Par Gasanov Kamran - Le 24 mai 2019 - Source Katehon.com
L'analyse des événements récents suggère l'inéluctabilité d'une confrontation militaire entre les États-Unis et l'Iran. Mais la Maison-Blanche est-elle vraiment prête à s'embarquer dans la plus grande opération militaire du XXIème siècle ?
Les spéculations sur l'escalade de la crise entre les États-Unis et la République islamique d'Iran (RII) se développent comme une boule de neige. Bien que des têtes froides comprennent le risque et l'absurdité de l'attaque américaine contre l'Iran, chaque nouvel événement ne fait que multiplier les doutes sur la possibilité d'un dénouement positif.
5 000 soldats
Le dernier des événements en date est un message diffusé par Reuters, selon lequel le Département d'État envisage d'envoyer 5 000 soldats américains supplémentaires au Moyen-Orient en raison de sa confrontation avec l'Iran. Devant une telle proposition, le Commandement central des forces armées américaines (Centcom) s'est tourné vers le département d'État.
Le même nombre de militaires que pour renverser Saddam Hussein
Une semaine plus tôt, le chef intérimaire du Pentagone, Patrick Shanghai, a évoqué des chiffres plus impressionnants. Il a proposé d'envoyer 120 000 soldats. On considère que l'inspirateur de ce plan est John Bolton, Conseiller de sécurité nationale du président américain. Comme l'a écrit le New York Times à ce moment, le nombre de militaires a choqué beaucoup de ceux qui avaient pris connaissance du plan, car c'est le même effectif que George Bush avait envoyé en 2003 pour conquérir l'Irak.
Une Forteresse flottante dans le Golfe persique
Si l'augmentation du nombre de fantassins, qui serait le principal signe de la volonté de frapper l'Iran, est encore en discussion, une « Forteresse flottante » américaine est déjà proche de l'Iran. Le 15 mai, un groupe dirigé par le porte-avions nucléaire Abraham Lincoln est entré dans le golfe d'Oman. Il était accompagné du croiseur lanceur de missiles Leyte Gulf, des trois destroyers Bainbridge, Mason et Nitze et d'un ou deux sous-marins nucléaires armés de Tomahawks.
Les Espagnols craignent de se battre contre l'Iran
Il est à noter que la frégate espagnole Méndez Núñez, qui faisait partie de la flottille américaine, a refusé de rentrer dans les eaux du golfe Persique. Le Ministre espagnol de la défense, Margarita Robles, a justifié la décision pour des raisons techniques.
S'exprimant à Bruxelles, elle a expliqué qu'il y a deux ans, Madrid et Washington étaient convenus de la participation de 215 marins espagnols à des exercices militaires en l'honneur du 500ème anniversaire du premier tour du monde de Fernand de Magellan. Mais quand, le 5 mai, le Pentagone a décidé de changer de cap et d'entrer dans le golfe Persique, les Espagnols ont suspendu l'exécution de l'accord. Malgré les circonlocutions de Robles, il est évident que l'Espagne ne veut tout simplement pas être entraînée dans des hostilités, d'autant que la participation de Madrid à une offensive contre l'Iran pourrait entraîner à sa suite d'autres pays de l'Union européenne, qui dans le conflit sur l'« accord nucléaire » sont du côté iranien. La frégate espagnole rejoindra seulement l'Abraham Lincoln quand ce dernier aura rejoint l'Océan Indien. Et au rythme où vont les choses, ça n'arrivera pas avant longtemps.
Les défenses terrestres européennes tremblent aussi
Les défenses européennes frissonnent non seulement sur mer, mais aussi sur terre. Le 15 mai, l'Allemagne et les Pays-Bas ont annoncé la suspension d'exercices militaires en Irak. La raison en était la mise en garde des États-Unis au sujet de provocations et d'attaques éventuelles contre des soldats européens par des forces soutenues par l'Iran, comme la milice chiite Al-Hashd al-Sha'Abi. Or l'Allemagne a engagé 160 soldats pour entraîner les forces irakiennes à combattre les combattants du groupe État islamique (interdit en Russie). Les Pays-Bas, quant à eux, comptent 160 militaires et civils, dont 50 à Erbil, où ils forment des miliciens kurdes des Peshmergas.
