Par Philip Giraldi, le 17 octobre 2025
Une guerre contre la drogue et les migrants, avec à la clé un changement de régime.
Il est particulièrement ardu de sélectionner les pires idioties prononcées par le président Donald Trump la semaine dernière, car elles sont nombreuses. Parmi les plus mémorables, on peut citer ses discours devant la Knesset israélienne et lors du soi-disant rassemblement pour la paix à Charm el-Cheikh, en Égypte. On note aussi dans ce cocktail ses menaces adressées au Hamas pour ne pas avoir retrouvé les corps des otages israéliens morts sous les bombes fournies par le gouvernement américain et larguées par Israël, corps désormais ensevelis sous des tonnes de décombres. Sans oublier la loi sur l'insurrection, citée presque quotidiennement par Trump ou l'un de ses ministres, qui, si elle est adoptée et passe le cap de l'examen judiciaire, transformera véritablement les États-Unis en un État policier sous la direction d'un chef clairement instable sur le plan mental, présentant tous les signes d'un psychopathe narcissique, et dont le seul but en occupant la présidenceconsiste à s'entourer de ceux qui lui répèteront sans cesse à quel point il est exceptionnel. Ne négligeons pas non plus les fanfaronnades concernant l'arche "triomphale" prévue à l'extrémité du Memorial Bridge, menant au Lincoln Memorial, à Washington, dans le cimetière national d'Arlington.
Ce que Trump, souvent bavard mais incohérent, n'a jamais osé dire dans le contexte du conflit au Moyen-Orient, c'est qu'un "génocide perpétré par Israël a cours à Gaza", car ce terme est strictement interdit dans son entourage, alors que la quasi-totalité de la communauté internationale voit les choses tout autrement. Il a néanmoins souvent exprimé ses regrets concernant la mort de 20 "otages" israéliens, sans se soucier des quelque 20 000 enfants palestiniens assassinés. Mentionner les souffrances des Gazaouis risquerait probablement de lui faire perdre les 100 millions de dollars que lui versent des donateurs tels que Miriam Adelson, une multimilliardaire israélienne propriétaire de casinos à Las Vegas, qui a voyagé avec Trump à bord d'Air Force One et a souri lorsqu'il a déclaré publiquement qu'elle vaut 60 milliards de dollars, affirmant qu'elle est plus loyale envers Israël qu'envers les États-Unis. Ce que certains pourraient considérer comme une véritable question de sécurité nationale ne semblait pas déranger le moins du monde le président. Le public de la Knesset a toutefois applaudi, en particulier lorsque Trump a raconté comment l'annexion israélienne du plateau du Golan syrien a été obtenue grâce à un pot-de-vin qu'il a reçu des Adelson pendant son premier mandat.
Au-delà de tout ce cirque, ma préférences dans les propos de Trump la semaine dernière, en tant qu'ancien officier du renseignement, va vers sa révélation quelque peu surprenante selon laquelle la CIA opère désormais au Venezuela. Cette annonce vient s'ajouter au déploiement de huit navires de guerre, d'un sous-marin à propulsion nucléaire, de bombardiers B-52 et d'avions de chasse dans la région, dédié à une prétendue opération de lutte contre le trafic de drogue et l'immigration clandestine vers les États-Unis. Selon certaines informations, environ 10 000 militaires américains, à même de constituer une force d'invasion maritime, aérienne et terrestre, seraient actuellement rassemblés dans la région des Caraïbes, soit à bord de navires, soit sur le territoire américain de Porto Rico. La récente démission de l'amiral Alvin Holsey, commandant du SOUTHCOM, qui aurait émis des réserves quant à la légalité de l'opération en cours, ne devrait pas ralentir la mobilisation des troupes.
Mardi, Trump a déclaré que la marine américaine a frappé un autre petit bateau au large des côtes vénézuéliennes, tuant six personnes. C'était la cinquième attaque de ce type dans les Caraïbes, où l'administration Trump affirme avoir toute autorité pour attaquer militairement les trafiquants de drogue comme étant des combattants illégaux. Selon les chiffres publiés par l'administration, au moins 27 personnes ont été tuées lors des cinq frappes, et une sixième frappe, jeudi, aurait été la première à faire des "survivants", récupérés par un navire de guerre américain. Des informations font également état de l'interception et de la destruction par la marine américaine d'un "sous-marin chargé de drogue".
Mercredi, lors d'une conférence de presse dans le Bureau ovale, Trump a été questionné par des journalistes, en présence du directeur du FBI Kash Patel et de la procureure générale Pam Bondi, au sujet de l' avis du ministère de la Justice à l'origine de la campagne intensifiée de l'administration contre les cartels de la drogue latino-américains. Cette décision prévoit notamment l'extension des pouvoirs de la CIA pour mener des opérations meurtrières et des actions secrètes dans la région. Le président Donald Trump aurait élargi les pouvoirs de la CIA en signant une directive secrète ordonnant à l'armée de commencer à s'attaquer aux cartels de la drogue latino-américains au début de l'été.
En avril, la CIA avait déjà entrepris de réviser ses pouvoirs afin d'utiliser la force létale contre les cartels de la drogue latino-américains, l'administration Trump ayant fait de la lutte contre ces derniers une priorité majeure pour l'agence du renseignement. À cette époque, la CIA utilisait déjà des des drones de surveillance potentiellement armés au-dessus du Mexique, prêts à éliminer les cartels mexicains si la Maison Blanche lui en donnait l'ordre.
