Dina Ezzat - Al Ahram Weekly
Le Premier ministre de Turquie a été le centre de l'attention générale au Caire cette semaine, rapporte Dina Ezzat.
Les Egyptiens accueillent le Premier ministre turc Tayyip Erdogan en tenant une banderole disant « Bienvenue à toi cher dirigeant de la liberté », avant une réunion des ministres des affaires étrangères de la Ligue arabe au Caire. M. Erdogan a mis tout le poids de la Turquie derrière une candidature palestinienne pour un État, et a critiqué Israël lors d'un discours.
« Il est très impressionnant. Je veux dire la manière dont il s'affiche lui-même et la façon dont il s'exprime. Pourquoi n'avons-nous pas plus de dirigeants arabes comme celui-ci ? Je veux dire qu'il n'est pas comme [Gamal] Abdel-Nasser, mais c'est un véritable dirigeant au sens moderne du terme », a déclaré Hisham, un pharmacien.
Continuant à parler tout en suivant les informations sur la visite de Recep Tayyip Erdogan - le Premier ministre de Turquie - qui a débuté lundi soir et devait se terminer hier, Hisham a trouvé trois qualités chez M. Erdogan qu'il espérait retrouver avec le prochain président de l'Egypte : le calme, une vision moderne, et la capacité de prendre des décisions politiques correctes et équilibrées. « Il fait passer un sale moment à Israël, mais il ne va pas jusqu'à une confrontation totale. Il renforce la dignité de son pays, mais il ne franchit pas les lignes rouges. »
Hisham n'a pas été le seul à être impressionné. M. Erdogan a soulevé une euphorie générale parmi les milliers de personnes rassemblées à l'entrée de l'aéroport international du Caire pour accueillir l'homme dont le pays est pourtant un membre à part entière de l'OTAN. Mais la foule était là pour l'accueillir comme un héros de la cause palestinienne, louant la position d'Ankara contre Israël depuis que les forces navales israéliennes ont piraté au printemps 2010 un bateau d'aide humanitaire qui essayait d'atteindre la bande de Gaza.
D'autres sont impressionnés par la fusion réussie en Turquie de la démocratie, du développement et de l'Islam, le tout porté au crédit du parti de M. Erdogan au pouvoir.
Certains supportes d'Erdogan l'ont même appelé à faire revivre le califat islamique de l'ancien empire ottoman...
La visite de M. Erdogan en Egypte survient au début d'une tournée qui le conduira également dans deux autres pays d'Afrique du Nord libérés de régimes autoritaires : la Tunisie et la Libye. Cette tournée se déroule à peine un mois après que le Premier ministre turc se soit rendu en Somalie pour appeler à un soutien mondial, y compris le soutien des Musulman, car la famine dévaste ce pays de la Corne de l'Afrique. Certains diplomates avaient même parlé d'une possible visite à Gaza sous blocus israélien.
La coopération est un thème clé de la tournée, en particulier de la visite en Egypte. Plus de 10 accords de coopération ont été signés mardi entre les ministres accompagnant le Premier ministre turc et leurs homologues égyptiens sous les auspices des Premiers ministre Erdogan et Essam Charaf. Des projets communs égypto-turques dans le tourisme, la culture et l'industrie devraient être mis en oeuvre rapidement.
La coopération commerciale intéresse également fortement les entrepreneurs des deux côtés. Selon l'entourage accompagnant le Premier ministre turc en visite, près de 200 hommes d'affaires qui accompagnent M. Erdogan se sont réunis avec leurs homologues en Egypte pour étudier les possibilités de coopération en matière de technologie de l'information, d'exploitation de ressources naturelles et des industries connexes. Les hommes d'affaires turcs demandent la suppression des visas d'entrée obligatoires entre la Turquie et l'Egypte, afin d'aider au développement d'une rapide coopération commerciale.
Avec ces investissements, le volume des échanges commerciaux entre les pays devrait faire un saut. Mais la future coopération entre l'Egypte et la Turquie ne concerne pas seulement le commerce, la culture et le tourisme, mais aussi la politique et les questions militaires et stratégiques. Durant sa rencontre avec le maréchal Mohamed Hussein Tantawi, chef du Conseil Suprême des Forces Armées, M. Erdogan a reçu le feu vert pour la mise en place d'un Conseil Supérieur de la Coopération Stratégique entre l'Egypte et la Turquie.
Lors d'un discours à l'Opéra du Caire le mardi après-midi, M. Erdogan a discouru longuement sur les avantages de la coopération avec l'Egypte. Pour le public, le principal domaine de coopération qu'ils espèrent voir entre Le Caire et Ankara, c'est de mettre fin à l'agression israélienne.
Dans ses déclarations à l'Opéra et lors d'une réunion ministérielle de la Ligue arabe, M. Erdogan a promis de faire un pas supplémentaire pour faire face à l'intransigeance israélienne. « Israël écrase le droit international et la dignité humaine », a-t-il dit, « sapant toutes les chances de stabilité dans la région. » En outre, l'agression israélienne n'est pas seulement limitée aux Palestiniens, explique-t-il, mais étendue à d'autres nations dont la Turquie et l'Egypte, qui se tiennent solidaires car ayant subi la perte de leurs citoyens respectifs lors d'agressions israéliennes.
M. Erdogan a exprimé son soutien pour la revendication du mouvement palestinien pour une reconnaissance diplomatique de la Palestine aux Nations Unies ce mois-ci. Il a discuté de la coopération diplomatique arabo-turque avec le Secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil El-Arabi.
Allant au-delà de l'engagement dans une coopération avec les pays arabes et d'une confrontation avec l'intransigeance israélienne, M. Erdogan s'est fait l'avocat des « revendications légitimes » des peuples arabes pour la démocratie et la liberté. Il a exprimé son soutien au peuple syrien dont l'exigence de réforme politique est durement réprimée par le président syrien et son armée.
Alors qu'il était en Egypte, M. Erdogan a discuté avec les responsables égyptiens comme avec d'autres responsables arabes des moyens possibles pour convaincre le président syrien de mettre fin à la violence contre les manifestants syriens. La forme que prendrait la période post-Bashar Al-Assad était également à l'ordre du jour des discussions avec M. Erdogan.
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