01/10/2011 info-palestine.net  9min #57985

 Le pacifisme provocateur du président iranien

Ahmadinejad et Obama à l'onu : A propos de diplomatie et de flagornerie politique

Franklin Lamb - Countercurrents

Beyrouth, Liban : Les occidentaux et en particulier les Etasuniens qui ont suivi attentivement les discours que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a délivré aux USA et ailleurs y compris lors de sa dernière visite au Liban [octobre 2010], ont pu souvent constater la force de son charisme et de son contact populiste avec le public.

Octobre 2010 - Le président iranien, accueilli en héros, réalise une tournée triomphale au Liban - Photo : Keystone

Et le président Obama n'est pas en reste normalement quand il fait campagne et tente de persuader les électeurs de se rallier à sa manière de voir. Mais la prestation des deux leaders à l'ONU de la semaine dernière a fait penser à l'image du blé qu'on sépare de l'ivraie (Matthieu 13:24-30). Les deux nations s'affrontent au Moyen-Orient, une en essayant de maintenir son hégémonie sur la région à travers des actions soutenues de l'OTAN et l'autre en s'activant pour mener la région dans une direction très différente. En conséquence les auditeurs ont pu constater d'intéressants contrastes de style et de contenu.

Les deux prestations ont pu souffrir du fait que Obama avait la tâche difficile de consolider la situation d'Israël dont les jours en tant que puissance dominante du Levant diminuent au fur et à mesure que l'histoire corrige l'injustice incalculable qui a résulté de l'implantation par l'occident de l'état raciste, et que l'histoire déconstruit inexorablement la dernière entreprise coloniale du 19ième siècle de la planète.

Lorsqu'il s'est installé sur le podium de l'ONU, Ahmadinejad savait déjà que, lorsqu'il aurait parlé environ 15 minutes, l'AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) donnerait le signal du départ discourtois et infantile de 30 pays et la plupart des gens dans l'assistance savaient que la Maison Blanche avait donné son accord. Le président iranien savait aussi qu'il y aurait une attaque médiatique des tabloïdes pro-sionistes contre lui complétée des habituelles caricatures dégradantes et insultantes, assorties des qualificatifs que les médias étasuniens réservent au visiteur persan : "antisémite", "clown", "cinglé", "fou", "le nouvel Hitler" et autres insultes débiles. Il est difficile de croire que les responsables de la publication du New York Times ont vraiment lu le discours parce que non seulement ils ne l'ont pas analysé mais ils se sont contentés de le disqualifier en le traitant de "tirade" comme ils l'avaient fait l'année dernière.

Mais cette année la sortie de salle organisée par l'AIPAC et la Maison Blanche s'est retournée contre eux et a été clairement condamnée non seulement par le public étasunien mais aussi par les populations des pays qui ont accepté d'interrompre grossièrement la cérémonie. Le gouvernement étasunien contrôlé par les Sionistes n'a pas compris que le public international, comme la plupart des Etasuniens, a encore du respect pour le dialogue ouvert, l'hospitalité, et les leaders des autres pays. De plus, les gens savent que la raison d'être de l'ONU est de fournir une tribune ouverte à ses membres. Cela est valable pour l'Iran comme pour chacun des 192 états membres de l'ONU. La délégation iranienne a écouté respectueusement le discours d'Obama.

Obama, un politicien complaisant ?

Au grand embarras du public étasunien, le président Obama a démontré une fois de plus sa propension à tenir le rôle du politicien étasunien aux bottes du membre paria de l'ONU, Israël. Son dernier discours n'a pas fait exception et Obama a réitéré son intention de soutenir l'occupation israélienne de la Palestine en échange du soutien financier et autre du lobby israélien pour sa compagne électorale présidentielle de 2012.

Après le discours d'Obama, Hanan Ashrawi, professeur à l'université de Birzeit a résumé le sentiment de beaucoup de ceux qui l'avaient écouté à l'ONU et dans le monde : "Je n'en croyais pas mes oreilles. On aurait dit que c'étaient les Palestiniens qui occupaient Israël. Il n'a montré aucune empathie envers les Palestiniens ; il n'a parlé que des problèmes israéliens. Il nous a dit qu'il n'était pas facile de faire la paix, merci, on le sait déjà. Il a parlé des droits universels, parfait ; ces droits s'appliquent aussi aux Palestiniens. La Maison Blanche fait pression de tout son poids sur tous les membres de l'ONU à coup de menaces et de coercition. Je préfèrerais qu'ils mettent la même énergie à promouvoir la paix au lieu de menaces."

L'Iran a-t-il produit un homme d'état ou un sycophante ?

Mahmoud Ahmadinejad est à son meilleur quand il dialogue ou débat selon les Libanais et les Iraniens qui le connaissent bien. Mais il en vient rapidement au fait et cela prend parfois ses interlocuteurs par surprise.

Le président d'Iran est profondément religieux ; il est toujours courtois et respectueux et ne manque jamais de mentionner la valeur et l'importance du dialogue et de la recherche d'une terrain d'entente.

