Fida DAKROUB
Le vendredi 23 décembre 2011, un double attentat terroriste a frappé le coeur de la capitale syrienne, Damas, massacrant hommes, femmes et enfants, laissant 44 morts et 166 blessés. Ce double attentat a ensanglanté la veille de Noël au seul pays arabe - après le Liban - qui offre encore, aux minorités chrétiennes, le même statut de citoyenneté que celui de la majorité musulmane.
Du double attentat terroriste
Des corps étaient déchirés en morceaux et des voitures rendues en cendre. Pourtant, les puissances impérialistes, et derrière elles les hâbleurs médiatiques, ont choisi de se montrer indifférentes envers ce crime barbare contre l'humanité, et qui porte, sans doute aucun, le modus operandi d'Al-Qaïda.
L'impérialisme mondial, porteur de l'étendard des « droits de l'homme » - au niveau de son discours idéologique - a refusé de classifier ces attaques sauvages, qui ne diffèrent plus - du point de vue des cibles attaquées - des attentats terroristes baptisés par Al-Qaïda, partout dans le monde. Nous parlons des multi attaques qui ont tant terrorisé le monde entier, mais surtout l'Irak, où Al-Qaïda applique, depuis l'invasion du pays par les legiones de l'Empire étatsunien, un plan d'élimination systématique des minorités chrétiennes, mais aussi des musulmans chiites qui, même s'ils sont majoritaires en Irak, ne comptent que 5 % des musulmans au monde, majoritairement sunnites.
Noël à Ottawa, Enfer à Damas
Le Noël du Bonheur fut arrivé, fête charmante à Ottawa, la neige couronnait la Colline du Parlement, les arbres furent tombés dans un long sommeil hivernal, et partout où il y avait des gens qui confondaient l'auxiliaire être et l'auxiliaire avoir [1], on se préparait à répandre, en une seule nuit, le Saint-Esprit de la désinformation sur toute la province de l'Ontario.
En dépit de cette belle image, très romantique, le gouvernement Harper semblait plus préoccupé par la diabolisation du régime syrien que par l'observation des écureuils, très mignons, qui sautaient d'un arbre à l'autre, cherchant des traces de noisettes sur la Colline du Parlement.
Le gouvernement Harper a jeté, d'une façon indirecte, le blâme sur le régime syrien pour les attaques ; et s'est engagé dans un « débat byzantin », visant à incriminer le président syrien, Bashar al-Assad, au lieu de condamner les barbares qui avaient exécuté cet acte sauvage.
Ce qui est étonnant, mais pas nouveau, dans cette histoire de diabolisation, c'est que la machination médiatique impérialiste propage, sans cesse, que le régime syrien se cache derrière cet acte de barbarisme. Pourquoi ? Parce que le régime veut accuser « l'opposition » !
Plaudite ! Applaudissez, la farce se joue !
Désolé chers metteurs en scène et scénaristes, mais la moindre chose à dire à propos de ce jugement c'est qu'il est bizarre, ridicule et irrationnel.
À Hama, les insurgés coupent bras et jambes de ceux qui refusent de participer à ce « banquet de sang » dit « réformes démocratiques ». Deux citoyens et un élément des forces du maintien de l'ordre étaient tombés par le feu d'un groupe armé. Aussi, deux citoyens ont été tués par balles des groupes armés dans les rues de Hama [2]. De même, un groupe armé a ouvert le feu sur un citoyen dans son magasin à Hama, pour n'avoir pas participé à la grève que les groupes armés tentaient de l'imposer. Un autre groupe armé a tiré sur un autre citoyen, devant sa maison près de la mosquée. Il a succombé à ses blessures [3].
À Homs, les groupes armés continuent l'enlèvement de ceux qui appartiennent aux groupes minoritaires ethniques et religieux, mais aussi de ceux appartenant au groupe majoritaire, parce qu'ils ne justifient pas les méthodes barbares qu'on applique dans les rues. Aussi, un groupe armé a visé un bus de l'hôpital national de Homs et tué le directeur de l'entrepôt des médicaments [4].
