10/04/2020 7 articles tlaxcala-int.org  10min #172061

 Le gouvernement prêt à dépenser des dizaines de milliards pour répondre à la crise et au coronavirus

L'Eurogroupe adopte un compromis boîteux sur un Mes sans conditions pour les coûts sanitaires causés par le virus

 Roberto Ciccarelli

Mesures tampon. Le crédit du « fonds de secours des États » ne sera utilisé que pour les dépenses sanitaires. Gualtieri (Ministre de l'Économie et des Finances italien)) : « Nous avons mis les obligations européennes sur la table ». Pour Salvini, c'est un « caporetto » (défaite militaire) et il annonce qu'il votera la défiance à Gualtieri. Pour le « Fonds de relance », la décision est renvoyée aux chefs de gouvernement lors du Conseil européen après Pâques.

Merkel et Conte. Photo AP

Compromis sur le MES uniquement pour les dépenses de santé et sans conditions, c'est-à-dire l'austérité, sur le rôle de la Banque européenne d'investissement et sur le mécanisme anti-chômage « Eurobonds » de la Commission européenne.

Les conclusions de l'Eurogroupe des 27 ministres de l'Économie, le plus long de l'histoire européenne, ne mentionnent pas les « Eurobonds » La discussion sur la proposition franco-allemande de « Fonds de relance » a été reportée à la réunion des chefs d'État lors d'un Conseil européen qui se tiendra après Pâques.

Lors des négociations préliminaires, le président Mario Centeno avait déjà annoncé que l'accord était proche, mais la réunion télématique a été reportée à plusieurs reprises. Dans la soirée, M. Centeno a été chargé d'envoyer une lettre aux chefs de gouvernement, en séparant la question du fonds commun des conclusions du sommet.

Les conclusions ont notamment été élaborées par la France, l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas, qui ont présenté dans la matinée deux motions parlementaires contre les modifications du MES et l'hypothèse du fonds commun. Leurs positions se sont adoucies au cours d'une journée mouvementée.

« La seule condition pour accéder à la ligne de crédit du MES sera que les États s'engagent à l'utiliser pour soutenir le financement des dépenses de santé directes ou indirectes, des traitements et des coûts de prévention liés au Covid-19 - peut-on lire dans les conclusions de l'Eurogroupe - La ligne de crédit sera disponible jusqu'à la fin de l'urgence. Après cela, les États restent déterminés à renforcer les fondamentaux économiques, conformément au cadre européen de surveillance budgétaire, y compris la flexibilité ».

« Nous avons convenu d'utiliser dans le cadre du MES une ligne de crédit qui n'a jamais été utilisée auparavant », a déclaré le directeur général du MES, Klaus Regling, à la fin de l'Eurogroupe. Cette mesure est appelée « Soutien à la crise pandémique » et permettra « à tous les États de la zone euro de faire appel au crédit pour soutenir le financement des coûts des soins de santé liés au Covid-19 jusqu'à 2 % du PIB ». Les fonds peuvent être activés en deux semaines. Pour l'Italie, environ 35 milliards seraient prévus, soit un peu plus que le total prévu pour le décret Cura Italia.

« Les lignes de crédit sont des polices d'assurance », a déclaré le président de l'Eurogroupe, Mario Centeno, conçues pour compenser un dommage et non comme un prêt à rembourser avec des intérêts. L'Italie est le troisième contributeur européen à ce mécanisme avec 18 milliards d'euros.

« Les Eurobonds ont été mis sur la table, et les conditionnalités du MES ont été retirées de la table. Les pays qui souhaiteront y recourir auront accès à une nouvelle ligne de crédit dédiée uniquement à l'urgence sanitaire, qui sera totalement exempte de toute conditionnalité présente et future. Nous remettons au Conseil européen une proposition ambitieuse. Nous nous battrons pour la mettre en œuvre », a commenté le ministre de l'Économie, Roberto Gualtieri.

