03/02/2012 info-palestine.net  6min #63016

 Ziad Medoukh : Trois ans après, qu'est ce qui a changé à Gaza ?

4 janvier 2009 : la famille Abdel Dayem dit adieu à Arafa

PCHR Gaza

« Au départ, on m'avait dit que Arafa était blessé à la suite d'une frappe israélienne. Bien évidemment, j'étais inquiète à son sujet, mais je me disais que du fait de son travail, beaucoup de gens se blessent et que le plus important est qu'il soit toujours en vie. On ne m'avait informé de sa mort que quinze minute avant que la dépouille mortelle n'arrive au domicile familial, et là ce fut le grand choc : un sentiment insoutenable. »

Sur la photo : (de gauche à droite) Imtihan Abdel Dayam et ses garçons Hamed, Ahmed, Abdel Rahman et Hani

Arafa Abdel Dayam avait 34 ans lorsqu'il a été tué dans l'opération « Plomb Durci ». L'incident est survenu le 4 janvier 2009, lors de l'offensive israélienne qui, durant 23 jours, avait pris pour cible la Bande de Gaza. Arafa était aide-soignant et ce jour-là, il était de service au secours d'un groupe de cinq individus désarmés attaqués par un missile israélien lorsqu'un char de l'agresseur a tiré un obus à fléchettes vers le groupe.

La famille al-Dayam nous a accueillis chez elle. La première chose que l'on constate lorsque nous rencontrons cette famille est la nature calme et posée de tous ses membres. En effet, la politesse et la bonne conduite des quatre garçons Hani 11 ans, Hamed 9 ans, Abdel Rahman 6 ans et Ahmed 4 ans témoigne d'une éducation impeccable reçue de la maman, Imtihan auprès de laquelle, les garçons sont restés sages pendant toute la durée de notre rencontre.

Agée de 35 ans, la mère de famille revient sur les évènements qui ont marqué cette journée sinistre, il y a trois ans déjà. Elle raconte : « Au départ, on m'avait dit que Arafa était blessé à la suite d'une frappe israélienne. Bien évidemment, j'étais inquiète à son sujet, mais je me disais que du fait de son travail, beaucoup de gens se blessent et que le plus important est qu'il soit toujours en vie. On ne m'avait informé de sa mort que quinze minute avant que la dépouille mortelle arrive au domicile familial, et là ce fut le grand choc : un sentiment insoutenable » Sa voix se mua lorsque le souvenir du moment où elle apprit la mort de son époux la traversa. Elle se ressaisit aussitôt pour ne pas laisser la tristesse s'emparer d'elle et pour préserver l'image de la femme forte qu'elle a adoptée « pour le bien de ses enfants et de leur avenir ».

Par ailleurs, la famille a traversé beaucoup d'épreuves depuis la mort d'Arafa. Avant l'incident, Arafa ainsi que sa femme et ses enfants vivaient chez sa famille. Depuis, une dispute a éclaté avec la belle-famille et Imtihan s'est retrouvée contrainte de déménager vers sa maison inachevée dont les travaux avaient été initiés par Arafa avant sa mort. Elle confie : « La maison était vide quand nous sommes arrivés. Il n'y avait absolument rien, ni meubles, ni fenêtres, ni tapis, il n'y avait que les murs peints dix jours auparavant » Et c'est en se servant des économies de son défunt mari qu'Imtihan a été en mesure de rembourser les prêts précédents ayant servi à la construction de la maison, mais hélas pas suffisants pour la finir.

S'agissant de Arafa l'homme, Imtihan évoque une vie marquée par le courage et la popularité et dont les palestiniens témoignent. Elle raconte : « Pendant la guerre, On ne voyait Arafa que lorsqu'il passait à la maison pour y ramener la nourriture. Il repartait aussitôt pour rejoindre son travail bénévole avec les autres aides-soignants. Des fois, même quand des équipes médicales étaient au complet, il se dirigeait ailleurs pour intégrer d'autres équipes » Elle ajoute : « A sa mort, les condoléances des quatre coins du monde nous ont parvenues. »

Et c'est donc sans surprise si Imtihan, en évoquant la vie de la famille après la perte du père, appuie sur « l'importance d'être forte » En effet, il fallait faire face au traumatisme qui a touché les enfants suite à la disparition de leur père. Pour Hani, par exemple, l'enfant s'est du jour au lendemain retrouvé sans celui avec lequel il entretenait des relations assez étroites. Du coup, l'année qui a suivi l'incident, le garçon commençait à présenter de graves symptômes traumatiques mentaux et physiques. A ce titre, Imtihan avoue : « J'ai, dès le départ discuté avec les enfants en leur rappelant qu'il fallait qu'ils se comportent comme leur père l'a toujours souhaité. »

D'autre part, il faut saluer le rôle du personnel de l'UNRWA qui a, grâce à ses séances quotidiennes, permis à Hani de discuter et de s'exprimer. Le garçon a réussi à surmonter la perte de son père et cela se voit à travers ses excellents résultats à l'école, notamment dans les sciences ; une matière que son père avait l'habitude d'enseigner dans l'école locale de l'UNRWA.

Aujourd'hui, en regardant Hani, il apparait clairement que le garçon tente de jouer le rôle de l'homme de la maison. Lorsque sa mère se livre à nous, le garçon reste calmement assis les yeux et le contrôle sur ses jeunes frères, spécialement sur Ahmed qui n'avait que quatre mois au moment de l'assassinat de son père. « Il n'a pas eu la chance de connaitre et d'aimer son père » lance amèrement Imtihan.

Quant à l'avenir, Imtihan l'évoque avec optimisme et affirme : « J'ai quatre jeunes garçons et j'espère qu'ils réussiront leurs études et qu'ils fonderont des familles. Mais en attendant, je suis seule et j'ai une lourde responsabilité que je dois assumer jusqu'au bout » Par ailleurs, Imtihan se veut confiante au sujet des poursuites judiciaires en Israël. En effet, la famille attend les compensations puisque Arafat n'était pas une cible militaire lorsqu'il a été tué par les forces de l'occupation israélienne.

En date du 21 août 2009, le PCHR a soumis une plainte pénale au nom de la famille Abdel Dayem. A ce jour, aucune suite n'a été donnée.

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