Source: AP
Volodymyr Zelensky assiste à une session du Parlement à Kiev, Ukraine, le 17 juillet 2025.
Des perquisitions contre des figures critiques du régime de Kiev, dont l'activiste anticorruption Vitali Shabounine, ont ravivé les accusations de dérive autoritaire visant Volodymyr Zelensky. Selon le Financial Times, la loi martiale est utilisée pour réduire au silence les voix dissidentes et concentrer le pouvoir entre les mains de ses proches.
Volodymyr Zelensky et ses proches collaborateurs sont accusés par plusieurs diplomates, élus et ONG d'exploiter les pouvoirs d'exception de la loi martiale, instaurée depuis 2022, pour éliminer toute critique, selon une enquête du Financial Times parue le 17 juillet. Les inquiétudes se sont intensifiées après deux interventions musclées menées par le Bureau d'enquête d'État (SBI).
Le 11 juillet, des agents lourdement armés ont fait irruption au domicile de l'activiste anticorruption Vitali Shabounine, à Kharkov, saisissant ses téléphones, ordinateurs et ceux de sa famille, sans mandat judiciaire et en l'absence de ses avocats. Le même jour, le SBI a également perquisitionné le logement de l'ancien ministre des Infrastructures Oleksandr Koubrakov à Kiev.
Les deux hommes dénoncent des opérations à visée politique. Shabounine, figure centrale de l'ONG « AntAC », est accusé d'avoir refusé la mobilisation et d'avoir détourné des fonds militaires. Il risque jusqu'à dix ans de prison. Sa défense évoque une manipulation de son dossier. « Ce n'étaient pas des perquisitions », a déclaré Daria Kaleniuk, directrice de l'organisation. « C'était de l'intimidation. »
Shabounine estime que son dossier est un avertissement lancé à deux groupes : les journalistes anticorruption et les militaires contestataires. « Si je peux être attaqué publiquement malgré le soutien des médias et de la société, alors personne n'est à l'abri », affirme-t-il au Financial Times.
Consolidation du pouvoir et sanctions politiques
Les accusations vont bien au-delà des affaires Shabounine et Koubrakov. Plusieurs voix dénoncent une stratégie plus large de consolidation autoritaire autour du pouvoir central. L'ex-président Petro Porochenko, l'un des plus anciens opposants à Zelensky, a été récemment frappé par des sanctions. Par ailleurs, la nomination de Ioulia Sviridenko, proche d'Andriy Yermak (chef de cabinet de Zelensky), au poste de Première ministre est vue comme un signal supplémentaire de recentralisation du pouvoir.
En parallèle, le cabinet présidentiel a bloqué la nomination d'Oleksandr Tsivinsky, détective de l'agence anticorruption NABU, à la tête du Bureau de sécurité économique. Bien qu'indépendamment sélectionné, il a été jugé « non adapté » par l'exécutif, une décision jugée illégale par certains députés.
« Profiter de la guerre pour renforcer un autoritarisme corrompu », titrait Ukraïnska Pravda, le site le plus consulté d'Ukraine. The Kyiv Independent, quant à lui, affirme que cette vague de répression ne pourrait se produire sans au moins « le consentement silencieux » de Volodymyr Zelensky.
L'Occident silencieux face à une dérive visible
Malgré les précédents avertissements des ambassades, cette fois-ci les représentants occidentaux à Kiev gardent le silence. « Les cas Shabounine et Koubrakov ne sont pas isolés. Ils s'inscrivent dans un schéma : les critiques sont écartés, les fidèles protégés », confie un diplomate d'un pays occidental au Financial Times.
La loi martiale, renouvelée pour la seizième fois début juillet, permet à Volodymyr Zelensky de suspendre indéfiniment les élections et de prolonger son maintien au pouvoir, en dépit de la fin officielle de son mandat. Moscou considère que toute signature ou décision politique prise par Zelensky est illégitime, en raison de l'interruption du processus démocratique.
Le maire de Kiev, Vitali Klitschko, met en garde : « Sous couvert du conflit, le pouvoir persécute ceux qui le dérangent : opposants politiques, médias, experts et collectivités locales. » Le Financial Times conclut que l'administration actuelle « teste les limites » de la société civile, alors que les priorités des États-Unis, par exemple, se déplacent et que la pression externe sur la gouvernance ukrainienne s'amenuise.