08/02/2011 voltairenet.org  28min #49043

 Égypte : « israël » parie sur le maintien du régime Moubarak

Egypte : soutenir la démocratie ou Israel, l'occident doit choisir

…parce que c’est l’Egypte / Le nouveau gouvernement libanais : transformations et défis / Michel Aoun réclame un assainissement de la politique libanaise et la poursuite des prévaricateurs / Voilà pourquoi Israël est inquiet ! / Abdallah de Jordanie change de Premier ministre / Ali Abdallah Saleh renonce à placer son fils pour lui succéder à la présidence du Yémen.

La tendance générale

...parce que c'est l'Egypte

La révolution populaire en Egypte est au coeur de l'actualité au Proche-Orient et focalise l'attention du monde entier. Cet intérêt exceptionnel accordé à un événement découle de la place stratégique qu'occupe l'Egypte dans les équilibres et les équations régionales et internationales depuis des siècles, ce pays étant, historiquement, la principale porte d'accès aux conflits qui secouent l'Orient arabe et l'Afrique du Nord. C'est ainsi que le sort des invasions impérialistes et coloniales s'est de tout temps joué autant en Egypte qu'en Syrie.

L'analyse des événements en Egypte conduit à faire les observations suivantes :

1. Le lien entre la révolution populaire en Egypte et les revers essuyés par l'empire américain au Proche-Orient est évident. L'étude de l'histoire et des grandes stratégies montre que le recul de toute influence impériale s'accompagne de grands bouleversements. L'affaiblissement de l'hégémonie impériale favorise l'émergence de nombreux foyers de rébellion et de résistance et les exemples historiques sont innombrables.

2. L'empire américain sait pertinemment que le déclenchement de la révolution égyptienne est l'un des résultats de l'échec de ses aventures au Proche-Orient, des défaites israéliennes, et de la disparition de la dissuasion face aux mouvements de résistance, de la Syrie, de l'Iran et de la Turquie. Ainsi, ce qui se passe en Egypte est un souci pour les Etats-Unis, où la Maison-Blanche, le Pentagone et le Département d'Etat, suivent d'heure en heure les développements dans ce pays.

3. Le sort des régimes que l'Administration Bush a appelé « modérés » constitue une angoisse stratégique pour l'Occident en général et pour les Etats-Unis en particulier. Les centres de décision occidentaux craignent un effet domino, semblable à celui qui s'est produit en Indochine après la défaite états-unienne au Vietnam. C'est pour cela que tous les efforts sont déployés pour contenir les effets de la révolution égyptienne et empêcher qu'elle ne se radicalise, avec ce que cela pourrait avoir comme conséquences sur Israël et sur la cause palestinienne. Washington et les autres capitales occidentales concernées par les développements dans la région redoublent d'efforts pour étouffer dans l'oeuf tout processus de transformation de la révolte égyptienne en révolution qui imposerait des changements sociaux et économiques, comme le souhaite le peuple égyptien. L'objectif est de changer la forme du régime, après le départ de Hosni Moubarak, et non pas le fond.

4. Les think tank et autres centres de décisions occidentaux essayent de prévoir avec le plus de précision possible les répercussions de la révolte égyptienne sur Israël, qui ne cache pas son angoisse de ce qui se passe chez son grand voisin. L'Etat hébreu craint l'effondrement du système politico-sécuritaire mis en place avec l'Egypte depuis les accords de camp David. La question du gaz (Israël importe d'Egypte 40 % de ses besoins en gaz au tiers du prix du marché), soulevée par Benyamin Netanyahu, n'est que la partie visible de l'iceberg. Il existe un véritable partenariat entre Israël et l'Egypte de Moubarak dans le blocus contre Gaza, la chasse aux mouvements de résistance palestiniens, et la guerre contre le Hezbollah, la Syrie, l'Iran et la résistance irakienne. Ce partenariat risque de devenir du passé, même si le nouveau pouvoir égyptien annonçait son attachement aux accords de Camp David.

Parce que l'Egypte focalise l'attention du monde, et parce que c'est l'Egypte, après la révolution de juillet 1952, qui a pris la tête du changement social et politique dans le monde arabe dans le sens de la libération de l'influence occidentale, une alliance allant de Washington à Tel-Aviv, en passant par l'Europe et de nombreuses capitales arabes « modérées », est en train de se dessiner. Son crédo : la chute de la ligne de défense constituée par le régime Moubarak va avoir des conséquences catastrophiques sur les intérêts de l'Occident, les plus graves depuis les années 70 du siècle dernier.

La tendance au Liban

Le nouveau gouvernement libanais : transformations et défis

Les concertations pour la formation d'un nouveau gouvernement se poursuivent au Liban à la lumière d'un nouveau climat politique et de positions arabes et internationales qui ont changé dans un sens positif depuis la désignation de Najib Mikati au poste de Premier ministre. Les négociations autour du nouveau cabinet dépassent le cadre des noms des ministrables et de la répartition des portefeuilles.

