Désespéré après s'être vu refuser les allocations de logement, ce père de six enfants s'est aspergé d'essence qu'il a ensuite allumée, mais un fonctionnaire de la ville est intervenu pour arrêter le feu, a indiqué le journal.

L'homme a été hospitalisé mais sa vie ne serait pas en danger.

Un autre homme, Senouci Touat, a également utilisé de l'essence et s'est immolé par le feu dans la ville de Mostaganem, à 350 km à l'ouest de la capitale d'Alger, ont rapporté les journaux El Watan et El Khabar. Lui aussi a survécu.

Mohsen Bouterfif s'est immolé jeudi dans la province algérienne de Tébessa, après que le maire de sa ville n'ait pas réussi à lui obtenir un logement.

Les journaux ont dit ce dimanche qu'il était mort, mais une source gouvernementale a déclaré plus tard qu'il était en vie à l'hôpital et pouvait peut-être survivre.

Le quatrième incident a eu lieu dans la ville de Jijel, toujours selon les journaux.

« Des milliards de dollars ont été investis dans des programmes de développement sans impact positif sur la vie quotidienne des citoyens algériens », explique El Watan dans son éditorial.

« Les signes de la misère sociale sont visibles dans tout le pays... la rue de l'Algérie gronde. Une explosion de violence est très probable. »

Comme les Tunisiens, de nombreux autres Arabes sont en colère contre la flambée des prix, la pauvreté, le taux de chômage élevé et les systèmes de domination qui ne respectent pas leurs promesses.

En Egypte, les autorités sont catégoriques sur le fait qu'il n'y aura pas de troubles à grande échelle.

Une source policière a déclaré que l'homme qui s'est immolé par le feu ce lundi, Abdouh Abdel Moneim, âgé d'une cinquantaine d'années, a subi des blessures légères car les gens du service de sécurité du Parlement ont rapidement éteint les flammes.

« L'homme était frustré parce qu'il ne pouvait pas obtenir son coupons de rationnement de Ismailia (localité à l'est du Caire) pour acheter des produits subventionnés. Il est venu au Parlement trouver quelqu'un pour l'aider », a dit la même source.

Le maire a déclaré que l'homme avait des antécédents de problèmes mentaux, mais Ayman Nour, un homme politique de l'opposition, a déclaré qu'Abdel Moneim avait été malmené par la conjoncture économique.

« Certainement, certainement, certainement », dit Nour lorsqu'on lui demande s'il y a un lien entre l'incident et les événements en Tunisie.

« La police insiste pour le faire passer pour quelqu'un de psychologiquement malade. Mais je tiens à dire que l'Egypte est pleine de gens psychologiquement perturbés à cause de ce qui se passe ici », ajoute Nour.

« La Tunisie est désormais le modèle à suivre pour tous les Arabes. Le temps pour les dictateurs et les dictatures est passé », a déclaré Mohamed Lagab, analyste politique et professeur de sciences politiques à l'université d'Alger.

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