Les États-Unis ont fermé leur ambassade à Bagdad
Le même jour que les Allemands et les Néerlandais ont arrêté les exercices, le Département d'État a rappelé tout le personnel qui n'accomplissait pas des tâches particulièrement importantes de l'ambassade américaine à Bagdad et du consulat à Erbil. Une semaine plus tôt, le secrétaire d'État Mike Pompeo s'était rendu d'urgence en Irak, raison pour laquelle il avait dû annuler sa visite à Berlin.
Des attaques contre le pétrole saoudien
En attaquant l'Iran, les États-Unis s'appuieront sur deux grands alliés régionaux : Israël et l'Arabie saoudite. Ils sont également préoccupés par l'influence croissante de l'Iran au Moyen-Orient : Israël s'inquiète du Hezbollah et du CGRI au Liban et en Syrie, les Saoudiens des Houthis au Yémen. Or, la semaine dernière, l'Arabie saoudite a fait l'objet de deux attaques. Le 12 mai, deux de ses pétroliers ont été pris pour cible par des drones dans les eaux territoriales des Émirats arabes unis. Un des pétroliers se rendait au port saoudien de Ras Tanura pour charger du pétrole et l'acheminer aux États-Unis. Selon certaines sources, les drones ont été lancés par des troupes du Hezbollah déployées sur l'île iranienne de Kish. Le lendemain, l'oléoduc saoudien est-ouest a été attaqué. L'attaque, qui a endommagé deux stations de pompage, a été revendiquée par le mouvement houthi Ansar Alla.
Les déclarations de Trump
Bien qu'il y ait de nombreux populistes parmi les politiciens, et que Trump en soit un exemple frappant, il faut aussi écouter ses déclarations avec attention : chaque jour la rhétorique du chef de la Maison Blanche devient de plus en plus dure. L'autre jour, il a évoqué les « conséquences » et les « erreurs » fatales de l'Iran, ainsi que de la « fin de l'Iran ».
L'Iran jette de l'huile sur le feu
Même si, dans l'ensemble, ce sont les États-Unis qui ont initié le conflit en se retirant de l'accord nucléaire, l'Iran ne ralentit pas sa course non plus. À la mi-mai, Hassan Rouhani a annoncé un retrait partiel du Plan d'action conjoint sur le nucléaire de Vienne, ce qui permet à Trump d'accuser l'Iran de reprendre le développement d'armes nucléaires. De temps en temps, les Iraniens menacent de fermer le détroit d'Hormuz, par lequel passent 20% du commerce mondial de pétrole. Les occasions graves d'incidents sont nombreuses. Or la menace n'existe pas seulement pour les navires marchands, mais aussi pour les navires militaires. Que se passerait-il si le groupe naval américain traversait le Détroit, ayant éprouvé la patience de Téhéran ?
Poutine s'en lave les mains
Un signal alarmant est la déclaration que Vladimir Poutine a faite lors d'une réunion avec le président autrichien.
Poutine a clairement expliqué que le monde dépend maintenant des actions des États-Unis et de l'Iran. Si les deux pays déclenchent une guerre, la Russie ne pourra rien faire pour sauver l'Iran.
En conclusion, il n'est pas encore clair si le Pentagone approuvera la requête du Centcom selon Reuters. Le Département de la défense américain reçoit et rejette régulièrement les demandes des unités américaines pour qu'on leur envoie des forces supplémentaires dans le monde entier. L'opération militaire contre l'Iran nécessite jusqu'à un demi-million de personnes. Que Trump soit résolu à en prendre cette décision, lui seul le sait. Ces dix faits indiquent toutefois que les États-Unis se préparent à un tel scénario.
Traduit par Stünzi pour le Saker francophone