1. Après la journée de violences du 25 janvier, les forces du 14-Mars ont abandonné l'option de la rue pour saboter le processus politique en cours. Ce recul est dû au refus de leurs partisans des appels à la violence, et aux messages saoudiens, français et états-uniens envoyés au chef de cette coalition, l'ancien Premier ministre Saad Hariri, l'invitant au calme et à la retenue.

2. Washington, Riyad et Paris ont adopté une attitude plus ou moins positive à l'égard de Najib Mikati, refusant les demandes de Saad Hariri d'isoler le nouveau Premier ministre. L'entourage de l'ancien chef du gouvernement avait fait état d'un boycott international du gouvernement de Najib Mikati. Mais grâce à sa réputation, à ses relations et, surtout, à la grande marge de manoeuvre que lui accorde la nouvelle majorité parlementaire, le Premier ministre a réussi à absorber les campagnes politiques et à désamorcer les mines placées par le 14-Mars pour saboter son travail.

3. Les développements internes et externes ont poussé certaines composantes du 14-Mars, notamment le parti des phalanges libanaises, à entrer en négociation avec Najib Mikati pour examiner la possibilité de former un gouvernement de sauvetage national, comme le souhaite la nouvelle majorité (Celle-ci est composée du Courant patriotique libre du général Michel Aoun, du Courant Marada du leader maronite du Liban-Nord Sleiman Frangié, du Hezbollah, du mouvement Amal du président du Parlement Nabih Berry, et du Parti progressiste socialiste de Walid Joumblatt).

Quels que soient les résultats des négociations entre Mikati et le 14-Mars, le Premier ministre n'en ressortira que plus renforcé au niveau de sa crédibilité devant l'opinion publique et de son image d'homme d'ouverture et de dialogue. Les conditions posées par le 14-Mars au sujet du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) manquent de crédibilité lorsque l'on sait qu'à la veille de la chute de son gouvernement, le 12 janvier, Saad Hariri avait accepté d'opérer une déconnection totale entre le Liban et le TSL. Il réclamait en contrepartie les pleins pouvoirs dans les domaines politiques, économiques et financiers.

4. Il ne fait pas de doute que les événements qui se déroulent en Egypte se répercutent sur le processus de formation du gouvernement au Liban. La nouvelle majorité estime que le nouvel équilibre régional favorise sa vision aussi bien au niveau de la composition du cabinet que de son programme. Sa position est bien meilleure qu'à la veille de la désignation de Najib Mikati, surtout que les Etats-Unis et Israël sont déstabilisés par la révolte populaire égyptienne et que le pouvoir de Moubarak, qui constituait un des principaux alliés régionaux du 14-Mars, est hors-jeu.

5. Une des principales leçons de la révolution égyptienne est que les formules économiques néolibérales, basées sur les privatisations à outrance, destinées à pérenniser l'hégémonie états-unienne, et initiées à l'époque de Ronald Reagan, ont toutes échoué. Elles ont contribué à creuser le fossé entre les riches et les pauvres et réduit considérablement la base sociale des régimes pro-américains. Le « modèle haririen » était l'illustration libanaise de ces formules. La nouvelle majorité au Liban commettrait une grave erreur si elle fait preuve d'indulgence avec les conséquences et les réminiscences du « haririsme ».

Les événements de Tunisie et d'Egypte donnent une grande crédibilité aux thèses réformistes du général Michel Aoun qui souhaite démanteler le système économico-financier « haririen » au profit d'une politique plus sociale.

La une des journaux libanais (4 février 2011)

As Safir (Quotidien proche de la nouvelle majorité)
Mikati et Aoun : approche différente vis-à-vis de la représentation chrétienne

Al Moustaqbal (Quotidien appartenant à la famille Hariri)
Aoun compose le gouvernement avec Mikati

An Nahar (Quotidien proche du 14-Mars)
Les concertations de Mikati sur le point de définir « l'identité » du gouvernement

Ad Diyar (Quotidien proche de la nouvelle majorité)
Tiraillements Aoun-Berry à propos du ministère de l'Energie

Al Liwaa (Quotidien proche de Hariri)
Les revendications impossibles d'Aoun et Frangié

Al Hayat (Quotidien saoudien)
Mikati cherche à faire baisser les revendications d'Aoun. Présence importante pour Joumblatt au sein du prochain gouvernement