À Damas, des voitures piégées ont frappé au coeur de la forteresse du régime, tournant le Noël blanc en Enfer rouge. Un insurgé a avoué avoir déposé un engin explosif au-dessus d'une voiture privée dans une rue à Damas, mais la providence et la prudence des forces de sécurité intérieure ont mis en échec l'attentat [5].
À l'étranger, les mousquetaires du Conseil national syrien continuent toujours à inviter les legiones de l'Empire à s'intervenir dans les affaires internes du pays [6].
De l'annonce d'Ottawa
Le moment a été bien choisi. Le jour même du double attentat à Damas, le gouvernement Harper a annoncé une nouvelle série de sanctions contre la Syrie. Par conséquent, le Canada interdit désormais toutes les importations syriennes, à l'exception de produits alimentaires, et tout investissement en Syrie, ainsi que les exportations vers ce pays de tout équipement de surveillance téléphonique et informatique, a indiqué le chef de la diplomatie canadienne, John Baird [7].
En outre, Ottawa a ajouté de nouvelles personnes et entités, associées au régime du président Bachar al-Assad, à la liste de celles frappées par le gel de leurs avoirs et l'interdiction de toute transaction avec elles. Il s'agit de la quatrième série de sanctions adoptées par le Canada depuis le début du conflit en Syrie, en mars 2011.
À preuve, le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a dénoncé « la violence insensée contre le peuple syrien » qui, selon lui, « continue à faire de nombreux morts ». Cependant, monsieur le ministre n'a pas dénoncé le double attentat précisément, et sa dénonciation demeurait de couleur grise. En plus, M. Baird a ajouté que le président « Assad va tomber. Son gouvernement va tomber. Ce n'est qu'une question de temps, il n'a pas d'avenir », dit-il répondant aux questions des médias [8].
De notre part, ce qui nous étonne le plus, c'est que personne, parmi ces journalistes audacieux, n'a eu la curiosité de demander à M. Baird ce que va être le futur de la Syrie et de toute la région du Levant après la chute promise du régime syrien et la prise victorieuse du pouvoir par les dinosaures des groupes islamistes armés ?
En effet, cet étonnement nous a poussés à nous demander, franchement, si monsieur le ministre des Affaires étrangères, John Baird, qui applaudit, depuis quelques jours, la chute du régime Assad et réjouit la victoire de la « démocratie », s'il ignore vraiment qu'au cours de derniers mois, environ 1500 combattants du Groupe islamique combattant en Libye (GICL), renommé depuis novembre 2007 Al-Qaïda en Libye, se sont infiltrés en Syrie ? [9] Faut-il lui rappeler aussi que monsieur Abdelhakim Belhaj, compagnon de Ben Laden et chef historique d'Al-Qaïda en Libye, est devenu gouverneur militaire de Tripoli, par la grâce de la mission « humanitaire » de l'OTAN en Libye ; et qu'il passe maintenant ses jours ennuyants, non pas à chasser les mouches dans son labyrinthe [10], mais plutôt à se promener aux deux côtés de la frontière entre la Syrie et la Turquie ? [11]
De manière identique à l'annonce de M. Baird, le premier ministre, Steven Harper a fait, le lendemain de l'attentat - le 24 décembre - une déclaration annonçant que « des sanctions ciblées seraient imposées contre des membres du régime syrien actuel en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Syrie est entré en vigueur afin de répondre à la gravité de la situation en Syrie » [12].
Pour justifier son annonce, le premier ministre, M. Harper, a ajouté que « plusieurs manifestations visant à encourager des réformes démocratiques ont eu lieu dans diverses villes partout en Syrie depuis le 15 mars 2011 » [13].
Nous ne pouvons que nous arrêter sur ce point précis, en espérant comprendre ce que monsieur le premier ministre voulait dire par « encourager des réformes démocratiques ». Qui sont-ils vraiment ces mousquetaires de « démocratie » dont parle M. Harper ? Il aurait été plus intéressant si M. Harper avait indiqué, par noms, ces mouvements dits « démocratiques ».
