08/04/2020 2 articles tlaxcala-int.org  5min #171903

L'Eurogroupe devient une foire d'empoigne sur les Eurobonds et le Mes

 Roberto Ciccarelli

Mesures tampon. Les ministres de l'Économie des 27 ne sont pas d'accord sur la réponse à court et long terme à la crise : « Ce sera un marathon nocturne ». Le Président de la République italienne Mattarella : « La valeur universelle du droit à la santé nous appelle à un engagement global, en mettant de côté les égoïsmes nationaux ». Sur la table, une politique qui s'ajoute aux opérations monétaires de la BCE et aux opérations budgétaires entreprises par les États. Au centre de l'affrontement entre un front de 13 pays contre celui du Nord mené par l'Allemagne se trouve un accord sur le mécanisme européen de stabilité (MES) auquel le gouvernement italien résiste car les Cinq Étoiles sont contre, même sous une forme allégée par la conditionnalité. Outre l'intervention de la Banque européenne d'investissement (BEI) et le dispositif « Sure » contre le chômage, l'affrontement a lieu aussi autour du « fonds commun de relance » par Eurobonds proposé par la France.

Angela Merkel lors d'une conférence de presse le 6 avril à la Chancellerie de Berlin. Photo AP

Hier mardi à 22 heures, au moment où nous mettions sous presse, l'Eurogroupe des ministres de l'Économie n'avait pas encore trouvé d'accord sur le « paquet économique le plus ambitieux de tous les temps ». C'est ainsi que son téméraire président, le Portugais Mario Centeno a défini une série de mesures d'un montant total de 500 milliards d'euros, soit un tiers de celles jugées nécessaires par une évaluation des commissaires européens à l'économie et au marché intérieur Paolo Gentiloni et Thierry Breton sur la création d'un « fonds commun » pour financer la dette et les investissements jugés nécessaires pour reconstruire les sociétés européennes dévastées par la crise.

Commencée avec une heure de retard à 16h, la vidéo-conférence a été interrompue après 19h pour tenter de définir un texte différent des premières conclusions rejetées par les 13 pays qui demandaient qu'on définisse un tel « fonds ». Un éventuel nouveau texte sera présenté aux chefs d'État et de gouvernement de l'UE après Pâques. Et, même dans ce cas, il n'est pas certain qu'il y ait encore un accord... Au centre du litige hier, il y avait trois problèmes : le « Fonds de sauvetage des États » (MES) allégé des strictes conditionnalités prévues en 2012, avec des crédits de 240 milliards d'euros. L'Italie recevrait environ 35 milliards, un peu plus que ceux alloués pour le « décret cura Italia » ; le fonds pour les caisses de chômage de 100 milliards à répartir entre les pays membres ; un soutien aux entreprises de la Banque européenne d'investissement (BEI) avec 200 milliards pour les PME. En tout, 500 milliards, une goutte d'eau dans la mer. Le gouvernement italien a demandé un doublement, pour atteindre mille milliards. Tout cela serait rebaptisé « Plan de relance européen », vaguement évoqué ces jours-ci par le Premier ministre Conte.

C'est sur ce modeste score que s'est reproduit l'affrontement entre une Italie qui a d'abord proposé un MES sans conditions, puis a semblé le rejeter avant-hier. En réalité, il s'agit d'un MES qui ne garde que le nom, sans les limites actuelles qui ouvrent les portes à l'austérité. Une idée cependant jugée inacceptable par l'Allemagne et ses satellites qui se sont ouverts à une version moins conditionnée d'un MES limité à l'urgence. Une condition rejetée par le gouvernement italien, qui craint pour sa propre survie car les Cinq Etoiles sont de toute façon contre.

La France, en revanche, accepterait plutôt le MES révisé dans certaines limites, mais impose une référence claire au « fonds commun ». L'Allemagne accepterait le MES au format « light » mais est contre le fonds. La Commission européenne avance également avec des positions différenciées, et sans accord politique préalable, sur la gestion de l' « après ». La présidente Ursula von der Leyen et le vice-président Valdis Dombrovskis soutiennent l'idée d'un « plan Marshall » centré sur le budget de l'UE, tandis que les commissaires Gentiloni et Breton lancent leur idée d'un fonds commun similaire à celui demandé par la France.

Le « Bond commun » évoqué par ces derniers est un « nouveau mécanisme en dehors du cadre financier pluriannuel » qui puisse être « articulé » avec le mécanisme existant, c'est-à-dire le paquet en discussion hier : le fonds de secours des États version light, les investissements de la Banque européenne d'investissement (BEI) et le mécanisme d'assurance chômage « Sure ». Ce paquet a été décrit comme une « réponse à court terme » par la ministre espagnole de l'Économie, Nadia Calvino. Le front des 13 pays, dont l'Italie et la France, estime qu'une référence claire à un instrument, peu importe que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de ce qui existe déjà dans l'UE, est essentielle. Une fois son existence formulée, cela peut être un message à envoyer à la fois aux marchés financiers, qui ont observé hier la situation avec une baisse en soirée, et aux opinions publiques nationales. Pour des raisons similaires, le même jeu s'est joué à front renversé dans le camp adverse des pays du « Nord ». Ce qui frappe dans cette diplomatie économique chaotique, c'est l'absence d'un dessein politique global et d'une vision.

La tension était à son maximum hier en Italie. Le président de la Chambre des députés Roberto Fico (Cinq Étoiles) a écrit à ses homologues européens ; celui du Parlement européen David Sassoli (PD) a déclaré que si « l'un s'effondre, tous » les Etats européens s'effondrent ; même son de cloche du ministre des Affaires étrangères Di Maio (Cinq Étoiles). Le président de la République Mattarella a fait appel à la solidarité européenne : tous les pays sont appelés « à une coresponsabilité de caractère global » L'issue de cette attente pourrait en décevoir plus d'un.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  ilmanifesto.it
Publication date of original article: 08/04/2020

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