Déclarations et prises de positions

Bachar al-Assad, président de la République arabe syrienne
Extraits d'une interview accordée au Wall Street Journal
« Nous sommes rassuré par le cours des choses au Liban, au niveau politique. Nous sommes satisfaits de la transition fluide entre deux gouvernements. Nous espérons qu'un gouvernement d'union nationale sera formé. La situation au Liban va pour le mieux. Le conseiller du roi d'Arabie saoudite, son fils le prince Abdel Aziz Ben Abdallah, est attendu bientôt à Damas, et il nous dira ce qui s'est passé, surtout que nous étions très proches d'un accord final sur le Liban avec le roi Abdallah. »

Michel Aoun, principal chef chrétien de la nouvelle majorité
« Il ne faudrait pas que les factions qui veulent paralyser la vie politique entrent au gouvernement. Pourquoi leur donner le tiers de blocage ? Pour revenir à la paralysie ? Nous avons pu empêcher certaines choses dans l'intérêt du pays, mais avons-nous réalisé quelque chose ? Nous avons devant nous l'affaire des faux témoins, mais aussi des dossiers financiers qui toucheront un certain nombre de personnes. Nous avons l'intention de transmettre à la justice les dossiers que nous avons et nous n'accorderons d'immunité à personne. Le nouveau pouvoir est clair et il y a une stratégie pour sortir de la crise économique. Je crois que les choses sont devenues lourdes pour eux, alors qu'ils nous fichent la paix (...) Finissons-en de ce tribunal. Nous l'avions d'abord accepté et joué son jeu, et nous disions seulement qu'il y avait l'affaire des faux témoins. Mais le tribunal s'est dit incompétent en la matière. Par conséquent, pour que l'État puisse gouverner, il faut que des décisions soient prises. Le cas du tribunal sera réglé conformément aux lois libanaises et internationales. Mais le TSL constitue une agression contre nous. Il suffit de voir comment il a été formé et comment l'enquête a été menée. »

Nabih Berry, président du Parlement
« Il faut mettre au plus vite sur pied l'équipe gouvernementale, sans pour autant se hâter. Je salue les efforts que déploie le Premier ministre désigné pour former un gouvernement de salut national. La nouvelle majorité ne pose pas de condition au Premier ministre mais coopère entièrement avec lui. Je prône, comme le fait Nagib Mikati, la participation de tous à l'équipe à venir, sans calculs ni partage, loin de l'idée du tiers de blocage. »

Samir Geagea, chef chrétien, allié de Saad Hariri
« Le président Berry a toujours été un homme adroit. Je souhaite qu'il ait le mot de la fin dans l'autre camp. Mais je pense que celui qui possède le mot de passe au sein du 8-Mars (La nouvelle majorité, Ndlr) est le député Michel Aoun. Il était clair concernant le fait que toute participation d'une partie au cabinet doit se faire en échange de son adoption des principes et des convictions du 8-Mars. C'est sur ce point précis que se déroule notre conflit avec lui. Ce que le président Berry a indiqué concernant son désir de voir un cabinet de participation nationale n'est pas conforme avec la réalité et les aspirations du général Aoun. Ce qui est demandé, à en croire ce que dit Aoun clairement, c'est un gouvernement monochrome plaidant son allégeance à la Syrie d'une part et au Hezbollah de l'autre, ainsi qu'à l'ensemble de principes, de conceptions et de politiques du 8-Mars. Il est demandé aujourd'hui aux Libanais de croire en ce que croient les partisans du 8-Mars et de suivre la même ligne. Sinon, ils resteront dehors. Aujourd'hui, c'est hors du cabinet, puis demain hors du Parlement, et, peut-être même in fine hors du Liban tout entier. Ce qui prouve que nous avions raison : l'autre camp oeuvre pour ramener la situation à ce qu'elle était entre 1990 et 2005. La position du 14-Mars quant à la participation au cabinet est la suivante : participer tous ensemble au cabinet ou refuser cette participation tous ensemble, sur base de certaines constantes, dont, notamment, l'attachement au tribunal international et le rejet des armes illégales. »

Walid Joumblatt, leader druze membre de la nouvelle majorité
« J'ai prévenu à plusieurs reprises et essayé jusqu'au bout de faire en sorte que les initiatives syro-saoudienne puis turco-qatarie réussissent, mais les Etats-uniens ont tout fait capoter. Je ne souhaite pas polémiquer avec Saad Hariri parce que cela n'est pas de bon aloi, il aurait pu mener à bien cette sortie de crise, mais sans doute n'a-t-il pas été aidé par les circonstances. Qu'il (Saad Hariri, Ndlr) me pardonne, mais personne ne reste éternellement au même poste. Il est aujourd'hui out et sans doute demain sera-t-il in, cela n'est pas la fin du monde, mais le plus important est d'apprendre les leçons de la géopolitique. Il s'agit de relations privilégiées avec la Syrie sur la base de Taëf. Il ne sert à rien d'être reçu par Obama ou d'être encouragé par tel ou tel pays occidental ou arabe ; seule la géopolitique compte. C'est une folie politique que de dire que Najib Mikati est le candidat du wilayet el-faqih. Le président Mikati a sa base sunnite et il est connu pour sa modération, il a ses alliés en Occident et dans le monde arabe. Saad Hariri, qui est un symbole de modération, n'avait pas besoin de recourir à une journée de colère dans les rues. J'espère que nos divergences politiques ne vont pas torpiller notre amitié personnelle. Concernant le TSL, nous ne pouvons pas le supprimer, mais nous pouvons en atténuer l'impact au Liban pour éviter des affrontements entre sunnites et chiites. J'ai compris sur le tard que le TSL pouvait être utilisé pour saper l'unité nationale et la paix civile au Liban. »

