Après le vote à l'Assemblée de la loi anti casseur étendant le pouvoir de la police, l'acte XIII des «gilets jaunes» contre les inégalités sociales s'est déroulé dans un climat d'affrontement avec la police. Les manifestants étaient environ 51.400 à travers la France, selon le ministère de l'Intérieur, chiffre contesté par les «gilets jaunes» qui revendiquaient un «nombre jaune» de 116.000 manifestants.
Le ministère de l'Intérieur a mobilisé pas moins de 3000 hommes des forces mobiles à Paris, avec un renfort d'un millier d'agents des BAC et autres unités d'intervention de la police du quotidien. En province, les forces mobiles devaient être une cinquantaine, soit environ 5.000 en effectif.
Véhicules blindés de la police à l'Arc de Triomphe sur l'avenue des Champs-Elysées à Paris
À Toulouse, la Dépèche du Midi annonçait entre 5000 et 7000 manifestants tandis que Sud Ouest et l'AFP évoquent 4000 à 5000 «gilets jaunes» à Bordeaux. À Lyon, où 4000 gilets jaunes se sont rassemblés, des violents affrontements ont opposé forces de l'ordre et «gilets jaunes» empêchés de rejoindre l'hyper-centre de la ville. À Marseille, ils étaient 1500 selon la police au plus fort de la manifestation, dans une ambiance festive tout comme à Montpellier.
Les manifestants se battent contre la police sur l'avenue des Champs-Elysées
Sur Paris, quatre manifestations était déclarées à la Préfecture, rassemblant 4.000 personnes. La principale manifestation est partie des Champs Elysées pour s'arrêter devant l'Assemblée Nationale où des affrontements ont eu lieu mais aussi devant le Sénat et le Champs de Mars. Des slogans visant la police accusées de violences notamment avec l'utilisation des controversés LBD, ou Christophe Castaner. Deux blindés à roues de la gendarmerie ont été positionnés garés devant l'Arc de Triomphe.
La police anti-émeute bloque les Champs-Élysées
Un manifestant a eu la main arrachée devant l'Assemblée nationale; il aurait tenté de ramasser une grenade lacrymogène GLI. Les pompiers de l'Assemblée l'ont évacué, un bandage au bout de l'avant-bras. La victime est «un photographe gilet jaune» qui «prenait des photos des gens en train de pousser les palissades de l'Assemblée nationale» d'après un témoin pour L'Express. Ce témoin continue: «Quand les flics ont voulu disperser les gens, il a reçu une grenade de désencerclement au niveau de son mollet, il a voulu mettre un coup de main dedans pour ne pas qu'elle explose vers sa jambe et elle a pété quand il l'a touchée».
Selon la préfecture de police de Paris, les forces de l'ordre ont procédé à 39 interpellations avant samedi à 19h45 contre 18 personnes à Paris le week-end dernier.
Sur Paris les reporters du WSWS ont pu discuter avec Stephane, venu manifester pour les victimes des répressions policières et la démission de Castaner:
«Pour ma part cette journée dédiée aux blessés de toutes parts elle est dédiée à la destitution on demande la destitution de Castaner. On demande à ce que le président de la République destitue Castaner».
Stephane a expliqué être gilet jaune «parce que malheureusement j'ai une colère contre la France, qui a tendance à oublier son peuple depuis trop longtemps tout simplement. C'est toujours la même chose partout dans tous les pays de toute façon. C'est toujours les mêmes qui mangent bien et toujours les mêmes qui crèvent de faim.»
Stephane était contre la manifestation commune avec la CGT:
«Honnêtement je suis un peu dur, je suis gilet jaune mais je ne suis pas pour qu'on se mette avec certaines personnalités. Je ne suis pas pour qu'on se mette avec des syndicalistes. S'ils avaient eu envie de faire quelque chose, il fallait qu'il le fasse avant. Maintenant il y a trop de récupération, je ne suis pour aucun parti politique non pas. Il faut que ça reste il faut que le peuple puisse s'exprimer librement et pas avoir des têtes d'affiche qui sont là à essayer de se faire voir et à essayer de se rapprocher des partis des syndicalistes et de personnalités, que ce soit Bernard Tapie ou tout ce qu'on a pu voir jusqu'à l'heure actuelle.»