Mais il parle franchement et il a aussi fait remarquer que le président Obama n'avait jamais tenu sa promesse d'améliorer les relations entre les USA et l'Iran et d'entamer un dialogue avec l'Iran et il a ajouté qu'il espérait encore avoir une entrevue face à face avec lui. "Je ne crois pas qu'il faille complètement renoncer à cet espoir," a-t-il dit.

Il a dit aux autres membres de l'ONU : "Vous savez tous que le problème nucléaire a été manipulé et transformé en un problème politique", il a ajouté que l'Iran était toujours ouvert à la négociation concernant son programme nucléaire et il a répété que le programme nucléaire de son pays était destiné à la production pacifique d'énergie.

Après les élections iraniennes contestées de 2009, il a dit : "Nous voulions vraiment un changement. J'ai envoyé un message personnel au président Obama, mais il ne nous a jamais répondu."

Dans son discours à l'ONU, il a dit que la plupart des nations du monde n'étaient pas satisfaites de la situation internationale actuelle. "Et en dépit de l'aspiration générale pour la paix, le progrès et la fraternité, les guerres, les meurtres de masse, la pauvreté généralisée et les crises politiques et socioéconomiques continuent de spolier les droits et la souveraineté des peuples, et de provoquer des dommages irréparables partout dans le monde". Il a ajouté : " Environ 3 milliards de personnes dans le monde vivent avec moins de 2,5 dollars par jour et plus d'un milliard de personnes vivent sans avoir un seul repas suffisant par jour. 40% des populations du globe les plus pauvres se partagent seulement 5% du revenu mondial pendant que 20% des plus riches jouissent de 75% des richesses mondiales. Plus de 20 000 enfants innocents et misérables meurent chaque jour dans le monde à cause de la pauvreté."

Il a mis les USA au défi de se réformer et il a insisté sur la nécessité d'avoir un débat honnête sur les problèmes dont souffre l'humanité. Il a demandé à l'ONU de ne pas oublier qui avait imposé quatre siècles de colonisation, qui avait occupé les terres d'autres pays et massivement pillé leurs ressources, qui avait détruit les élites, aliéné les langues, les cultures et les identités d'autres nations ?

Il a demandé aux membres de l'ONU de chercher ensemble des solutions aux problèmes du monde mais sans perdre de vue les faits suivants :

Qui a déclenché la première et la seconde guerre mondiales qui ont laissé 70 millions de morts et des centaines de millions de blessés et de sans abris. Qui a déclenché les guerres de Corée et du Vietnam ?

Qui a terrorisé, assassiné massivement et dépouillé de leurs maisons les Palestiniens et les autres peuples de la région pendant plus de 60 ans sous couvert de Sionisme ?

Qui a imposé et soutenue pendant des dizaines d'années des régimes totalitaires ou dictatoriaux en Asie, Afrique et Amériques latines ?

Qui a utilisé la bombe atomique contre des peuples sans défense et entreposé des milliers de têtes nucléaires dans ses arsenaux ?

Quelles économies reposent sur la vente d'armes et sur la guerre ?

Qui a incité et aidé Saddam Hussein à envahir l'Iran pendant huit ans et qui l'a soutenu et équipé dans l'emploi des armes chimiques contre nos villes et notre peuple ?

Qui s'est servi du mystérieux 11 septembre comme prétexte pour attaquer l'Afghanistan et l'Irak, tuant, blessant et déplaçant des millions de personnes dans les deux pays avec comme but ultime le contrôle du Moyen-Orient et de ses ressources en pétrole ?

Qui a rendu caduque l'accord de Breton Woods en imprimant des milliers de milliards de dollars sans réserves d'or ou de monnaie équivalente ? Une opération qui a généré de l'inflation dans le monde entier et qui avait pour but de s'approprier une partie des gains économiques des autres pays ?

Quel pays dépense pour son armée plus de mille milliards de dollars annuels, plus que le total des budgets militaires de tous les pays du monde ?

Qui domine les institutions qui décident des politiques économiques mondiales ?

Qui est responsable de la récession économique mondiale et qui en impose les conséquences à l'Amérique, à l'Europe et au monde en général ?

Qui domine le Conseil de Sécurité qui est l'organe officiellement responsable de la sécurité internationale ?

Les discours des présidents d'Iran et des USA de ce mois-ci ont présenté aux membres de l'ONU les problèmes dans lesquels le Moyen-Orient s'enlise rapidement et les ont mis devant un choix clair. En fin de compte, comme nous le montrent les réveils populaires dans la région, ce sont les citoyens qui ont le pouvoir de décider du sort de ces crises.

Le président iranien a prouvé ce mois-ci à Turtle Bay qu'il comprend les problèmes, propose des solutions rationnelles et est prêt à prendre part à un dialogue constructif. Il revient au président Obama de s'extirper, lui et son pays, des griffes du Sionisme et de rejoindre l'Iran et la communauté des nations avec des propositions constructives pour répondre aux défis que le président iranien a énumérés.

* Franklin P. Lamb, est conseiller juridique de la Fondation Sabra et Chatila, ancien conseiller de la Commission de la Justice de la Chambre des représentants des Etats-Unis et professeur de droit international au Northwestern College (Oregon).

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