Gualtieri n'a pas précisé si le gouvernement italien a l'intention d'utiliser cette ligne de crédit du MES ni, si oui, quand. Le gouvernement s'était officiellement présenté à la table des négociations avec un rejet clair du MES, Gualtieri lui-même, quelques heures avant l'accord, avait défini dans une interview au Sole 24 Ore le MES comme « un instrument inadapté » pour faire face à la crise.

« Le MES n'est pas un instrument adapté pour faire face à la crise »- Roberto Gualtieri

En fin de journée, le gouvernement italien a obtenu une référence générale à une obligation commune qui n'est pas l' « Eurobond », clairement rejeté hier matin par la chancelière allemande Angela Merkel. Il pourrait s'agir d'un titre proche de celui auquel on pensait dans l'accord entre la France et l'Allemagne qui ont trouvé un accord sur le fonds commun de relance qui pour le moment ne semble pas être la même chose.

Avant le compromis de l'Eurogroupe, il n'a pas semblé opportun au gouvernement italien de rejoindre l'accord franco-allemand, en maintenant la ligne « Non au MES », oui à l'Eurobond.

« Non au MES, oui aux Eurobonds » - Giuseppe Conte

Ce slogan n'était pas seulement contre-productif, il annulait la ligne diplomatique suivie par le gouvernement italien ces jours-ci et, de plus, annoncée par le Premier ministre Conte lui-même dans certaines citations rapportées par le Financial Times le 19 mars.

Rome a négocié pour modifier les objectifs du MES, limités aux dépenses de santé. Cela a été confirmé par certaines sources du ministère de l'Économie qui, après minuit, a jugé opportun de préciser que sur la création d'une nouvelle ligne de crédit du MES « il n'y a pas de demandes d'austérité ou d'ajustement du déficit, mais seulement que les fonds et les ressources servent à faire face aux dépenses de santé. Il s'agit d'un changement radical dans le fonctionnement normal du MES ».

La confusion entre la ligne officielle annoncée et la diplomatie réelle sur une question délicate pour la politique italienne a provoqué la réaction immédiate de ceux qui envisagent la possibilité même de demander un tel crédit « un caporetto », comme l' a déclaré Matteo Salvini.

Le secrétaire de la Ligue présentera une motion de censure au ministre Gualtieri. "Il n'y a pas les Eurobonds que Conte voulait mais il y a le MES, une hypothèque dramatique sur l'avenir ». Pour Giorgia Meloni (Fratelli d'Italia), le compromis obtenu hier soir est « une mise sous tutelle » de l'Italie.

Les premiers avis opposés se sont également fait entendre hier soir de la part des Cinq Étoiles. « Je le dis clairement : si le gouvernement a dit oui au MES, cette majorité n'aura plus mon vote », prévient le sénateur MIchele Giarrusso.

Depuis toujours opposés à tout recours au MES - on ne compte plus leurs déclarations en ce sens de ces dernières heures-, les Cinq Étoiles vont devoir faire face à ce qui semble être une contradiction avec leur ligne politique. « Ce n'est pas un oui au MES, nous avons été clairs, j'attends du président qu'il fasse ce qu'il a déclaré ces jours-ci et que nous déclarons depuis des années ! J'attends que le président Conte prenne la parole », a déclaré le sous-secrétaire M5S à l'Économie, Alessio Villarosa. Il n'a pas du être consulté par son ministre pendant les négociations. À minuit et demi, Conte n'avait pas parlé.

« Il ne s'agit pas d'une médiation mais d'une capitulation. Le fait a pesé que l'Italie ne demande toujours pas à la BCE de faire le travail des banques centrales - a commenté le secrétaire de Refondation communiste Maurizio Acerbo - Le Premier ministre avait dit non au MES. Qu'il tienne parole ».

« Je ne crois pas que nous devrions avoir une garantie commune des dettes et c'est pourquoi nous rejetons les Eurobonds » - Angela Merkel.

Un signal politique avait déjà été donné par Berlin sur les Eurobonds hier matin. Lors d'une vidéoconférence avec les dirigeants de son parti CDU, la chancelière Angela Merkel a prononcé un mot clair et définitif sur un malentendu entièrement italien, également alimenté par le gouvernement de Rome. « Vous savez, a-t-elle déclaré, que je ne crois pas que nous devrions avoir une garantie commune des dettes donc nous rejetons les Eurobonds ».

