Par Bill Van Auken
Une photo affichée sur les média sociaux révèle que les « dirigeants mondiaux » qui avaient prétendument mené la marche parisienne du 11 janvier qui a suivi l'attaque contre les bureaux de Charlie Hebdo, étaient en réalité rassemblés pour une séance photo et une énorme mise en scène.
Tandis que dans les médias, les photos et vidéos des dirigeants étaient presque invariablement inclinées pour donner l'impression de foules massives derrière eux, une des prises de vue d'en haut montre qu'ils sont très serrés sur à peine une dizaine de rangées et dans une rue vide, bouclée par un lourd service de sécurité et séparés du reste des manifestants.
Rien ne pouvait mieux symboliser avec plus de clarté le caractère réactionnaire de cette collection de responsables d'Etat ni la fraude de leur tentative de se donner des airs de grands défenseurs des droits de l'homme.
Au milieu de ceux qui participaient à cette photo se trouvait le président français François Hollande, dont la popularité dans les sondages a touché le fond ces derniers mois - environ 15 pourcent d'opinions favorables à la fin de l'année. Le président espère sans doute que les évènements liés à Charlie Hebdo vont l'aider à renforcer son gouvernement dans la poursuite de sa politique impopulaire tant en France qu'à l'étranger.
La photo montrant la participation fictive des dirigeants mondiaux à la manifestation de Charlie Hebdoà Paris
Outre Hollande et ses homologues chefs d'Etats impérialistes européens, les mains dégoulinant du sang versé au Moyen-Orient, en Afrique ou en Ukraine, ces manifestants comptaient le premier ministre turque Ahmet Davutoglu, dont le gouvernement a emprisonné plus de journalistes que quiconque sur la planète ou encore le ministre des Affaires étrangères égyptien Sameh Shoukry, dont le régime a massacré des milliers de personnes et emprisonné des milliers d'opposants politiques.
Il y avait aussi, posant pour les caméras (sur une prise de vue il saluait une foule qui apparemment n'existait pas) le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu dont le régime a massacré des milliers de Palestiniens et réprimé sans pitié les médias palestiniens.
Parmi les autres champions des droits démocratiques qu'on avait sous la main se trouvait le Roi de Jordanie qui a récemment condamné un écrivain à 15 ans d'emprisonnement pour avoir critiqué sa monarchie. Présent aussi l'ambassadeur d'Arabie saoudite en France, Mohammed Ismail Al-Sheikh, le représentant d'une monarchie dictatoriale qui a imposé une sentence d'un millier de coups de fouet - dont 50 infligés vendredi - et 10 ans d'emprisonnement à Raif Badawi, un bloggeur accusé d'avoir insulté l'école wahhabite de l'Islam, promue par l'Etat.
Tous les responsables réunis dimanche pour cette mise en scène photographique se trouvent, à la fois par leurs objectifs politiques et les intérêts sociaux qu'ils défendent en opposition directe à la masse de la population laborieuse en France et dans le monde. C'est pour cette raison qu'ils étaient blottis ensemble, sous protection policière intense, pour la pose photo dans un périmètre bien sécurisé et bien à l'écart des autres manifestants parisiens.
Tandis que parmi les millions de personnes qui ont défilé en France le week-end dernier, il y en avaient sans aucun doute beaucoup qui éprouvaient un sentiment d'horreur et de tristesse devant l'assassinat des douze personnes tuées dans les locaux de Charlie Hebdo, les chefs d'Etats et hauts responsables s'étaient rassemblés pour des raisons tout à fait différentes. Il étaient là dû au désir commun d'exploiter le choc et la confusion causés par l'attentat, dans le but de promouvoir « la guerre contre la terreur », une conspiration d'Etat pour des guerres sans fin à l'étranger et la suppression des droits démocratiques aux mains d'Etats policier à l'intérieur.
L'absence remarquée du président Barack Obama ou de tout autre haut responsable des Etats-Unis sur la photo, est devenu le centre d'une controverse politique au sein de l'appareil d'Etat américain. Le ministre de la Justice, Eric Holder, qui se trouvait à Paris à ce moment là, ne s'y est pas rendu non plus, laissant l'ambassadrice américaine en France, Jane Hartley, récemment désignée à ce poste pour ses services en tant que collecteur de fonds d'Obama, de représenter les Etats-Unis.
L'explication donnée par la Maison-Blanche de l'absence d'un représentant envoyé par les Etats-Unis à Paris dimanche dernier, est que ceci aurait nécessité un tel déploiement massif américain de sécurité qu'il aurait rendu la marche elle-même quasiment infaisable. Etant donné les vraies circonstances du « rassemblement », on peut se demander si les services secrets auraient insisté pour effectuer des fouilles corporelles des chefs d'Etats réunis et de leur personnel de sécurité.
Quelles que soient les raisons de l'absence d'Obama, sa présence n'aurait été que le point culminant d'une mascarade cynique. La présence d'Obama, ou de tout autre représentant américain de haut rang d'une administration qui est le principal agent de la terreur d'Etat sur la planète, n'aurait fait que rajouter à l'hypocrisie grotesque du « selfie » organisé par les soi-disant dirigeants mondiaux dans une rue lourdement sécurisée de Paris.
Bill Van Auken
Article original, WSWS, publié le 14 janvier 2015