06/09/2011 2 articles alterinfo.net  7min #57093

Les Usa installent un radar Abm en Turquie

Un radar américain sera installé en Turquie où, très probablement, il commencera à suivre les lancements de missiles sur le territoire iranien et ne pourra pas être utilisé contre les forces stratégiques russes. Cependant, le système global américain de défense antimissile (ABM) comporte toujours un risque pour la Russie.

L'ABM américain se dote d'un nouveau radar

Une station radar en cours de création par les Etats-Unis et l'OTAN sera déployée en Turquie, a déclaré vendredi le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères Selçuk Ünal.

"Le déploiement de cet élément de l'ABM en Turquie sera une contribution de notre pays au système de défense développé dans le cadre de la nouvelle stratégie de l'OTAN et renforcera le potentiel de défense de l'Alliance et de notre système national de défense", a-t-il fait remarquer.

Pour autant qu'on puisse en juger actuellement, il s'agit de variations sur le thème du radar centimétrique AN/TPY-2 intégré dans le complexe américain THAAD destiné à l'interception endo-atmosphérique des missiles de moyenne portée. Le radar couvre un rayon d'environ

1.000 kilomètres.

La particularité de cette station est qu'hormis la transmission des paramètres au complexe de tir THAAD destiné à détruire les ogives lancées, elle peut être utilisée comme une sorte de "point d'observation" avancé dans la structure projetée du nouvel ABM américain

(ce qu'on appelle le régime Forward-based mode). Dans ce cas, le radar est utilisé pour une détection précoce des lancements de missiles et la détermination des éléments de leurs trajectoires.

Dans quelle direction le radar sera-t-il orienté?

Le site prévu pour le déploiement de la station radar réduit rapidement le cercle des

"ennemis éventuels" de la région sud-européennes de l'ABM américain. Selon les médias turcs, il est question des régions sud-est de la Turquie.

Le radar ne pourra pratiquement pas fonctionner contre la Russie à partir de cette position : premièrement, sur le plan purement théorique sa portée suffira jusqu'à Novorossiïsk, et deuxièmement, la crête du Caucase et les montagnes à l'est de la chaîne pontique empêcheront fortement le radar de surveiller la situation au-dessus du territoire russe, même s'il était déployé sur l'un des sommets autour du lac Van.

Sans parler du fait que dans ce secteur il est inutile de surveiller quoi que ce soit qui soit lié aux lancements des missiles stratégiques russes. Ils sont déployés au nord-ouest de Russie, dans sa région centrale et en Sibérie, et leurs trajectoires opérationnelles sont dirigées vers le nord,

au-dessus des régions polaires et le Groenland.

De plus, et surtout, même en supposant que ce radar soit capable de détecter quelque chose qu'il ne devrait pas voir (par exemple, des lancements hypothétiques de missiles tactiques au-dessus de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud en cas de nouveau conflit au sud de la crête du Caucase), les Américains ne pourraient rien en faire. Les vecteurs pour antimissiles en Géorgie pourraient convenir, mais la possibilité de leur déploiement dans les conditions actuelles est très faible.

Vendredi, Dmitri Rogozine, représentant permanent de la Russie auprès de l'OTAN, a annoncé que le radar turc ne représentait aucune menace pour la Russie. Par contre, deux Etats de la région devraient s'en inquiéter: l'Iran et la Syrie.

Si la Syrie ne dispose pas de missiles capables d'atteindre le territoire européen (et a peu de chances de s'en procurer à moyen terme), l'Iran est sur le point de créer de tels systèmes. Et ses principales bases de missiles connues du public sont situées à l'ouest et au nord-ouest du pays (près de Khorramabad et Tabriz), et le lancement d'un missile serait certainement détecté par la nouvelle station radar américaine.

Mise au point de la politique générale

La logique du déploiement d'un radar en Turquie renforce l'orientation ouverte anti-iranienne de la composante européenne de l'ABM américain (ce qui a été ouvertement annoncé).