Presse

Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la nouvelle majorité, 04 février 2011)
Ghassan Séoud
Derrière son entêtement, sa nervosité et ses choix exceptionnels, Michel Aoun a apporté la preuve d'une véritable perspicacité qui fera de lui un pharaon au sein du prochain gouvernement. L'esprit aouniste a du mal à comprendre les raisons pour lesquelles Nagib Mikati cherche à inclure des membres du parti Kataëb dans son équipe ministérielle. Les aounistes ne voient aucune valeur ajoutée dans la présence de ce parti dans la future équipe gouvernementale. L'opposition à la participation des Kataëb au gouvernement est le premier point évoqué dans les discussions entre Michel Aoun et le président Mikati. Une deuxième question est celle de la part du Bloc du Changement et de la Réforme au sein du Cabinet. Tout indique que cette part passera de cinq au sein du gouvernement actuel (dont un ministre pour les Marada et un autre pour le Tachnag) à dix dans le prochain gouvernement (dont deux pour le Tachnag, deux pour les Marada et un indépendant).

Al Akhbar (03 février 2011)
Paris, Bassam Tayyara
La diplomatie française ne sait pas sur quel pied danser. Elle a d'abord échoué à prendre la bonne position au sujet de la révolution tunisienne. Et la voilà aujourd'hui qui gravite autour des Etats-Unis pour déterminer sa position vis-à-vis de la révolution égyptienne, et qui répète ce que dit la Maison-Blanche, tout en se réservant une marge de manoeuvre liée au facteur temps, mais qui ne couvre pas ses ratés pour autant. Avant même que les observateurs ne sortent de l'état de choc dû au « changement de discours de la France », l'étincelle de la révolution était jetée au pays du Nil. Mais malgré cela, Paris gardait ses distances, certains parlant même d'attentisme, et tout le monde s'accordant à dire que la position de la France était toujours réglée à l'heure américaine : les communiqués de l'Elysée avaient tout l'air de s'inspirer des déclarations de Barack Obama. Pour certains, « l'expérience tunisienne amère » n'est pas étrangère au fait que la diplomatie française ait de nouveau échoué à prendre la juste mesure du séisme égyptien, bien qu'il n'y ait pas lieu dans ce cas de parler de poids de l'histoire, mais plutôt d'étroites relations personnelles, allant jusqu'à se féliciter de la « sagesse » de Moubarak. Bien sûr, Sarkozy a ligoté les ressources de la diplomatie française, dont l'Ambassadeur Jean Félix-Paganon, connu pour sa profonde connaissance du monde arabe, et ce en présentant à l'Egypte la coprésidence de l'UPM sur un plateau d'argent. Les observateurs n'ont pas manqué de relever que seul l'accord de paix avec Israël était derrière la décision d'imposer une « demi-présidence » permanente pour l'Egypte. A vrai dire, l'Egypte n'est pas plus qu'une simple destination touristique pour l'économie française. Car les grandes entreprises présentes sur place sont une quinzaine, alors que les contrats militaires sont quasi-inexistants. Mais il n'échappe pas aux Français que l'Egypte est un protagoniste-clé dans le dossier palestinien.

