Moon of Alabama
Trois nouvelles informations montrent que l'administration Obama, ainsi que la Turquie et d'autres pays, ont sciemment créé la situation actuelle en Syrie et en Irak. Ils savaient tous que leur appui à l'opposition, qui inclut Al Qaïda depuis le début, conduirait sans doute à la création d'un Etat Islamique. L'administration a été avertie dès août 2012 que cela entraînerait la prise de Mossoul et de Ramadi par une entité d'Al-Qaïda.
Merci à Brad Hoff d'avoir mentionné dans les commentaires [ici] les rapports de la Defense Intelligence Agency d'août et d'octobre 2012 sur la guerre en Syrie. La DIA est une agence de renseignement des États-Unis qui avait raison en ce qui concerne l'affaire des armes de destruction massives irakiennes mais ses conclusions, comme, par exemple, le fait que les « tubes en aluminium », dont on a tant parlé, avaient été commandés par l'Irak pour construire des mortiers (et non des armes atomiques ndt), ont été censurées par l'administration Bush. Les rapports de la DIA, profondément expurgés, ont été rendus publics suite au procès intenté par un organe conservateur, Judicial Watch, au titre de l'Acte sur la Liberté de l'Information.
Un des deux rapports se concentre principalement sur l'attaque contre des membres du personnel étasunien à Benghazi en Libye le 11 septembre 2012. Ma première analyse sur la question remonte au 12 septembre 2012 et était intitulée : Ambassadeur US tué à Benghazi par al Qaeda. L'administration Obama a longtemps nié, malgré l'évidence, que l'attaque ait été une opération planifiée par al Qaeda et qu'elle ait été reliée, comme je l'ai écrit, à la livraison d'armes de contrebande aux « rebelles » syriens depuis Benghazi. Le rapport de la DIA daté d'octobre 2012 confirme l'analyse que j'avais faite le lendemain de l'attaque. Voilà un extrait de ce rapport :
Des armes provenant d'anciens stocks militaires libyens ont été expédiées du port de Benghazi, en Libye, vers les port de Banias et de Borj Islam, en Syrie. Les armes livrées fin août 2012 étaient des fusils Sniper, des RPG, et des obusiers de 125 et 155 mm.Dans la période de battement qui a suivi la chute du régime de ((Kadhafi)) en octobre 2011, et jusqu'à début septembre 2012, les armes des anciens stocks militaires libyens de Benghazi, en Libye, ont été expédiées depuis le port de Benghazi, en Libye, vers les ports de Banias et de Borj Islam, en Syrie. Les ports syriens ont été choisis en raison de la faible quantité de trafic de fret qui y transite. Les navires utilisés pour transporter les armes étaient de taille moyenne et capables de contenir 10 conteneurs et parfois moins.
Ces armes ont été expédiées sur des navires turcs. Quelques heures avant d'être tué, l'ambassadeur américain avait rencontré un diplomate turc susceptible de coordonner plusieurs expéditions d'armes supplémentaires.
Un autre document de la DIA rédigé en août 2012, et lui aussi très expurgé, explique que Al-Qaïda a joué, dès le début, un grand rôle dans la « révolution » syrienne. Il alerte sur la création d'un Etat islamique en Syrie et en Irak. En voilà quelques extraits :
3 B : Al Qaeda-Irak(AQI) soutient l'opposition syrienne depuis le début...3 C : AQI a mené un certain nombre d'opérations dans des villes syriennes sous le nom de Jaish al-Nusra...
Ce sont les rebelles modérés et les militants dont parlent les médias dominants.
Un autre extrait :
8 C : Si la situation se détériore, il est possible qu'une principauté salafiste officielle ou non ou non s'instaure à l'est de la Syrie (Hasaka et Der Zor), ce qui est exactement ce que veulent les puissances qui soutiennent l'opposition, afin d'isoler le régime syrien.
Les « puissances » en questions sont énumérées plus haut (en 7 B). Ce sont :
les pays occidentaux, les États du Golfe et la Turquie.
