CGT
À Paris, des dizaines de milliers de personnes ont participé mardi 5 février à la manifestation de la « grève nationale de 24 heures » organisée par la CGT. Dans le cortège, des étudiants, des enseignants, des soignants et des Gilets jaunes.
- Paris, reportage
Ce mardi 5 février 2019, la CGT organisait une « grève nationale de 24 heures », à laquelle de nombreux Gilets jaunes se sont ralliés. À Paris, des dizaines de milliers de personnes ont défilé au sein d'un cortège bariolé de gilets, de badges et de stylos rouges, de liquettes jaunes, ou encore de blouses blanches.
Étirées le long de la rue de Rivoli, à partir de l'Hôtel de Ville, les troupes se garnissent sur les coups de 14 heures. Une odeur de merguez et de saucisses grillées émane du croisement avec le boulevard Sébastopol, coloré par les ornements de la CGT. Virginie et Monique, militantes au sein de la confédération syndicale, voient d'un bon œil la présence des Gilets jaunes pour cette journée de mobilisation : « On est tous dans le même bateau, disent-elles. Peu importe la couleur du gilet, il est temps de combattre ensemble la politique autoritaire de nos dirigeants. »
À quelques pas du parvis de la mairie, Thierry se meut dans la foule. Il arbore un gilet jaune fluo. « Je ne suis pas allé aux premières manifestations, explique-t-il. Le 17 novembre, je pensais que les gens descendaient dans la rue uniquement pour défendre leur portefeuille. Depuis, je me suis rendu compte que c'était un mouvement bien plus vaste que ça, et que l'augmentation du carburant était juste la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. » Sur sa pancarte, Thierry a apposé la phrase « Pollueur-payeur, la finance doit changer le changement climatique puis le peuple » : « L'économie capitaliste emmène tout le monde droit dans le mur, estime cet enseignant. L'exploitation de la terre et de l'homme à outrance pour la recherche d'un profit mal réparti engendre une escalade, la terre s'épuise. Gilets jaunes, syndicats... on n'est peut-être pas d'accord sur le « comment agir », mais cela me semble totalement secondaire à l'heure actuelle. »
« La nécessité, pour tous les travailleurs précaires, chômeurs ou étudiants de porter des revendications collectives »
« Macron, du pognon pour l'éducation », réclame quant à lui Mohammed, membre du collectif d'enseignants en colère les Stylos rouges. « Entre les salaires en baisse, les réformes du lycée et l'augmentation du nombre de professeurs contractuels, j'ai l'impression que le gouvernement considère l'école comme une entreprise privée », dit ce professeur en filière maths-info en Seine-Saint-Denis. En tête d'un groupe d'étudiants, Maria était inscrite à l'université Paris-Dauphine. Elle est vent debout contre la hausse des frais d'inscriptions à l'université pour les étudiants hors Union européenne. « Seules les personnes les plus riches, et non pas les plus méritantes, pourront s'acquitter de ces frais exorbitants, soupire-t-elle. Je viens du Venezuela, et si les frais d'inscription avaient été plus élevés au moment de mon arrivée, je n'aurais jamais pu venir ici ! »
Le cortège se met en route, en direction la place de la Concorde. « Et l'hôpital, il est à qui ? Il est à nous ! » s'époumonent les hospitaliers en colère. Brigitte, aide-soignante en psychiatrie à Créteil (Val-de-Marne), décrit ses conditions de travail « déplorables, aussi bien moralement que physiquement, parce que nous manquons cruellement de matériel et de personnel ». Une situation qui, à ses yeux, « met en danger les patients... Il en va de la vie des gens, de leur bien-être ». Deux collègues, à ses côtés, acquiescent.
Brigitte et ses collègues aides-soignantes en psychiatrie.
À l'entrée du McDonald's accolé au Musée du Louvre, Benoît porte une banderole. Ancien équipier polyvalent au sein de la célèbre chaîne de restauration rapide, il dénonce l'évasion fiscale de son ancien employeur : « 20 % des profits engendrés par McDonald's sont délocalisés à l'étranger pour éviter les impôts français, dit-il. Ces profits délocalisés représentent un manque à gagner pour l'État et les contribuables, et pour les milliers de salariés qui touchent une infime part des bénéfices de la firme. » Plus largement, Benoît estime qu'« avec la casse du Code du travail opéré par les divers gouvernements au pouvoir ces dernières années, le modèle "McDo" de précarisation du travail est en train de s'étendre à toute la société. D'où la nécessité, pour tous les travailleurs précaires, chômeurs ou étudiants de porter des revendications collectives. » Un peu plus loin, les militants d'Attac jouent la scène parodique « Les riches avec Emmanuel Macron ». Leurs mots d'ordre « à bas les pauvres ! », « vive l'évasion fiscale ! » ou « protégeons le patronat, pas les chômeurs ! » amusent la galerie.
Mardi 5 février, à Paris.
Des fumigènes sont craqués à l'avant. Les CRS, lourdement armés, sont sifflés et invectivés. Au bord du jardin des Tuileries, les forces de l'ordre chargent et frappent, matraques en main. « Ne courez pas, restons calmes », crient des manifestants afin d'éviter un mouvement de foule trop important. Les CRS se replient, et le cortège reprend sa marche en avant, se déversant aux alentours de 16 heures sur la place de la Concorde. Après 17 heures, plusieurs tirs de gaz lacrymogènes dispersent les participants et l'agrégation de leurs mécontentements.