Al Akhbar (02 février 2011)
Nicolas Nassif
Le député Walid Joumblatt affirme avoir rejoint les choix politiques du 8-Mars et non pas les rangs de cette coalition. La position actuelle du leader druze est caractérisée par les facteurs suivants :
? Rupture totale de la relation avec Saad Hariri. Aucun médiateur ne joue les bons offices. Pour Joumblatt, il ne s'agit pas d'un divorce politique. Cet état des choses serait dû à un différend avec Hariri qui n'a pas tenu des engagements qu'il avait pourtant directement communiqués à Joumblatt avant la visite de ce dernier à Damas le 15 janvier, à propos du compromis saoudo-syrien. Joumblatt avait fait le pari du respect par Hariri de ses engagements, mais il n'en fut rien. C'est alors qu'il a pris la décision de se ranger ouvertement aux côtés de la Syrie et de la Résistance.
?Pour Joumblatt, Hariri a créé un problème inter-sunnite lorsqu'il a reçu le président Najib Mikati « en lui décochant un regard noir comme s'il y avait une vengeance personnelle entre eux deux ». Pourquoi n'accepte-t-il pas l'alternance au pouvoir ? Un jour, c'est son tour, et le lendemain, le tour d'un autre.
? Joumblatt soutient pleinement le Premier ministre désigné, puis son gouvernement. Il ne peut rien lui imposer, ni même le compromis saoudo-syrien, mais ce compromis peut servir de point de départ. En tout cas, la bataille ne sera pas facile. Il affirme ne pas connaître le sens de l'ouverture inopinée d'Amine Gemayel et de Samir Geagea envers Najib Mikati. Est-ce une preuve de bonne volonté ou une tentative de jouer la montre ? « Le président Mikati veut donner aux forces du 14-Mars une chance pour participer au gouvernement, mais je crois qu'il existe un ordre de mission extérieur qui va dans le sens contraire », a indiqué M. Joumblatt.
? Le gouvernement Mikati n'envisage pas d'abolir le TSL parce que personne d'autre que le Conseil de sécurité ne peut le faire. Toutefois, il faut oeuvrer à éviter les retombées négatives de l'acte d'accusation sur le plan intérieur.

An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Abdel Karim abou Nasr (04 février 2011)
L'ambassadeur d'une grande puissance européenne à Beyrouth a envoyé à son gouvernement un rapport portant sur le Premier ministre désigné Najib Mikati.
Il y considère que trois raisons portent à croire, jusqu'à présent, que le gouvernement Mikati pourrait être « le gouvernement du Hezbollah » ou celui des alliés de Damas : Mikati a accepté de former le gouvernement tout en sachant que la chute du gouvernement d'union nationale a fait suite à une décision prise par le régime du président syrien et ses alliés ; avant d'accepter cette mission, il ne s'est pas concerté avec Saad Hariri, qui était pourtant son principal allié pendant les dernières législatives ; par cette décision, il a pris parti pour la solution appuyée par la Syrie : essayer de faire obstruction au travail du TSL et d'affaiblir Hariri et son camp.
Le diplomate dresse les points forts et les points faibles de Mikati. Son point fort est que les alliés de Damas ont besoin de lui et ont donc tout intérêt à ce qu'il réussisse dans ses nouvelles fonctions. Ses points faibles : Malgré le respect qu'il inspire, Mikati n'est pas un leader politique disposant d'une grande assise populaire et d'un vaste appui politique à l'échelle du pays comme Saad Hariri. Il est donc obligé de compter sur les alliés de Damas. Il n'a pas accédé au pouvoir comme candidat consensuel mais en tant que candidat des forces qui veulent infliger une défaite politique à Hariri. Les revendications que les alliés de Damas souhaitent obtenir grâce à Mikati sont en contradiction avec les souhaits de la majorité écrasante des sunnites, voire des Libanais. Mikati est confronté à une vaste contestation politique et populaire au sein de la communauté à laquelle il appartient.

An Nahar (04 février 2011)
Rosanna Bou Mounsef
L'accalmie soudaine pour laquelle ont opté le Hezbollah et ses alliés dans le dossier du TSL après la chute du gouvernement Hariri, est surprenante : Saad Hariri a été écarté du pouvoir sous prétexte qu'il n'est pas allé jusqu'au bout dans l'abolition du tribunal. Egalement étonnant est le peu d'empressement du Hezbollah et de ses alliés à former le gouvernement afin que ce dernier puisse prendre les décisions réclamées à cor et à cri par ce camp (suspension du financement du TSL, retrait des juges libanais et abrogation du protocole signé par le Liban et l'Onu). En même temps, Najib Mikati cherchait à rassurer les chefs des missions diplomatiques accréditées à Beyrouth au sujet du maintien par le Liban de ses engagements internationaux, le TSL compris.
Des sources qui suivent ce dossier affirment qu'il n'y a pas eu d'arrangement portant sur le TSL parallèlement au coup d'Etat contre Saad Hariri. Selon elles, l'accalmie en question peut donner lieu à deux interprétations : la conviction selon laquelle le Liban, quoi qu'il fasse, ne pourra pas obtenir l'abolition du TSL ; le peu d'empressement du Hezbollah dans ce dossier est dû à la volonté de laisser à Mikati la chance de former son gouvernement.

L'Orient-Le Jour (Quotidien francophone libanais proche du 14-Mars, 04 février 2011)
L'armée israélienne a renforcé ses positions au niveau de la partie libanaise du village de Ghajar. Des équipes de génie munies de pelleteuses et de grues ont posé des grillages au nord de la localité à proximité de la ligne bleue. Des poteaux électriques et des réverbères ont été posés dans un quartier résidentiel à la frontière avec le Liban. Des blocs de béton armé ont été déposés à proximité du Wazzani. L'armée israélienne a aussi intensifié ses patrouilles dans les parties libanaise et syrienne de Ghajar et ont installé de nouvelles caméras d'observation aux entrées du village. De leur côté, l'Armée libanaise et la Finul ont intensifié leurs patrouilles.

