Mouhoub Anissa
A bord du bateau français « Dignité Karamah » qui a déjoué la vigilance des autorités grecques pendant plusieurs jours et de retour en France, Ennasri Nabil, Président du Collectif des Musulmans de France (CMF) a accepté de répondre à quelques questions.
Comment ressortez-vous de cette expérience ?
Je ressors beaucoup plus déterminé qu'avant mon départ pour Gaza. Nous nous y sommes rendus dans l'optique de rencontrer les Gazaouis mais nous avons été victimes de l'intransigeance israélienne qui s'est manifestée de manière implacable. Une intransigeance qui s'est exportée jusqu'aux portes de l'Union Européenne puisqu'on nous a empêché de quitter la Grèce. Ce fut un scandale ! La Grèce (et donc l'Union européenne) a abdiqué une partie de sa souveraineté au profit d'un Etat qui viole les dispositions des traités internationaux et des résolutions de l'ONU. Ce basculement historique est grave et lourd de conséquences car il crée un précédent inquiétant pour le futur de la diplomatie européenne. Cependant, qu'ils sachent que ces abus de pouvoir à répétition nous renforcent dans notre détermination à aller jusqu'au bout car une chose est sûre : nous ressortons encore plus déterminés à lutter, à prolonger le combat et à faire le nécessaire pour s'indigner jusqu'au bout, jusqu'à ce que cesse l'impunité israélienne.
Donc la tentative du Dignité n'est pas un échec ?
Non c’est loin d’être un échec mais je ne vous cacherai pas que si le Dignité n’avait pas pu faire ce qu’il a fait, c’est à dire déjouer la vigilance des autorités grecques et démentir ce que disait Mr Netanyahou, cela aurait été une forme d’échec. Ce qui est certain, c’est que nous sommes allés jusqu’au bout d’une démarche, nous avons voulu briser le blocus grec qui n’était que le prolongement du blocus israélien. En soit, c’est une victoire et la suite reste à écrire. Le Dignité maintenant est libre de ses mouvements et un autre navire qui faisait partie de la Flottille pour la Liberté n°2 a récemment pu quitter le port grec dans lequel il était assigné. Ce qui veut dire que la flottille internationale renait de ses cendres. Nous repartirons soit dans les prochains jours, soit à la rentrée, pour briser le blocus destructeur de la bande de Gaza. Ceci est un espoir et une victoire.
Je pense aussi qu'il est important de rappeler les difficultés et les obstacles auxquels nous avons dù faire face. Nous avions face à nous le gouvernement israélien, les services secrets du MOSSAD, le gouvernement grec, le gouvernement américain, l'ONU, les gouvernements occidentaux...tout le monde était contre cette flottille. Donc le simple fait qu'il y ait eu une mobilisation et surtout un impact médiatique qui mette sur le devant de la scène le caractère insupportable du blocus de Gaza, c'est en soit une victoire. À présent, à l'image de ce qui se passe en Egypte ou de ce qui s'est passé en Tunisie, la force des peuples, la solidarité, la non violence, finira toujours par l'emporter contre l'injustice, le vol, la spoliation et l'impunité.
En quoi un bateau occupé par des militants pacifistes constitue une menace pour Israël ?
C'est toute la question ! Israël ne supporte pas de voir les Palestiniens résister et souhaiterait leur imposer une paix de la soumission. C'est ce que refusent les Palestiniens et ils ont bien raison. Nous sommes le prolongement de la résistance palestinienne ici en Europe car nous luttons contres toutes les formes de racisme, d'injustice et de discriminations. Le sort infligé par Israël aux Palestiniens en général (et ceux de Gaza en particulier) est intolérable car il viole toutes les dispositions du droit international. Maintenant, nous avons voulu, à travers l'expérience de cette Flottille, rompre le mur de l'isolement et du silence qui fait oublier le sort des Gazaouis. C'est cela qui irrite Israël : remettre les pendules à l'heure et dénoncer, avec le plus grand écho médiatique possible, le caractère raciste, illégal et inhumaine de la politique israélienne. À Gaza, nous avons une situation de non-assistance à un peuple en danger et la société civile internationale a décidé de réagir pacifiquement pour mettre un terme à cette insulte à la conscience humaine.
Pourquoi s'obstiner à repartir à bord d'un bateau pour Gaza lorsque l'on sait la difficulté et le danger que cela représente ? N'est-il pas préférable de réfléchir à une autre alternative ?
Peut-être. Ce sera au mouvement de solidarité avec la Palestine en France et dans le monde de faire le bilan de cette action et de réfléchir à la pertinence de cette forme de mobilisation. Ce qui est sûr c'est que nous avons marqué des points, nous avons pu attirer l'attention sur le sort réservé au peuple de Gaza car il est temps que les choses changent. Aujourd'hui, maintenir un million et demi de personnes dans une situation humanitaire catastrophique est une honte ! Nous nous indignerons jusqu'à ce que cesse l'impunité israélienne !
Source : michelcollon.info