Jacques-Marie BOURGET
Au lendemain des attentats perpétrés contre la rédaction de "Charlie Hebdo", la réaction du gouvernement est attendue tant d'un point de vue diplomatique que militaire. Jacques-Marie Bourget explique avec ironie que la France doit rapidement se pencher sur certains pays, accusés de financer des groupes terroristes.
Anaïs Chabalier
C'est pas tout ça, mais maintenant faut bombarder Saddam. Quel Saddam ? Je ne sais pas mais on va bien en trouver un. A ce qu'on dit il y a un bon signe, Le Drian a déjà en main un tube avec un élixir dedans, et il va l'agiter pour nous désigner l'ordonnateur de nos malheurs. Tous les journaux si généreux, si sensibles et émotifs, si proches des autres, nous ont dit que l'attaque contre Charlie était « notre 11 septembre ». Après le drame du World Trade Center, la recette de George Bush II ayant été la bonne, j'espère que cette France soudée comme une carrosserie de tank, et si « debout », va faire la même chose. Un bon signe, le porte-avions Charles De Gaulle a déjà pris la mer. Ça lui fait du bien, dérouille ses hélices et promène ses marins ainsi éloignés des MST de Toulon. S'il ne tombe pas en panne, il devrait faire mal. Gare aux bergers qui poussent leurs troupeaux dans plaines de Syrie. Un keffieh reste un keffieh, et dans le manuel du soldat, cela depuis 1954, une philosophie impulsée par Mitterrand, chef de guerre en Algérie, il est recommandé de tirer. Tant mieux il ne viendra pas se plaindre, le bédouin, et ses moutons encore moins. La guerre contre le terrorisme est une affaire assez peu sérieuse pour qu'on la confie aux militaires.
Quel pays la France va-t-elle vitrifier ?
Quel pays, le Qatar n'en étant pas un et Fabius, qui y voit de l'intérêt, ayant dit qu'il est innocent, quel pays la France va-t-elle vitrifier ? Après avoir donné un coup de pouce en Syrie, Sarko l'a fait en Libye avec l'émir Al-Thani et le poète BHL. François II l'a fait, pas assez à son goût, chez Bachar aussi. Quelle cible prendre comme dirait Bigeard ? Vous avez dit Bigeard ? Le Yémen ? Ce serait pas mal. D'abord à cause de Nizan et de son livre Aden Arabie qui s'ouvre par la plus belle phrase de la littérature, « J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus belle âge de la vie ». En plus c'est le grand père d'Emmanuel Todd et il y a, à Sanaa et dans tout le pays une architecture sublime. Mais âgée et que l'on pourrait raser pour la remplacer par des « canopées ». Comme au-dessus du trou des Halles, à Paris. C'est moche mais les Socialistes aiment ça. Dans leurs cavales commentées par eux-mêmes, dans leur road movie, les frères Kouachi ont désigné le coupable, pourquoi faire compliqué : le Yémen.
Problème, le Qatar aime le Yémen qui, lui, n'aime pas l'Arabie Saoudite qui n'aime pas le Qatar. Ouf. Donc, la France peut-elle attaquer un Etat ami de Doha ? Trop cruel et dangereux pour la durée d'une amitié. Il faut encore réfléchir et Le Drian a un peu de temps pour secouer son tube, qui n'est plus d'anthrax mais d'entracte.
Pas question de rupture diplomatique avec ceux qui financent le djihad
Une grande réunion, tenue à Bruxelles, examine les moyens utiles pour faire en sorte qu'on ne tue plus des gens à coups de kalach, fussent-ils journalistes. J'ai examiné l'ordre du jour. Pas question de rupture diplomatique avec les pays où les milliardaires qui financent le djihad, pas question de punir ceux qui achètent le pétrole vendu par Daech ou par les fous de Dieu Libyens. Pas question, en France, de mettre son nez dans les finances d'organisations islamiques c'est-à-dire de leur filiale islamiste, le « vote musulman » est si précieux.
La guerre étant déclarée, nous mobilisons large, personnellement bon balayeur, je pense être convoqué pour nettoyer un commissariat pendant que les policiers terroriseront les terroristes. Mais quand même réveillons-nous et le regard ouvert jetons un œil sur l'Algérie. Difficile de combattre le djihad sans un coup de main de ce pays. Il en a tant souffert et connait l'engeance. Là, écoutez bien, l'Europe vient de décider d'accorder une subvention de 150 000 euros à toute association qui se formera pour « défendre la démocratie ». Autrement dit qui luttera contre le pouvoir en place. Pas impossible que les prochains tueurs ne soient plus d'anciens stagiaires du Yémen, mais des types ayant pris le ferry à Alger.
Le Qatar et l'Arabie Saoudite : un Téléthon pour le djihad
Comme on n'est jamais aussi bien trahi que par ses amis, ce sont les Étasuniens qui sont venus contredire les serments de l'émir du Qatar, quand il jure ne pas financer le terrorisme. En l'occurrence le Trésor : oui l'argent du Qatar a bien abondé l'État Islamique ! Ainsi, un certain Tariq Al-Harzi, cheville ouvrière de l'accueil des djihadistes étrangers dans la zone frontalière turco-syrienne, a touché au moins deux millions de dollars d'un intermédiaire financier basé à Doha. C'est ce bienfaiteur qui, lui-même, a recruté Al-Harzi.
Selon les agents des services spéciaux c'est en milliards de dollars que l'on compte l'aide du Qatar et de l'Arabie Saoudite, l'un et l'autre lancés dans un vrai Téléthon pour le djihad. Selon nos confrères du Daily Telegraph, un diplomate occidental vient de révéler les chiffres qui tuent : « Entre huit et douze personnalités éminentes au Qatar ont récolté des millions de dollars pour les djihadistes. Et ils ne s'en cachaient guère ».
Un rapport du Département d'Etat sur le terrorisme précise que Doha ne « prête aucune vigilance » à cet argent mortifère. Même pris la main dans la bourse d'or, l'émir n'a pas besoin d'avouer son forfait : c'est toujours un ami, un cousin qui prête son concours à la dotation djihadiste. Et le cheikh et sa famille d'expliquer : « on ne peut empêcher nos proches, nos amis de pratiquer la Zakat... Parfois ils se font abuser... ». La zakat, la charité islamique qui fait que l'on va forcément au ciel si on sait se montrer généreux.
Dommage qu'entre deux siestes Laurent Fabius n'ait pas eu le temps de lire les rapports de ses amis de Washington.
»» http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1308623-charlie-hebdo-et-si-l...