José Antonio Egido
AFP
Trump, isolationniste ? Bientôt Prix Nobel de la Paix ? Moins enclin que les néoconservateurs à mener des guerres aux quatre coins du monde ? Ce serait oublier l'Amérique latine et les Caraïbes. Les États-Unis ont toujours considéré cette partie du globe comme leur jardin personnel. L'actuel locataire de la Maison-Blanche ne rompt pas avec la tradition. (I'A)
Le président Trump a clairement exprimé sa frustration face à la résistance des peuples d'Amérique latine. Il les méprise, il les accuse d'être des assistés, des trafiquants de drogue et des migrants qui introduisent la criminalité dans son pays. Pour les soumettre, il a lancé une offensive sans précédent. Le Panama, Cuba, le Mexique, la Colombie, le Venezuela et le Brésil sont les principaux pays victimes d'agressions économiques, douanières, financières, politiques et sociales, ainsi que de menaces d'intervention directe. L'administration Trump tente également de déstabiliser les gouvernements du Honduras, du Nicaragua et de la Bolivie, tout en attisant les conflits frontaliers entre le Venezuela et la Guyane, la Colombie et le Pérou, la Colombie et le Nicaragua, etc.
Pour gérer les frontières, Trump a nommé un homme de confiance, un ancien policier du NYPD, Tom Homan. Il opprime, maltraite et expulse massivement des migrants latino-américains et caribéens. Ce qui provoque des conflits avec le Mexique, le Venezuela et la Colombie déjà aux prises avec une crise économique persistante résultant des politiques agressives et des sanctions US.
Trump compte par ailleurs de nombreux faucons anti-latino-américains dans son équipe, comme le Secrétaire d'État Marco Rubio, l'ancien président de la Banque interaméricaine de développement Mauricio Claver-Carone ou encore le directeur du renseignement national Richard Grenell. Ils utilisent le trafic de drogue comme prétexte pour préparer des actions militaires contre les pays d'Amérique latine. Trump occulte le fait que l'immense marché étasunien de la consommation illégale de drogues est la principale raison de l'existence de groupes criminels qui se consacrent à ce trafic.
Parallèlement, Trump mène un autre type d'agression contre la région en apportant un soutien inconditionnel aux gouvernements d'extrême droite qui commettent diverses actions illégales contre leur propre peuple. C'est le cas notamment au Salvador, en Équateur, au Pérou et en Argentine. Trump et son équipe soutiennent également les actions subversives radicales d'opposants tels que l'ancien président Bolsonaro au Brésil et María Corina Machado au Venezuela.
Les objectifs de l'administration Trump pour cette région du monde sont les suivants :
1. Éliminer l'influence économique de la Chine. Mais c'est impossible. Son seul succès a été, le Panama, petit pays d'Amérique centrale, où il a pu écarter la présence chinoise du célèbre et stratégique canal.
2. Garantir le commerce inégal et l'accès bon marché aux matières premières qui favorise les monopoles nord-américains dans les secteurs pétrolier (Exxon Mobil, Chevron, BP et Phillips 66) ; l'agroalimentaire (Cargill et Pepsico) ; matériel militaire (United Technologies Corporation) ; l'automobile (Ford) ; les télécommunications (Cisco Systems) ; les sociétés pharmaceutiques (Pfizer et IBM) ; la grande distribution (Walmart et Amazon) ; les technologies (IBM, Microsoft et Apple) ; l'or (Newmont) ; le cuivre (Bechtel) ; lithium (Livent) ; le fonds d'investissement BlackRock...
3. Empêcher l'expansion de l'influence du bloc des BRICS dans la région.
4. Veiller à ce que le dollar ne soit pas remplacé comme monnaie commerciale dans la région.
5. Renverser les gouvernements indépendants comme ceux de la Colombie, du Brésil, du Mexique, du Venezuela et du Nicaragua.
6. Détruire le socialisme à Cuba.
7. Rétablir la doctrine Monroe, qui garantit l'hégémonie exclusive des États-Unis dans la région, en contradiction avec l'indépendance des peuples d'Amérique latine et des Caraïbes.
8. Empêcher toute forme d'intégration étatique entre les pays de la région, du Mexique au Cône Sud (comme la CELAC), et les remplacer par des organisations multilatérales contrôlées par Washington, comme l'Organisation des États américains et l'Alliance des Caraïbes.
9. Installer au pouvoir les différentes bourgeoisies compradores locales qui se sont montrées totalement soumises à l'hégémonie américaine tout au long des XXe et XXIe siècles. Ces élites locales ne cherchent pas à développer leur pays pour répondre aux besoins de la population. Elles s'enrichissent personnellement en collaborant avec Washington.
10. Vaincre les forces patriotiques, démocratiques et révolutionnaires qui luttent pour une véritable indépendance comme le Parti communiste cubain, le PSU vénézuélien, le FSL nicaraguayen, le FMLN salvadorien, la Révolution citoyenne équatorienne, la Marche patriotique colombienne, la MORENA mexicaine, le Pérou Libre, etc.
Trump se heurte à une ferme opposition de la part des gouvernements, même dans des pays encore récemment inféodés à Washington.
Par exemple, la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum rejette l'expulsion des Mexicains des États-Unis et l'intervention militaire étasunienne dans son pays ; le président brésilien Lula da Silva s'oppose fermement à la hausse des droits de douane sur les produits brésiliens et appelle les BRICS à rejeter l'agression économique US ; le président colombien Gustavo Petro rejette les menaces contre le Venezuela et propose de rompre les liens de son pays avec l'OTAN ; le président hondurien Xiomara Castro défend Maduro contre les accusations brutales de Trump... Par ailleurs, même les laquais de Washington comme Duarte au Pérou et Milei en Argentine sont contraints de renforcer leurs liens commerciaux avec la Chine.
Dans ce contexte, on peut s'attendre à ce que la volonté de résistance des peuples latino-américains parvienne à vaincre la politique brutale d'intimidation, de chantage, de sanctions et de menaces de l'impérialisme étasunien.
Source: Investig'Action