La DIA avertit que la création d'une telle principauté salafiste aurait des « conséquences désastreuses » sur l'Irak et pourrait provoquer la création d'un Etat Islamique et :
créer la situation idéale pour que AQI revienne à ses anciennes poches à Mossoul et Ramadi
Les experts de la DIA ont vraiment mérité leurs salaires.
L'administration Obama, tout comme d'autres soutiens de « l'opposition » syrienne, savait que cette « opposition » était constituée en grande partie d'AQ depuis le début. Les États-Unis et d'autres voulaient une principauté salafiste dans l'est de la Syrie pour couper la route terrestre entre d'une part la Syrie et le Liban et d'autre part l'Iran. Ils ont été avertis qu'une telle principauté créerait le chaos en Irak et permettrait le retour d'Al Qaeda-Irak (l'Etat Islamique d'aujourd'hui) à Mossoul et Ramadi. Comme ce scénario avait été prédit et qu'il découle directement de la situation que les États-Unis et leurs partenaires voulaient créer, nous n'avons plus besoin de nous demander pourquoi les Etats-Unis étaient si réticents à empêcher la chute de Ramadi. Elle faisait partie de leur plan.
Steve Chovanek de Reports From Underground, qui fait des recherches sur la prise récente de Palmyre par l'État Islamique, estime qu'elle est le résultat de l'accélération de l'aide aux extrémistes par la coalition menée par les Etats-Unis. Steve a étudié plusieurs rapports (que j'ai aussi mentionnés ici) et voilà ses conclusions :
L'administration Obama a récemment approuvé l'envoi d'armes lourdes à l'opposition syrienne, après de longues hésitations ; les centres d'opération sous commandement américain en Turquie et en Jordanie encouragent ouvertement la collaboration avec al-Qaïda pour vaincre l'armée d'Assad, et le nouveau roi saoudien Salman, dont le pays est le principal bailleur de fonds d'ISIS, a ouvertement intensifié son appui aux Islamistes en Syrie ; al-Qaïda a fait de récents progrès dans le nord-ouest et le sud, tandis qu'ISIS progresse dans la région orientale de Palmyre.Et tout cela ne serait qu'une énorme coïncidence ? Je ne le crois pas...
Je pense moi aussi qu'il y a de toute évidence un plan derrière les progrès apparemment coordonnés d'Al-Qaïda-Syrie, sous le nom de Jabhat al-Nusra ou maintenant également d'Armée de Conquête, et l'avance de l'État islamique en Syrie et en Irak. Non seulement les faits, mais aussi le rapport DIA attestent d'un tel plan.
Le troisième élément d'intérêt est fourni par un rapport de Reuters qui relaie des informations qui n'avaient jusqu'à présent circulé qu'en Turquie : Exclusif : les renseignements turcs ont participé à l'envoi d'armes vers les zones tenues par les rebelles islamistes syriens :
Des témoignages d'officiers de gendarmerie notés dans des documents judiciaires examinés par Reuters laissent penser que des pièces détachées de roquettes, des munitions et des obus de mortier semi-finis ont été envoyés dans des camions escortés par des fonctionnaires de l'Agence de renseignement de l'État (MIT), il y a plus d'un an, vers des zones de la Syrie sous contrôle islamiste.
Du fait de la publication des rapports de la DIA, des rapports sur le soutien militaire turc actif aux Islamistes d'Al-Qaïda et d'articles qui reconnaissent le soutien américain à l'offensive actuelle d'Al-Qaïda en Syrie, l'administration Obama va probablement subir des pressions pour changer de cap. La prise de Syrte en Libye par l'État Islamique s'ajoute sans doute à la pile. L'administration Obama pourrait au moins être pressée de ne pas soutenir plus longtemps Al-Qaïda en Syrie et en Irak.
Mais, c'est bien connu, l'administration Obama ne connait pas la honte et, dans le doute, elle choisit toujours la pire solution. Le mieux que nous puissions espérer est que des informations comme celle-ci se répandent et qu'avec le temps elles imprègnent assez l'opinion publique pour que l'Administration soit obligée de changer de politique.
Moon of Alabama
Traduction : Dominique Muselet