Al Hayat (Quotidien saoudien, 02 février 2011)
Des sources qui suivent les concertations en vue de former le nouveau gouvernement font état d'obstacles que le Premier ministre désigné Najib Mikati aura à aplanir :
? Le député Michel Aoun insiste à monopoliser la représentation chrétienne, et veut avoir son mot à dire à propos de l'octroi d'un siège ministériel à n'importe quelle personnalité chrétienne. Il ne veut pas non plus qu'une part revienne au président de la République.
? En plus de sa propre part chiite, le Hezbollah propose la représentation au sein du gouvernement de certains de ses alliés et alliés sunnites de Damas. Mikati cherche à l'éviter et préfère faire appel à des personnalités qui ne provoquent pas le public sunnite de l'ancien chef du gouvernement Saad Hariri.
? Des sources proches du président Mikati parlent d'une ruée sur les portefeuilles régaliens, de la part notamment du député Aoun et du président de la Chambre des députés Nabih Berry, qui insistent sur l'idée d'une modification de la répartition de ces portefeuilles entre les différentes communautés.
? Les forces du 14-Mars réclament le tiers de blocage, mais Mikati y est catégoriquement opposé.

As Safir (Quotidien libanais proche de la nouvelle majorité, 04 février 2011)
Imad Marmal
L'axe de la « modération arabe » a subi des coups douloureux, et les régimes appuyés par Washington ne sont que des régimes en carton. Le mouvement de contestation populaire dans les pays arabes revêt certes une dimension socio-économique, qui n'annule pas pour autant la dimension politique, plus importante que la précédente. Elle a trait au souhait de retrouver sa dignité et son amour-propre face au projet américano-israélien. La plus grande leçon que l'on puisse en tirer est la suivante : les Etats-Unis ont prouvé, pour la énième fois, qu'ils n'hésitent pas à sacrifier leurs agents agréés dès qu'ils ont l'impression qu'ils sont devenus un fardeau.
Où se situe le Liban dans tout ce qui se passe ? Tout porte à croire que le Liban a reculé de plusieurs places sur l'échelle des priorités états-uniennes, au profit des autres scènes arabes en ébullition à l'heure actuelle. C'est l'occasion pour le 14-Mars de procéder à une relecture de son expérience avec les Etats-Unis, car c'est une grave erreur que de mettre tous ses oeufs dans le panier états-unien. Il serait utile que certains membres du 14-Mars mettent un frein à leurs déplacements à l'étranger. Et suivent ainsi le conseil d'un homme politique, connu pour son sens de l'humour : « Heureusement pour lui, le président français Nicolas Sarkozy s'est rattrapé de justesse et n'a pas reçu Amine Gemayel et Samir Geagea. S'il l'avait fait, il aurait été logé à la même enseigne que Hosni Moubarak, qui les a rencontrés dernièrement, mais à peine les adieux faits, le compte à rebours de la chute de son régime a commencé ! »

As Safir (03 février 2011)
Nabil Haitham
Dans l'entourage de Saad Hariri, certains refusent d'accepter l'idée selon laquelle le tribunal pourrait être affecté par les bouleversements dont la région est le théâtre. Bien au contraire, ils s'attendent à des démarches rapides de la part du tribunal, notamment la publication de l'acte d'accusation, et ils sont prêts à parier que son contenu provoquera un vrai bouleversement au Liban et peut-être au-delà. En revanche, un expert juridique considère que si le TSL suivait un parcours judiciaire et pénal basé sur le droit international et sur les normes de justice internationale les plus élevées, il aurait poursuivi son travail sans être affecté par ce qui se passe à côté, que ce soit au Liban ou dans la région. Mais l'expérience de la politisation du tribunal, dès le premier jour, porte à croire qu'il ne sera pas à l'abri du vent du changement. D'autant que pour la référence politique internationale du TSL, le Liban n'est plus une priorité, la priorité s'étant reportée sur d'autres dossiers. L'avis de cet expert se recoupe avec des observations faites par un haut responsable politique, allant dans le sens d'une régression du TSL, compte tenu de ce qui se passe au Liban et dans la région. En effet, la chute du gouvernement Hariri signifie que le Liban est passé d'une position politique à une autre : il est sorti de l'orbite états-unienne, et le gouvernement de Najib Mikati se mettra en place loin des Etats-uniens et de leurs injonctions. Par ailleurs, les Etats-uniens ont commencé à s'adapter à la nouvelle donne et à recadrer leurs intérêts en tenant compte des changements intervenus. Nombreux sont les indices allant dans cette direction, et certains sont même parvenus au Premier ministre désigné, directement ou à travers les diplomaties française et britannique. De plus, la partie libanaise qui appuie le TSL a été fragilisée sur le plan politique. Les Etats-uniens ont donc perdu tout instrument libanais efficace pour accompagner les démarches pouvant être entreprises par ce tribunal, en tête desquelles l'acte d'accusation. Une chose est sûre : le Liban tournera le dos à ces démarches et prendra des mesures gouvernementales pour arracher ses griffes au tribunal. Enfin, la position du parrain saoudien vis-à-vis du TSL a connu une évolution radicale. Dans compromis syro-saoudien, il était clairement question de l'abrogation du protocole du tribunal, du retrait des juges libanais et de la suspension du financement. De même que le roi Abdallah a donné sa bénédiction à la nomination de Mikati pour former le nouveau gouvernement sur les décombres de celui de Hariri.

