Andrea Marcigliano
Permettez-moi d'apporter une précision immédiate. Je ne prétends pas être un expert de la politique française. L'un de ceux, si nombreux aujourd'hui, qui encombrent les médias et le web de leurs analyses. Et qui auraient sans doute du mal à trouver Orléans ou Bordeaux sur une carte.
Mais je suis un curieux. Et quand j'entends quelque chose, j'essaie, si possible, d'en vérifier le bien-fondé. Avec des données concrètes.
Ainsi, cette histoire de désistements entre le parti de Macron et le Nouveau Front Populaire de Mélenchon, annoncée à grand renfort de trompettes comme présageant la défaite de Le Pen, m'a mis la puce à l'oreille.
Et je me suis mis en quête de données. Du concret, du concret, et non pas des rêves, comme ceux de nos experts de salon.
En attendant, qu'est-ce que c'est que ce Nouveau Front Populaire ? Qui, dans son nom, rappelle celui de 1936, celui de Léon Blum. Qui a conduit la France au désastre. Mais qui reste l'un des mythes (ratés) de l'antifascisme transalpin. Et, à y regarder de plus près, aussi de celui de notre pays cisalpin.
Il a été créé le 10 juin 2024. C'est-à-dire, pour être généreux. Et à la suite du succès du Rassemblement national aux élections européennes. Avec l'objectif affiché de rassembler toute, mais vraiment toute la gauche pour écarter la menace d'un "gouvernement fasciste".
Ce qui, soyons honnêtes, en tant que programme politique, est vraiment un peu... peu.
Car il ne suffit pas d'être contre quelqu'un ou quelque chose pour dire que l'on a quelque chose en commun.
Et en effet, nous voyons qui s'est joint à nous.
Nous trouvons l'ancien PCF, le parti communiste. Ou ce qu'il en reste... très peu de choses. Et la galaxie fragmentée des socialistes. Plus ou moins démocratiques, plus ou moins dégénérés, héritiers de l'ère Mitterrand, aujourd'hui curiosité archéologique. Et aussi le POI, marxiste, ou plutôt trotskiste.
Et jusqu'ici...
Et puis il y a les Verts transalpins. Là aussi un archipel d'atolls dans le courant. Des écologistes, des socialistes écologiques. Des écologistes profonds (qu'est-ce que ça veut dire ?). Et même un parti de végétaliens.
Et, pour ne rien gâcher, des gaullistes de gauche (sic !), des nationalistes polynésiens, des radicaux de diverses extractions, des libéraux de gauche, des altermondialistes, des anticapitalistes, des régionalistes alsaciens, des nationalistes basques, des libertaires...
Sans oublier, bien sûr, l'univers syndical, complexe et conflictuel. De la CGT historique aux autonomes.
Voilà donc le NFP. Il n'est soudé que par la haine et la peur. Qui sont, bien sûr, de bonnes colles électorales. Mais... après cela ?
Sur quelle base pourraient-ils rester ensemble ?
Et surtout, comment pourraient-ils s'entendre avec le parti (personnel et plastique) de Macron ?
Des pacifistes avec des bellicistes ?
Des pro-russes déclarés avec des atlantistes en colère ?
Ceux qui descendent dans la rue contre la réforme des retraites avec celui qui l'a imposée ?
Les partisans des Palestiniens, et même du Hamas, avec celui qui va bras dessus bras dessous avec Netanyahu ?
Franchement, l'armée de Brancaleone, en comparaison, apparaît bien plus homogène et disciplinée.
Ces résistances auront peut-être pour effet d'empêcher un gouvernement Bardella. Mais aucun gouvernement ne pourra jamais en sortir.
Macron s'en moque. Il vise le chaos parlementaire pour gouverner seul et sans être dérangé. Sans contrôle ni contrepoids.
À long terme, et probablement à court terme, cela pourrait avoir un effet dévastateur sur la société française. Un désordre ingouvernable et ingouverné.
Et cela ne peut que favoriser Marine Le Pen.
Dont l'objectif, ne l'oublions pas, n'est pas de faire de Bardella le chef du gouvernement. Mais d'entrer, en tant que présidente, à l'Élysée.