On peut d'ailleurs noter qu'il existe déjà une directive présidentielle, appelée "conclusions", relative aux actions secrètes de la CIA dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue, qui remonte aux années 80. L'administration Trump a cherché à moderniser cette directive afin de préciser quelles actions spécifiques la CIA est autorisée à mener en Amérique latine. Toutefois, une difficulté fondamentale demeure : l'Amérique latine se trouve dans l'arrière-cour des États-Unis. L'extension des pouvoirs de la CIA inclut désormais la possibilité de cibler mortellement les membres des cartels, un pouvoir qui comporte de nombreux risques, car l'Amérique latine compte un nombre relativement important de citoyens américains et de détenteurs de cartes vertes qui pourraient poursuivre le gouvernement américain s'ils étaient ciblés ou blessés.
Mercredi, le président Donald Trump a annoncé que la CIA a désormais le droit d'opérer au Venezuela pour lutter contre les flux illégaux de migrants et de drogues en provenance de ce pays d'Amérique du Sud, mais il s'est abstenu de dire qu'elle a le pouvoir de destituer l'actuel président vénézuélien, Nicolas Maduro, un objectif politique majeur.
"Des quantités importantes de drogues en provenance du Venezuela arrivent par la mer", a-t-il expliqué, "mais nous allons également les arrêter par voie terrestre. Je pense que le Venezuela est sous pression. Mais beaucoup d'autres aussi."Nous n'allons pas laisser ce pays, notre pays, s'effondrer parce que d'autres veulent, comme vous le dites, se débarrasser de leurs pires éléments",
a-t-il également déclaré, faisant référence à son affirmation contestable selon laquelle certains pays videraient leurs prisons et leurs institutions psychiatriques pour déverser ces éléments indésirables aux États-Unis. Cette déclaration a été des plus remarquée, car les présidents n'étalent généralement pas au grand jour les directives, ou "conclusions", permettant aux espions d'accomplir une mission secrète.
Pour États-Unis, le principe même de disposer d'une CIA permet d'opérer dans l'ombre et de mener des opérations "à déni plausible", caractéristiques essentielles d'une "action secrète" - qui doit donc évidemment le rester. Toujours aussi impulsif, Trump pourrait aussi avoir voulu envoyer un message au gouvernement vénézuélien pour lui montrer sa détermination à lutter contre la drogue et les migrants. Les fausses allégations concernant des bateaux prétendument remplis de "narcoterroristes" pourraient être perçues comme une guerre psychologique, Trump espérant effrayer Maduro pour qu'il démissionne et s'exile. Or, le Venezuela joue un rôle relativement mineur dans le trafic de drogue dans la région, la Colombie et l'Équateur étant les principaux pourvoyeurs. Le président n'a pas répondu aux questions concernant l'objectif de la CIA, qui serait de renverser Maduro, pour lequel les États-Unis ont offert une prime de 50 millions de dollars.
"Est-ce que ce ne serait pas ridicule de répondre à cette question ?", a-t-il déclaré.
L'autre problème de la divulgation par Trump d'informations qui n'auraient pas dû l'être est la mise en danger des agents de la CIA opérant au Venezuela. Que font-ils là-bas ? C'est une simple supposition, mais ils pourraient avoir financé et conseillé des politiciens antigouvernementaux, comme Maria Corina Machado, qui vient de remporter le prix Nobel de la paix. Grande admiratrice de Trump, du mouvement MAGA et du gouvernement israélien, elle les aurait appelés à provoquer un changement de régime dans son propre pays !
La principale vulnérabilité de ces opérations vient de ce que les agents de la CIA ont généralement deux types de "couverture" lorsqu'ils opèrent à l'étranger. L'une est officielle : ils travaillent alors depuis l'ambassade américaine ou le bureau d'assistance militaire. Toutefois, grâce à l' ingérence de Trump dans les élections vénézuéliennes de 2019, qui ont provoqué la rupture des relations diplomatiques, une telle "couverture officielle ou diplomatique" n'existe plus au Venezuela. Les agents doivent donc opérer sous "couverture non officielle" (NOC), généralement en tant qu'homme d'affaires ou étudiant, voire en utilisant un faux passeport en tant que ressortissant d'un pays ami de Caracas qui ne suscite aucune méfiance. Dans aucun de ces cas, l'agent ne bénéficiera de la moindre protection s'il est arrêté, et vous pouvez parier que, sous la pression publique et, pour ainsi dire, létale de Trump, les services du contre-espionnage et de la police vénézuélienne recherchent désormais activement les espions américains. La question est alors de savoir si les opérations engagées contre le Venezuela sont motivées par une menace réelle, ou par l'espoir de profits potentiels. Mais face aux arguments fournis jusqu'à présent par la Maison Blanche, la réponse est clairement "non" !
Traduit par Spirit of Free Speech
* Philip M. Giraldi, Ph.D. est directeur exécutif du Council for the National Interest, une fondation éducative qui milite en faveur d'une politique étrangère américaine au Moyen-Orient plus soucieuse des intérêts nationaux. Son site web est councilforthenationalinterest.org, et son adresse électronique est informcnionline.org.