As Safir (03 février 2011)
Paris, Mohammad Ballout
Accompagner les prises de position états-uniennes au sujet des événements en Egypte, et bien calculer chacun des pas à entreprendre vis-à-vis de cette révolution. D'un communiqué à l'autre, l'Elysée n'annonce rien de plus qu'une traduction française de la stratégie états-unienne. Une conviction règne à Paris : c'est Washington qui conduit le changement au Caire, à travers son réseau de relations et son influence sur l'armée égyptienne.
Paris, et l'Europe, partagent de grandes craintes israéliennes qui redoutent que les événements en Egypte n'aient pour conséquence de revenir à la situation qui prévalait avant la signature de l'accord de Camp David. Des messages israéliens, reçus par Paris, mettent la pression pour que les capitales européennes ne tombent pas dans le piège de l'appui à l'ancien directeur de l'AIEA, Mohammed al-Baradéi

La tendance dans le monde arabe

Voilà pourquoi Israël est inquiet !

L'inquiétude d'Israël face à la révolution populaire en Egypte découle d'une crainte historique sur le sort de l'Etat hébreu dans la période à venir. Les changements que connaît le pays des Pharaons n'en sont qu'à leur début et ont provoqué une grande confusion au sein de l'establishment israélien, surtout que chercheurs, experts et analystes n'avaient pas prévu une révolte de cette ampleur. Cette impuissance s'ajoute à la liste des échecs qui ont commencé à apparaître avec les défaites d'Israël au Liban en 2000 et 2006 et à Gaza en 2008-2009.

La dimension existentielle dans les calculs israéliens vient du fait que l'Etat hébreu a bâti ses stratégies, ces dernières années, sur son alliance indéfectible avec l'Egypte.

Après l'occupation de la Palestine et sa création, en 1948, Israël a construit son influence régionale sur deux piliers : l'Iran du Chah et la Turquie membre de l'Otan. L'Etat hébreu a bâti des relations et des partenariats économiques, sécuritaires et militaires avec ces deux grands pays jouissant d'un poids stratégique considérable. Les régimes arabes de l'époque, évoluant dans le sillage de l'Occident, étaient incapables de s'opposer au projet israélien, jusqu'à la révolution égyptienne de juillet 1952 et les changements introduits par le nassérisme dans le paysage arabe.

Israël s'est appuyé sur l'Iran et la Turquie dans les années 60 et 70 du siècle dernier, à l'époque où les pays arabes étaient en ébullition, une ère couronnée par la guerre d'usure menée par Gamal Abdel Nasser et la guerre d'octobre 1973.

Les accords de Camp David ont constitué un précieux gain stratégique pour la consolidation du système régional israélo-américain. Seule la Syrie a continué à résister lorsque son président, Hafez al-Assad, a refusé de marcher sur les traces d'Anouar el-Sadate, supportant à lui seul d'énormes pressions, des menaces et des guerres menées par l'axe israélo-américain et ses outils régionaux.

Israël a essuyé un premier grand revers avec la victoire de la révolution iranienne, qui a coïncidé avec la signature des accords de Camp David. Saisissant l'importance du moment historique, Hafez al-Assad a établi une alliance stratégique avec l'Iran, estimant que l'entrée de l'Iran dans l'axe de la résistance à l'hégémonie israélo-américaine pouvait compenser la sortie de l'Egypte.

Aujourd'hui, Israël subit de graves revers stratégiques avec la transformation de la Turquie, les victoires des résistances au Liban et en Palestine, et le nouvel ordre régional initié par le président syrien Bachar al-Assad ces dix dernières années. Avec une Egypte vacillante, c'est le dernier allié de poids d'Israël dans la région qui est menacé de paralysie totale. Quels que soient les résultats de la révolte du peuple égyptien, il ne fait aucun doute que le nouveau pouvoir sera contraint d'adopter une attitude différente dans le dossier de la relation avec Israël et de la cause palestinienne.

