Jean ORTIZ
Il paraît me dit-on, que mon cri du cœur « Je ne veux pas partager mon deuil et ma douleur avec eux », publié par le site « Le Grand Soir » (ils y croient encore les coquins !) et « L'Humanité.fr » a « fait un carton » sur les sites, les lieux noirs et les diables blonds, les blocs, les blogs, les réseaux sociaux, les fesses de bouc ; dans les stations de ski, les prisons, les banlieues, les universités, les pôles emploi, les salons de massage...
Il m'a fait remonter de vingt points dans les sondages. En plus, il était paraît-il « critique » par rapport à « la ligne » (Albert Londres ne connaissait que celle du chemin de fer), et « pas Charlie » du tout. Faux ! Mais tout bon pour que la téloche « cherche à me joindre », tout bon pour les grands médias des bétonneurs et des marchands de canons ; ceux qui, en lobotomisant les audimatistes, en désinformant, en étouffant la pensée et la parole critiques, la liberté d'expression, contribuent eux aussi à fabriquer des monstres au quotient intellectuel d'huitre manipulée.
Alors qu'ils ne comptent pas sur moi ces fossoyeurs du pluralisme de l'information, ces promoteurs de l'obscurantisme, pour cracher sur les miens. « Ce vin est parfois aigre, mais c'est le nôtre », disait José Marti, le père de l'indépendance cubaine. Mon positionnement souvent décalé, et qui me vaut quelques désaffinités solides, est à l'image de ce que sont les communistes : pluriels, multicolores, divers, et d'été, différents... Mais d'accord sur l'essentiel : le capitalisme détruit l'homme et la nature ; il n'est pas amendable et seul son dépassement, le combat pour une société de tous, avec tous, pour tous, que j'appelle socialisme (éco-socialisme), et qui n'a jamais vraiment existé, peut apporter une réponse ré-humanisatrice.
Je hais la téloche privée (parfois tout autant la « publique »), coupable d'abrutissement et de manipulation des esprits, je hais les séances télévisées de pornographie « politique », de promotion du Front national, d'appel sournois à la haine de l'étranger (le monde est plein d'étrangers !!), qui désigne l'ennemi : l'Arabe, le musulman, des cibles, des qualificatifs aux bons vieux relents de colonialisme. « Les monstres » sont produits par notre société monstrueuse de relégation, d'exclusion, de compétition, de violence sociale et interhumaine, d'aliénation, de marchandisation de tout, d'idéal en cale sèche. Les monstres sont aussi le produit des interventions impérialistes des gouvernements français, de leur soutien au massacre des Palestiniens ; chaque bombe de Netanyahou qui tombe sur Gaza, qui tue des enfants, engendre de nouveaux « monstres », ici et ailleurs.
Voilà pourquoi j'ai écrit spontanément, épidermiquement, ce texte « Je ne veux pas partager mon deuil et ma douleur avec eux » en pleine tempête ; et en pleine entreprise de récupération politicienne, dégoûtante, de la légitime et généreuse émotion populaire. Je n'ai jamais appelé à ne pas manifester, j'ai moi-même marché deux fois à Pau, avec les miens... mais j'ai appelé à éviter les « infréquentables ». Jamais « l'union sacrée » n'a servi l'intérêt des peuples.
Jean Ortiz