Par Joseph Dana
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Quelques heures après l'annonce que des colons israéliens avaient incendié une maison palestinienne dans le village de Duma, en Cisjordanie, tuant un nourrisson nommé Ali Dawabsha et son père, un compte Twitter imitant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a envoyé le tweet suivant : "Mon message aux miliciens qui ont tué Ali Dawabsha est clair : si vous voulez assassiner des bébés palestiniens, mettez un uniforme."
Soldats et colons israéliens, les deux bras armés du projet sioniste en Palestine
Le ton est ironique mais le tweet saisit la triste réalité de l'occupation israélienne. Les agissements de l'armée d'Israël - pas d'une poignée de colons renégats - restent le moteur principal de la violence contre les Palestiniens.
Depuis la bombe incendiaire, Tel Aviv a fait de grands efforts pour démontrer qu'il y a un gouffre entre les actions des colons israéliens violents vivant en Cisjordanie et la mentalité du grand public d'Israël. Le pays a placé quelques colons - aucun de ceux qui ont un lien direct avec l'incendie criminel - sous détention administrative, ou détention sans procès, s'efforçant de montrer que ces "brebis galeuses" seront traitées de la manière la plus dure. A ce jour, les tribunaux israéliens ont toujours sanctionné par des peines légères les violences des colons contre les Palestiniens.
Dans le même temps, la presse israélienne a regorgé d'articles disant que les colons de Cisjordanie jetteraient bientôt leur dévolu sur l'État lui-même. Peu, cependant, se demandent en quoi un gouvernement de colons serait fondamentalement différent de l'actuel. La vérité est qu'il n'y aurait guère de différence.
La semaine dernière au Caire, le Comité chargé de l'Initiative de Paix arabe a recommandé que les groupes de colons israéliens soient classés comme groupes terroristes et que leurs membres soient traduits devant les tribunaux internationaux. Si la communauté internationale adoptait une telle décision, ce qui est peu vraisemblable, Israël serait un État sponsorisant le terrorisme grâce à la nature de son occupation de la Cisjordanie, aux subventions massives que le gouvernement donne aux colons et à la protection que leur offre l'armée. Après tout, l'occupation israélienne demeure le plus grand projet d'État dans l'histoire du pays. Le fonctionnement quotidien de l'occupation, de la gestion des checkpoints à la création de nouvelles colonies, est supervisé par l'État israélien, avec son armée exerçant toutes les fonctions nécessaires. Les colons participent également au processus de contrôle en séparant les communautés palestiniennes par la saisie de terres et la continuité de leur présence.
Quant à la violence coloniale, les colons opèrent en petites bandes soutenues et défendues par l'une des armées les plus avancées sur terre. Les colonies de Cisjordanie et la violence qui s'en écoule s'appuient sur l'armée israélienne. Sans le poids de l'armée, les colons au cœur d'Hébron ou aux alentours de Naplouse n'auraient pas d'autre choix que de quitter la Cisjordanie. En tant que tel, les colons sont un bras particulièrement violent et mauvais d'une occupation israélienne beaucoup plus ample et violente.
Pourtant l'opinion publique israélienne a présenté les colons comme des acteurs indépendants ayant la capacité de faire tomber l'État si leurs revendications n'étaient pas satisfaites. Ce qui est délibérément mensonger et vise à établir une fausse distinction entre la violence illégitime (celle des colons) et légitime (celle de l'armée).
La semaine dernière a marqué le 10ème anniversaire du désengagement de Gaza, lorsqu'Israël a déménagé les 8.000 colons qui vivaient dans la Bande de Gaza. Ce qui s'est passé durant ce mois d'août [2005] à la chaleur étouffante démontre le pouvoir réel et perçu du mouvement des colons.
Après que le Premier ministre Ariel Sharon a pris la décision de supprimer 21 colonies israéliennes dans la Bande de Gaza, le gouvernement israélien a lancé une campagne internationale agressive soulignant "le prix douloureux" qu'Israël payait en retirant l'infrastructure coloniale. Israël n'a pas mis fin à son contrôle de la Bande de Gaza et a même renforcé l'activité de colonisation en Cisjordanie dans les mois qui ont suivi le "désengagement", mais cela n'a pas empêché le pays de vendre l'événement comme une démarche honnête vers la paix.
La dynamique conduisant cette opération choc de relations publique partait d'une peinture des colons de Gaza comme violents. Pendant des semaines, la société israélienne fut obnubilée par la perspective d'une guerre civile et par divers scénarios dans lesquels les colons résistaient violemment à l'expulsion. Les soldats israéliens furent préparés à faire face à la violence, mais à la fin pas un seul d'entre eux ne fut grièvement blessé. Quelques colons résistèrent à l'éviction en les aspergeant de peinture mais finalement ils suivirent consciencieusement les ordres.
Dix ans plus tard, le mouvement des colons n'a jamais été dans une position plus assurée. De nouvelles colonies continuent à pousser dans toute la Cisjordanie, face à la condamnation internationale. Les représentants des colons sont parvenus aux plus hauts niveaux du gouvernement.
Quoique les Israéliens lambda ne semblent pas partager la mentalité des colons, ils continuent d'envoyer leurs enfants en Cisjordanie en uniforme pour défendre les colonies, gérer les checkpoints et arrêter les Palestiniens, comme les agents d'une occupation militaire. Il n'y a, au sein de la société israélienne, que peu ou pas de volonté de changer cette terrible situation. Il n'est guère étonnant que ces cinq dernières années aient vu une recrudescence de la violence coloniale contre les Palestiniens. Les colons n'ont rien à perdre.
La montée en puissance du mouvement des colons a lieu grâce à la méfiance de l'ensemble de la société israélienne vis-à-vis des Palestiniens et sa réticence à changer la nature coloniale de leur pays. Bien que de nombreux Israéliens n'aiment pas être confrontés à la violence agressive des colons - la classe coloniale ne veut jamais être confrontée à sa propre brutalité - ils ont tendance à avoir les mêmes visions racistes des Palestiniens. La violence des colons n'est pas une anomalie, elle est une forme condensée de la violence sur laquelle l'occupation d'Israël en Palestine est fondée. La violence des colons commence et finit avec les Israéliens ordinaires, pas avec les colons eux-mêmes.
Source : [The National]
Traduction : MR pour ISM