Ainsi, sur les « coronabonds », qui désignent des titres de créance communs pour financer la crise provoquée par le coronavirus, « il n'y a pas de consensus politique ». Avec les trois instruments « sur lesquels j'espère qu'un accord pourra être trouvé », « plusieurs milliards d'euros » sont mis à disposition, a ajouté Mme Merkel, indiquant l'objet des négociations : la coordination entre le MES, l'élargissement des fonctions de la BEI et le programme Sure (assurance-chômage européenne).

Ensemble, ces instruments - les deux premiers à repenser et le dernier à mettre en place par la Commission européenne - ne semblent pas à la hauteur de l'énormité des chiffres qui seraient nécessaires pour financer une réponse. En fait, on parle d'un total de 540 milliards d'euros (entre MES, BEI et Sure), alors qu'il en faudrait au moins 1 500 pour ne donner qu'une première réponse.

Ce chiffre a été avancé comme hypothèse par les commissaires européens à l'économie et au marché intérieur Paolo Gentiloni et Thierry Breton. Mais hier, il a été réduit par une évaluation faite par le ministre français des finances, Bruno Le Maire, selon laquelle la somme mobilisée par l'ensemble du paquet de mesures est de mille milliards.

En plus des cinq cents milliards alloués au total par les autres mesures, le « fonds commun » devrait être constitué de 500 milliards, soit un tiers du total prévu par Gentiloni et Breton. Le fonds, a souligné M. Le Maire, aura un objet spécifique et sera limité dans le temps, les modalités de son financement restant à définir.

Toutes les options sont ouvertes et parmi elles, il pourrait y avoir une dette commune réalisée par l'émission de titres par la Commission européenne, ce qui a été confirmé hier soir par le commissaire européen Paolo Gentiloni, qui a déclaré que le fonds pour la relance « devrait être lié au budget de l'UE ».

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, « présentera la proposition » de Bruxelles « sur le nouveau budget à la fin de ce mois-ci ».

Sur le Fonds commun de relance, il y a une discussion entre Paris et Berlin. Les modalités, le calendrier et l'entité qui devrait gérer le fonds financé par des obligations accordant un prêt pour une durée limitée et lié à l'objectif d'investissements dans la santé, l'automobile, le transport aérien, les technologies telles que la 5G n'ont pas encore été définis. Ce sont les secteurs énumérés par Le Maire lui-même dans une interview au Financial Times le 1er avril.

L'hypothèse générale a été perçue « positivement » par la présidente de la BCE, Christine Lagarde : « C'est un fonds de reconstruction qui est financé collectivement, c'est-à-dire où tous les souscripteurs, les meilleurs et les moins bons se mettent ensemble, ce serait magnifique », a-t-elle déclaré.

Le commissaire européen à l'Économie, Gentiloni, a parlé d'un « paquet d'une taille sans précédent ». Toutefois, il est possible que les montants des mesures - dont il n'est pas exclu qu'ils soient augmentés - soient insuffisants pour soutenir la gravité des dégâts et couvrir une partie des ressources nécessaires aux pays touchés par la crise, à commencer par l'Italie. Les vetos croisés entre gouvernements, les limites de l'action politique du gouvernement Merkel conditionnées par une partie de la CDU et par l'extrême-droite d'Alternative für Deutschland, ont confiné la recherche de nouveaux instruments à une boîte à outils qui semble inadéquate pour faire face à la nouvelle crise et, de plus, soumise au retour de l'austérité une fois passée l'urgence dont on ne connaît encore ni la durée ni les coûts réels.

Il n'est pas certain que les gouvernements seront en mesure de s'y conformer au cours des dix ou vingt prochaines années.

On reste très loin de l'alternative qui pourrait être centrée sur le caractère public de la Banque centrale européenne en tant que prêteur en dernier ressort et garant illimité de la dette publique des États, en plus d'une politique économique commune au niveau européen. Les conditions politiques pour cela ne sont pas réunies.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  ilmanifesto.it
Publication date of original article: 10/04/2020

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