19/08/2015 tlaxcala-int.org  4min #100994

Yuval Diskin : trop tard, l'État de Judée est déjà là

 Judah Ari Gross

L'ancien chef de la sécurité israélienne avertit que les clivages sociaux ont conduit à la création d'un État de colons purs et durs aux côtés d'Israël, dans un post tranchant couronnant une semaine de remise en question dans le pays, suite à une attaque menée de toute apparence par des terroristes juifs.

Yuval Diskin, ancien chef du Shin Bet. Photo Miriam Alster/ Flash90

Diskin prévient que le pays devient de plus en plus à droite et religieux, en passe de devenir un « État de Judée, » terme biblique pour le sud de la Cisjordanie.

Selon lui, les efforts pour éradiquer le terrorisme juif sont trop réduits et trop tardifs.

La Judée est une « nation de loi juive, de terreur, de haine contre l'autre ou de racisme. Aujourd'hui, même les rabbins qui ont donné naissance à ces idéologies délirantes sont devenus trop modérés et doux aux yeux de certains de leur supporters», écrit Diskin.

Ses commentaires, postés sur Facebook vendredi en fin d'après-midi, ont été publiés après que les responsables israéliens avaient juré de réprimer les extrémistes juifs de Cisjordanie et d'ailleurs après les bombes incendiaires lancées sur des maisons palestiniennes dans le village de Duma la semaine dernière, où un bébé et son père sont morts, et d'autres membres de la famille ont été grièvement blessés.

Un jour plus tôt, un extrémiste religieux a poignardé six personnes lors d'un défilé de la Gay Pride de Jérusalem, tuant une adolescente israélienne de 16 ans.

Diskin affirme que son agence n'a jamais priorisé la lutte contre le terrorisme juif. « Maintenant et comme toujours, il y a un manque total d'intérêt et de volonté d'aborder cette question au niveau politique », écrit-il.

Novembre 2013, Sinjil en Cisjordanie, après un attentat contre une maison de Palestiniens
Photo Issam Rimawi / Flash 90

Il a toujours été du plus grand intérêt, ajoute-t-il, d'enquêter sur le terrorisme arabe et autre. Ceux qui travaillent pour lutter contre le terrorisme juif au Shin Bet, dit-il, se heurtent souvent à la critique acerbe de la communauté religieuse.

Diskin cite plusieurs membres de la Section juive, chargée de lutter contre le terrorisme juif et d'autres officiers religieux de haut rang du Shin Bet qui ont été harcelés par des militants d'extrême-droite et même par certains rabbins orthodoxes « mainstream ».

Les allégations de ce genre sont colportées depuis des années, et traitées au sein de l'establishment de la défense lui-même, mais pour des raisons de sécurité et de confidentialité, elles sont rarement discutées ouvertement.

Diskin, qui pourrait envisager une carrière politique depuis qu'il a quitté le Shin Bet en 2011, est un critique acerbe des politiques du Premier ministre Benjamin Netanyahou.

Sa déclaration est importante dns la mesure où elle pointe le fait qu'un Etat religieux juif en Cisjordanie n'est pas seulement une perspective - suggérée chaque fois qu'Israël se rapproche d'un accord de paix avec les Palestiniens et que se profile la menace d'un désengaement israélien du territoire - mais que c'est déjà de fait une réalité sur le terrain.

Ces dernières années ont vu une aggravation du terrorisme juif et une recrudescence d'attaques de type « Prix à payer » - actes de vandalisme et de violence contre les Palestiniens et autres non-Juifs.

Affiche au bord d'une route le 19 novembre 2013 en Cisjordanie : "Kahane avait raison"
Photo Nati Shohat/Flash90

« Dans l' 'Etat de Judée' il existe des normes différentes, des systèmes de valeurs différents, des approches différentes de la démocratie », écrit Diskin, « et il y a deux systèmes juridiques. Celui qui juge les Juifs (la loi israélienne) et celui qui juge les Palestiniens (la loi martiale). »

Dans l'aile de droite religieuse de Judée, ajoute-t-il, « l'imposition [de la loi] aux Juifs est étonamment faible ».

L'initiative récente pour qualifier les attaques dites de « Prix à payer » d'illégales est essentiellement trop et peu trop tard, écrit Diskin.

Le problème central dans cette situation, dit-il, est le concept sioniste religieux de « sainteté de la terre », au lieu de « sainteté du peuple ».

Cela signifie que les adeptes vont prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre la terre, même si cela sera au détriment du peuple.

« Il n'y a rien de plus dangereux pour la sécurité nationale, » conclut-il.

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