Au début des années 2000, l'administration républicaine misait sur le déploiement des éléments de l'ABM en République tchèque et en Pologne, où ils pouvaient seulement menacer les missiles Topol tirés à partir des régions nord-ouest de Russie.

Avec l'arrivée à la Maison blanche de l'équipe de Barack Obama, le concept de l'ABM européen a changé : les plans de déploiement des vecteurs ABM ont changé au profit du sud de la Roumanie, et un radar devait être déployé en Bulgarie ou (comme ce sera certainement le cas) en Turquie.

Ainsi, le flanc sud de la composante européenne de l'ABM américain a été dessiné dans l'ensemble. Désormais, on peut affirmer que dans cette configuration il s'agit effectivement de la protection de l'Europe contre d'éventuelles attaques de missiles en provenance du

Moyen-Orient.

Les missiles d'un ennemi éventuel lancés contre les pays européens passeront au-dessus de la Turquie et les éléments de leurs trajectoires seront détectés par le radar turc. Ensuite, les intercepteurs roumains traiteront les ogives au-dessus des Balkans.

La mosaïque complexe de l'ABM global

En comparaison avec les plans annoncés par Washington une dizaine d'années auparavant, le fond général du problème de l'ABM européen a perdu son caractère franchement antirusse. Cependant, les risques pour la Russie demeurent.

L'architecture de l'ABM américain global, dans sa forme sous laquelle il sera créé, assure une souplesse sans précédent des systèmes de ciblage et de guidage des systèmes d'attaque. En fait, il est prévu que toutes les composantes de l'ABM (les radars navals et les intercepteurs embarqués sur les navires) soient capables de se déplacer et, en cas de menace, d'adopter la configuration nécessaire au Pentagone.

Ainsi, une source haut placée au Pentagone a déclaré au The Wall Street Journal que la décision de déployer le radar en Turquie avait été prise à la fin de l'année dernière. Toutefois, afin d'éviter d'exacerber les relations déjà complexes dans la région, selon la source, il a été décidé que le radar américain identique, déployé en Israël et intégré à l'ABM, ne recevrait aucune information à partir du radar turc.

Ankara est réellement préoccupé par les tensions possibles dans la région et se prononce contre la création de l'ABM régional intégré basé sur ces deux radars. Toutefois, on ignore comment les Américains garantiront l'absence d'échange d'informations si l'architecture de l'ABM global prévoit un échange transparent de données (dans l'idéal à l'échelle planétaire).

L'ABM israélien sera probablement exclu de ce schéma, mais la facilité avec laquelle il est possible de mettre ces radars en liaison confirme le caractère éphémère des garanties avancées par les militaires américains.

Les problèmes similaires préoccupent la Russie.

Admettons que la probabilité de la destruction des missiles Topol tirés dans le nord-ouest de la Russie au-dessus de la mer de Norvège est relativement faible : la phase d'accélération sera déjà terminée ce qui compliquera l'interception. Mais à partir des mêmes positions les croiseurs américains de classe Ticonderoga pourront détruire les missiles navals russes pendant la phase de lancement depuis les sous-marins dans la mer de Barents.

Or c'est une grave menace : les missiles nucléaires navals étaient toujours considérés comme une arme de représailles (dans les années 70 on les qualifiés des "tueurs de villes" en raison de leur précision relativement faible), et l'annulation de leur potentiel de riposte pourrait pousser encore plus les politiques irresponsable à effectuer une première frappe de "désarmement" contre les forces nucléaires russes. Notamment dans le contexte de la future mise hors service des silos lourds de production soviétique, et d'une situation pour l'instant floue concernant le rythme de leur replacement par de nouveaux systèmes.

La situation s'avère complexe. D'une part, le déploiement de la composante sud de l'ABM en Turquie et en Roumanie ne présente aucune menace pour la Russie.

D'autre part, la mise en place de la mosaïque colossale de l'ABM américain global comporte certains risques potentiels pour les forces stratégiques russes.

L'opinion de l'auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction  fr.rian.ru

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