Face à la politique de l'aristocratie financière menée par Macron, Stephane considère : qu' «il faudra une révolution de toute façon, il ne faut pas se leurrer. Etant donné que lui il veut continuer à faire cette politique qui va le mener à ce que la France ne puisse plus respirer, il faut monter au front et montrer qu'on ne se laissera pas faire. Les Français crèvent de faim, il n'y a que par la révolution qu'on pourra le montrer. Il faudra une révolution purement, que ça soit une révolution citoyenne pacifiste ou non. Mais il faudra une révolution de toute façon, il ne faut pas se leurrer.»
Le WSWS a rencontré Marina, infirmière syndiquée venue manifester samedi «pour avoir du pouvoir d'achat. Par rapport à mon métier aussi. En tant que infirmière, on a de moins en moins d'effectifs. L'État donne de moins en moins d'argent. Il faut changer le fonctionnement de l'État. Les riches doivent aussi payer. Je ne dis pas que nous, on ne va pas payer, que tout le monde paye les taxes c'est bien mais il faut qu'elles soient bien réparties».
Marina a expliqué que «dans les hôpitaux, on est payé par rapport aux chiffres de la sécu. Donc moi je suis en dialyse donc par exemple, une dialyse était remboursée 300 euros à notre hôpital; maintenant elle n'est plus qu'à 200. Donc il faut forcément qu'il fasse des économies quelque part. Les directeurs d'hôpitaux le font sur le personnel parce que c'est la plus grosse dépense. Donc on est en service minimum tout le temps.»
Interrogée sur le bilan des trois mois de mouvement, Marina dit: «Moi, je viens de Moselle. Là-bas on est sur un rond-point depuis quasiment 3 mois et ce qu'on en retire déjà. Moi je suis syndiquée, donc ça fait longtemps que je me bats et je trouvais que les gens se battaient plus. Donc là, moi ce que je retire déjà c'est qu'on voit quand même que les gens se bougent plus qu'à une époque. Voilà, j'étais contente. Après on voit bien la solidarité des gens qui nous donnent la nourriture, de l'argent sur les ronds-points pour qu'on puisse faire les manifs, les tracts et tout ça.»
Elle ajoute:
«Il y a quand même une grande solidarité mais il manque encore, il y en a beaucoup trop qui sont qui sont chez eux et qui ne sortent pas.... Moi, quand je parle de syndicats je sais qu'à la tête des syndicats il y a des problèmes mais nous on est indépendant. Mais après là il faudrait que le mouvement parte dans les entreprises, qu'il y ait des grèves. Mais les gens serrent déjà tellement la ceinture qu'une journée de grève, c'est une journée de salaire en moins.»
Enfin le WSWS a rencontré Franck qui a dit:
«C'est une caste qui nous gouverne depuis 200 ans à la cité de l'argent, alors que nous sommes le peuple. Moi je le dis franchement: la classe moyenne, on en a marre de payer tout le temps, tout en pensant que ce sont très riches qui gouvernent le reste, les 99 pour cent de la population. A un moment on arrête, là on veut changer de régime. On veut vivre, on a envie d'être heureux. On en a marre de la pauvreté.»
Franck a aussi souligné le caractère international du mouvement contre les inégalités sociales:
«Donc il faut changer de système... Et ça c'est quand on voit qu'il y a 26 personnes qui ont plus que la moitié d'entre nous - des milliards en argent. Au niveau du monde ça fait peur quand même. Il faut arrêter!»
Anthony Torres
La source originale de cet article est wsws.org
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