Naturellement, pour un lecteur ou un spectateur, qui n'a jamais eu la chance de s'aventurer aux merveilles des pays des Arabes, la « réalité » des choses prendrait la forme suivante :
D'abord nous sommes au pays des Arabes, donc un espace imaginaire, exotique, qui se trouve là où se termine la civilisation humaine. Au-delà des frontières de l'humanité occidentale, nous entrons dans une dimension différente, celle que nous appelons la « dimension 3S » ; c'est-à-dire le Sahara, le Sérail et le Sarrasin ; autrement dit les trois composants de l'imagerie de l'Orient tel qu'il est créé par l'Occident.
Et le conte commence : « Il était une fois, au milieu du Sahara, un grand Sérail ; à l'intérieur du Sérail, habitait un Sarrasin tyran et despote. Il ensanglantait ses sujets pour assouvir sa soif. Un jour, une belle fille aux cheveux blondes, qui s'appelait Démocratie, décida de libérer son peuple ».
Malheureusement, ce n'est qu'un conte merveilleux ! Car dans la réalité, les choses sont plus compliquées.
Ceux qui tranchent, aux coups de machettes, les corps des fonctionnaires de l'État, dans les rues de Hama et de Homs, n'ont aucun respect ni pour la démocratie dont parle M. Harper, ni pour la Charte des Droits de la Personne, dont nous, les Canadiens, sommes fiers.
En plus, il aurait été plus intéressant de savoir l'opinion du gouvernement Harper sur l'enlèvement puis la liquidation physique des membres de groupes minoritaires, ethniques et religieux, qui se déroule jours et nuits, dans les rues des villes syriennes, tombées sous contrôle des groupes islamistes takfiristes armés ; au moins que notre gouvernement croit à la métempsychose, pour qu'il soit convaincu que l'Esprit des lois de Montesquieu s'était incarné dans le discours idéologique des Frères musulmans, dont les pratiques discriminatoires envers les minorités religieuses sont bien connues. Prenons dans ce sens les pratiques discriminatoires les plus récentes contre les chrétiens coptes de l'Égypte.
Peut-être il fallait rappeler le gouvernement que l'idéologie salafiste takfiriste de ces agneaux de Dieu appelle à l'élimination de l'Autre religieux, ce qui mettra la présence chrétienne, non pas seulement en Syrie, mais dans tous les pays du Moyen-Orient, face à un danger d'élimination systématique, une fois les « réformes démocratiques », dont parle monsieur Harper, seront entrées en vigueur.
Somme toute
En premier lieu, la seule conclusion à tirer de ce double attentat barbare c'est que les mousquetaires de la soi-disant « opposition » syrienne ne pratiquent ni la méditation transcendantale ni le Tai Chi, mais au contraire ils maîtrisent bien l'art de tuer, comme ils sont lourdement armés.
En second lieu, bien qu'il n'y a aucune preuve que le régime syrien ait planté des bombes dans sa propre « forteresse », Damas, les empreints d'Al-Qaïda sont fortement présents, vu les moyens utilisés - multi attentats piégés - et la victime ciblée - les civils.
En un mot, incriminer le régime syrien, sous prétexte de « droits humains », au lieu de condamner les groupes armés de la soi-disant « opposition » syrienne, n'est qu'une sorte de souffler de cendre dans les yeux, pour désinformer l'opinion publique ; ce qui risque, en effet, de donner l'impression que le gouvernement Harper sous entendu justifie les actes de violence venant de la part de la soi-disant « opposition » syrienne.
A fortiori, les Canadiens ont le droit de savoir la vérité à propos des prétendus « manifestants pacifiques » et « réformes démocratiques », chers au coeur de notre gouvernement Harper.
Sans nul doute possible, la réalité des événements en Syrie est, tristement, loin d'être une sorte de « réformes démocratiques » ni de « manifestations pacifiques » ; seule la haine religieuse envers tout ce qui est « Autre » se cache derrière les motivations réelles de la Saison de violence en Syrie. Pourtant, le misérable Conseil national syrien, en pratiquant la subordination aux puissances impérialistes, déclare la révolution nulle et non avenue.
Fida DAKROUB, Ph.D
Pour communiquer avec l'auteur de l'article : bofdakroub.blogspot.com
[1] Cette faute est fréquente parmi les Ontariens francophones.
[10] Allusion au roman de Gabriel Garcia Marquez, Le Général dans son labyrinthe.