Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan en visite en Tunisie a assuré jeudi "qu'islam et démocratie n'étaient pas contradictoires", un message clair dans un pays qui s'apprête à aller aux urnes le 23 octobre, pour un scrutin où les islamistes apparaissent favoris.
"Islam et démocratie ne sont pas contradictoires. Un musulman peut gérer un Etat avec beaucoup de succès", a déclaré M. Erdogan, dirigeant d'un parti islamo-conservateur, à l'issue d'un entretien avec son homologue tunisien Béji Caïd Essebsi.
"La réussite du processus électoral en Tunisie va montrer au monde que la démocratie et l'islam peuvent aller ensemble", a-t-il insisté, alors que le mouvement islamiste tunisien Ennahda (Renaissance) suscite de fortes craintes dans les milieux laïques et intellectuels tunisiens.
Une assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle constitution doit être élue le 23 octobre en Tunisie, neuf mois après la chute de Zine El Abidine Ben Ali, chassé par un soulèvement populaire sans précédent.
Les islamistes d'Ennahda, mouvement interdit et réprimé sous le régime Ben Ali, apparaissent comme les grands favoris du scrutin. Ils se réclament ouvertement du modèle turc, et leur chef, Rached Ghannouchi, était présent mercredi soir pour accueillir M. Erdogan à sa sortie de l'aéroport de Tunis.
L'influence d'Ennahda suscite de fortes craintes dans les milieux laïques et intellectuels tunisiens.
La visite en Tunisie du Premier ministre turc prévoit jeudi des rencontres avec les principaux chefs de partis politiques, au premier rang desquels ceux d'Ennahda.
"La Turquie est un poids lourd. Ce n'est peut être pas tout à fait innocent pour M. Erdogan de venir en Tunisie à un mois des élections, il lance un message rassurant en direction de l'opinion publique: ne craignez pas Ennahda", estime l'analyste Fayçal Cherif.
"Ankara endosse depuis quelque temps le rôle de parrain dans les pays arabes. Cette position s'est renforcée avec la ligne adoptée par la Turquie vis à vis d'Israël", ajoute M. Cherif.
De fait, à l'issue de sa rencontre avec M. Caïd Essebsi, M. Erdogan a également réitéré ses avertissements à l'Etat hébreu.
"Israël ne pourra plus faire ce qu'elle veut en Méditerranée, et vous verrez des navires militaires turcs dans cette mer", a déclaré M. Erdogan.
"Les relations avec Israël ne pourront pas se normaliser tant qu'Israël ne présente pas ses excuses concernant la flottille, ne dédommage pas les familles des martyrs et ne lève pas le blocus à Gaza", a poursuivi M. Erdogan.
Un raid israélien sur un navire turc en route vers Gaza avait coûté la vie à neuf Turcs le 31 mai 2010. Israël refuse de présenter des excuses pour cette opération, à la colère d'Ankara.
Le Premier ministre turc a déjà exprimé en Egypte, première étape de son voyage, de virulentes critiques contre Israël et affirmé que la reconnaissance d'un Etat palestinien était "une obligation".
Ses nouvelles déclarations devraient être bien accueillies en Tunisie, où la cause palestinienne est régulièrement soulevée. Les instances transitoires du pays ont adopté en juillet un "pacte républicain" interdisant notamment toute normalisation des relations avec l'Etat hébreu.
Après sa rencontre avec M. Caïd Essebsi, le Premier ministre turc aura des entretiens avec le président par intérim Fouad Mebazaa et les ministres des Affaires étrangères et de la Défense tunisiens.
A l'issue de sa visite, un traité d'amitié et de coopération devrait être signé pour dynamiser les relations commerciales entre les deux pays, liés par un accord de zone de libre échange depuis 2004. Le volume des échanges entre la Turquie et la Tunisie dépasse un milliard de dollars, selon des chiffres officiels.
M. Erdogan se rendra vendredi en Libye, dernière étape de sa tournée dans les pays du "printemps arabe".
AFP