Les appels qui partent d'Israël pour un retrait du Golan, une reprise des négociations sur le volet israélo-palestinien et un repli sur le projet de l'Etat juif de Benyamin Netanyahu, sont les premiers signaux de la grande inquiétude sur son avenir qui taraude Israël après le séisme égyptien. L'Etat hébreu est particulièrement inquiet sur les plans politiques et sécuritaires du sort de l'Autorité palestinienne, menacée d'effondrement. Autant de facteurs dont personne ne peut prédire l'évolution qui sera, dans n'importe quel cas de figure, défavorable à Israël.

Evénement

Egypte

La place Tahrir au Caire était toujours occupée, dimanche, par les opposants au président Hosni Moubarak. Pendant ce temps, les discussions entre pouvoir et opposition ont commencé. Des représentants de l'opposition et des personnalités indépendantes sont convenues avec le vice-président égyptien Omar Sleiman de créer un comité pour préparer des amendements à la Constitution d'ici la première semaine de mars. Ces discussions réunissent des représentants des Frères musulmans, du parti Wafd (libéral) et du Tagammou (gauche), des membres d'un comité choisi par les groupes pro-démocratie ayant lancé la contestation qui réclame depuis le 25 janvier le départ du président Moubarak, ainsi que des figures politiques indépendantes et des hommes d'affaires.

Recep Tayyep Erdogan, le Premier ministre turc, a appelé à une « transition démocratique le plus tôt possible ». « Mais le terrain doit être préparé pour cela. Un gouvernement bénéficiant de la confiance favorise une telle occasion de préparer le terrain, et cela pourrait être un gouvernement intérimaire », a-t-il ajouté à la télévision turque.

Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat US, a exprimé son soutien au dialogue engagé par le pouvoir égyptien avec les Frères musulmans, attendant de juger sur pièces le résultat.

Gaza

Un chef militaire du Hamas est revenu samedi 5 février dans la bande de Gaza après s'être évadé de prison en marge des manifestations en Egypte. Ayman Naufal avait été arrêté début 2008 au Sinaï égyptien. Cinq autres activistes palestiniens qui étaient incarcérés à la prison d'Abou Zaabal, au Caire, ont regagné Gaza cette semaine en empruntant des tunnels de contrebande pour échapper aux contrôles frontaliers égyptiens. La prison d'Abou Zaabal a été attaquée par des manifestants antigouvernementaux. Selon le Hamas, Naufal a commandé des unités armées du mouvement dans le centre de Gaza.

Jordanie

Le roi Abdallah a voulu lâcher du lest en nommant au poste de Premier ministre Maarouf Bakhit, son ancien conseiller militaire, en remplacement de Samir Rifaï, dont des manifestants réclamaient ces derniers jours la démission. Il espère que la nomination de Bakhit, ancien Premier ministre de 2005 à 2007, calmera la rue en Jordanie, où il jouit d'une grande popularité. Mais le choix du roi Abdallah a été immédiatement critiqué par les islamistes. Le Front de l'Action Islamique (FAI), principal parti d'opposition en Jordanie estime que « Maarouf Bakhit n'est pas un réformateur ». « Il n'est pas l'homme pour diriger la période transitoire et pour sortir la Jordanie de la crise », selon un membre du comité exécutif du FAI, qui promet la poursuite des manifestations à travers le royaume.

Yémen

Le président yéménite Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis près de 32 ans, a annoncé qu'il ne briguerait pas de nouveau mandat et ne céderait pas non plus le pouvoir à son fils, une apparente réponse aux protestations dans le pays, inspirées par la Tunisie et l'Egypte. Le chef de l'Etat s'est exprimé devant les parlementaires des deux chambres du Parlement à la veille de manifestations de l'opposition jeudi qui a rassemblé des centaines de milliers de personnes dans toutes les provinces yéménites. « Je ne chercherait pas à prolonger ma présidence pour un autre mandat ou à en faire hériter mon fils », a assuré le président yéménite. Ali Abdallah Saleh, un allié de Washington, avait auparavant cherché à désarmorcer les tensions dans le pays en relevant la solde des militaires et en démentant vouloir installer son fils pour lui succéder comme l'affirme l'opposition. Mais cela n'a pas empêché les détracteurs du régime de descendre dans les rues de Sanaa. En janvier, des dizaines de milliers de personnes s'étaient rassemblées pendant plusieurs jours pour appeler à la démission du président, une ligne rouge que peu d'opposants avaient osé franchir jusque-là. Le mandat du président expire en 2013 mais des projets d'amendements à la Constitution pourraient lui permettre de rester au pouvoir pour deux mandats supplémentaires de dix ans.

New Orient News (Liban)

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