04/12/2015 reporterre.net  6min #105775

 « pourquoi est-ce que la police gaze des médias et des manifestants pacifiques ? »

La police violente de nouveau des manifestants pour le climat

Une manifestation pacifique était organisée ce matin dans le Grand Palais, à Paris, où les entreprises tiennent un salon des « Solutions » au changement climatique. Mais la police est violemment intervenue, évacuant ceux qui dénoncent ces « fausses solutions ». Reporterre était là, et s'est fait bousculer.

Paris, reportage

Le  rendez-vous était donné à midi à l'intérieur du Grand Palais, près des Champs-Élysées, par des associations (Attac, Amis de la terre, Peuples Solidaires,...). Enjeu : dénoncer ce qui, selon nombre d'associations écologistes, sont des "fausses solutions" au changement climatique.

Pour mettre en avant leurs projets auprès du grand public, de nombreuses entreprises y ont organisé « Solutions COP21 ». Avec des associations et des collectivités territoriales, elles y présentent leurs innovations en matière de lutte contre le changement climatique lors d'une immense exposition gratuite organisée au Grand Palais, à Paris, du 4 au 10 décembre. Cette initiative a coûté 4 millions d'euros.

« L'expérience climat »

En attendant le début de l'action, on fait le tour des stands. Chez Engie, le directeur environnement Hervé Casterman nous explique que « le gaz émet deux fois moins de gaz à effet de serre que les autres énergies fossiles, c'est donc un moyen d'accélérer la transition écologique. » Chez Evian, on nous explique fièrement que le recyclage d'une bouteille permet de fabriquer quatre stylos. Chez Cisco, entreprise californienne fournisseur de services pour l'internet, le directeur développement durable Philippe Dumont explique qu'on peut changer « la vie quotidienne et les comportements grâce à la technologie. » Au stand d'Avril, une magnifique voiture de tournesols symbolise les avantages environnementaux du Diester, qui « émet 40 à 60 % moins de gaz à effet de serre que le diesel », nous détaille une des employées du service développement durable.

Un brouhaha de fond donne une ambiance calme, agrémentée d'un bruit de grenouilles fait par de petits véhicules vert à pédales.

Dans le public, on croise des visages connus, on comprend que les militants commencent à entrer dans le Grand Palais avec le public. Mais certains témoignent d'avoir été séparés de leurs amis : « A l'entrée ils font une sélection selon l'apparence, et ils écartent certaines personnes sans explications. Des dreadlocks ou un bonnet coloré ça ne passe pas ! » On constate que des gendarmes sont postés à l'entrée et semblent fouiller le public.

Vers 13h30, les organisateurs décident qu'il y a suffisamment de militants à l'intérieur. Une militante lève une feuille blanche marquée du signe « EN », « Toxic Tour in english », appelle-t-elle. Un amas de caméras s'amasse autour d'elle. Puis un second lance « Toxic Tour in French ! » On le suit.

Très vite, le groupe de journalistes et de militants est dirigé par la police dans un couloir, au bord des stands. « Vous ne voulez pas qu'on puisse voir les logos des entreprises, c'est cela ?" questionne Sylvain Angerand, chargé de campagne aux Amis de la Terre. C'est lui qui mène la visite. "Ce n'est pas grave, regardez derrière vous par exemple, il y a le stand d'Engie. Ils disent qu'ils ne construiront plus de centrales à charbon, mais ils en ont encore trente en fonctionnement ! »

Des paysans présents, membres de la Confédération paysanne, ont tenté de s'adresser au ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, de passage sur le site. Ils ont été mis dehors également.

Devant un cordon de police, Sylvain Angerand, chargé de campagne aux Amis de la Terre, a dénoncé les actions d'Engie, Intermarché, Lessive Le Chat, Avril, Renault, énumérant des exemples démontrant en quoi ces entreprises n'ont pas de solutions pour le changement climatique mais que leurs action l'accentuent.

Au bout d'un moment, des policiers ont violemment saisi Sylvain Angerand, et l'ont jeté en dehors du Grand Palais. Puis, la police a commencé sans ménagement à sortir les militants un à un, en les forçant, puis elle a commencé à sortir les journalistes.

Les policiers ont forcé les journalistes de Reporterre vers la sortie, malgré la présentation de leurs cartes de presse et les ont raccompagné jusqu'à la bouche de métro.

Écouter l'échange, enregistré au téléphone à 14 h 32 (le son n'est pas très bon, entre Marie Astier, et des policiers : ceux-ci veulent l'interpeller, puis l'empêcher de travailler. Elle rappelle qu'elle exerce son métier de journaliste et empêche les policiers d'interpeller Maëlle Ausias, étudiante en journalisme et stagiaire à Reporterre :

Depuis 14 h 30, une chaine de militants s'est formée devant le Grand Palais. À notre connaissance, on ne dénombre une heure plus tard qu'une seule interpellation.

15 h : Il y a encore un groupe de militants encerclés par les policiers, dans une ambiance plutôt calme.

Nous avons été directement témoin qu'un journaliste photographe de Les Jours a été frappé par les policiers dans la cohue.

TEMOIGNAGE DE PIERRE MOREL, PHOTO-REPORTER

Aujourd'hui 4 décembre 2015 un peu avant 14h. Je couvrais en tant que photojournaliste accrédité et en commande pour le site d'information Les Jours l'action non violente « Fausses Solutions 21 » organisée au sein du Grand Palais. Un policier en civil qui encerclait des militants et des journalistes a asséné un violent coup de coude à mon appareil photo qui a ensuite heurté mon visage et ouvert une plaie au dessus de l'arcade. Je ne sais pas si son geste était volontaire ou non, mais la conséquence est là.
Rien de grave pour moi si ce n'est une prise en charge par la sécurité civile et quelques points de suture aux urgences de l'hopital Saint Louis. Et bien sûr, l'impossibilité de suivre le reste de l'action et le salon.

Lors de cette action de nombreuses personnes ont été arbitrairement interdites d'entrées dans le Grand Palais. Celles qui sont rentrées ont été rapidement et violemment évacuées après le début de l'action. Peu après 14h, les policiers en civil (que je présume de la BAC, Brigade Anti Criminalité) ont aussi procédé à l'évacuation manu militari des journalistes restants (dont une journaliste de l'Agence France Presse et une autre de Reporterre évacuée sous mes yeux). Ces derniers ont été clairement visées.

Je tiens à souligner que je n'ai été la seule personne visée et de nombreux journalistes et militants ont aussi subi l'action violente de la police en civil.

Source : Marie Astier pour Reporterre

Photos : © Marie Astier/Reporterre

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