«Résolution contre les médias russes» : pour la rédactrice en chef de RT, l'UE trahit ses principes
RT | 24 nov. 2016
La résolution de l'UE contre les médias russes dénoncée par la rédactrice en chef de RT
L'UE prétend apprendre la démocratie à la Russie et évoque la liberté d'expression comme principe fondamental mais le trahit elle-même, estime la rédactrice en chef de RT Margarita Simonyan, commentant la résolution de l'UE contre les médias russes.
«Je suis sans mot», a déclaré Margarita Simonyan face à la résolution de l'UE contre la prétendue propagande russe. «Je ne sais pour qui cela est le plus terrible, pour nous ou pour l'establishment européen qui trahit ses propres principes de liberté d'expression dont nous entendons parler depuis des décennies... Bien sûr, cela relève du deux poids deux mesures. C'est d'une effarante hypocrisie. Vous apprenez à tout le monde à vivre d'une certaine façon, et que vous vivez vous-même d'une autre, ayant peur d'entendre un autre point de vue», a déclaré la rédactrice en chef de RT.
La liberté d'expression serait donc devenue «un luxe superflu» dans l'Union européenne, alors que des voix différentes que la chaîne de télévision RT et l'agence de presse Sputnik ont gagné en popularité, a déploré Margarita Simonyan, ajoutant : «Ils ne comprennent pas qu'en prenant de telles petites mesures, conséquence du refus d'écouter une autre opinion, les Etats se transforment en dictatures aveugles et commencent des guerres dont personne n'a besoin», a-t-elle ajouté.
La rédactrice en chef de RT a également dénoncé l'ONG Reporters sans frontières (RSF), en disant que l'organisation sélectionnait des journalistes à protéger. «Reporters Sans Frontières ne fait plus semblant de protéger les journalistes du monde entier et a enfin reconnu protéger des reporters de son propre petit monde», a indiqué Margarita Simonyan en évoquant le refus de RSF de communiquer avec les médias appartenant à l'agence d'information Rossiya Segodnya.
La résolution votée par le Parlement européen le 23 novembre est intitulée «Communication stratégique de l'Union visant à contrer la propagande dirigée contre elle par des tiers». Ce document affirme que les médias russes «déforment la vérité, suscitent des doutes, divisent l'UE et ses partenaires d'Amérique du Nord, paralysent le processus décisionnel, discréditent les institutions de l'Union et les partenariats transatlantiques, provoquent la crainte et l'incertitude parmi les citoyen de l'UE». Le rapport qualifie la chaîne de télévision RT, l'agence de presse Sputnik, l'agence fédérale Rossotrudnichestvo et la fondation Russkiy Mir de purs outils de propagande.
L'agence de presse Sputnik a déjà déposé une plainte devant un certain nombre d'organisations, telles que l'ONU, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (l'OSCE), plusieurs organisations internationales de journalistes et des ONG pour faire face à cette limitation de la liberté d'expression.
Le président russe Vladimir Poutine a commenté cette résolution en la qualifiant de «dégradation politique de l'idée de démocratie» en Occident. «Tout le monde fait la leçon» à la Russie, a-t-il noté, faisant remarquer que, en matière de démocratie, les législateurs européens avaient eux-mêmes recours à des politiques de restrictions.
Source: francais.rt.com
Résolution contre les médias «russes» : l'UE ne supporte plus qu'on la critique
Manifestation devant le parlement européen en novembre 2014 ©FREDERICK FLORIN / AFP
RT | 23 nov. 2016
Le rapport du parlement européen lance de graves accusations contre des médias «russes», mais ce qu'il préconise pour lutter contre la «propagande du Kremlin» devrait bien plus inquiéter les citoyens. Voici les points essentiels de ce texte à charge.
La prose du parlement européen a de quoi décontenancer. Mais la question traitée est en définitive assez simple et pourrait même paraître à usage interne, fournissant des éléments de langage prêt à l'emploi : comment priver de liberté ceux que l'on accuse d'être les ennemis de la liberté, quand on se dit soi-même démocrate ?
Tel est le premier paragraphe du «rapport sur la communication stratégique de l'Union visant à contrer la propagande dirigée contre elle par des tiers», votée par le parlement européen ce 23 novembre 2016 et qui vise à contrer le «soft power» médiatique de la Russie :
«Considérant que l'Union européenne s'est engagée à ce que son action sur la scène internationale repose sur des principes tels que la démocratie, l'état de droit et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que la liberté des médias, l'accès à l'information, la liberté d'expression et le pluralisme des médias, ce dernier principe pouvant cependant être limité dans une certaine mesure, comme le précise le droit international, notamment la convention européenne des droits de l'homme; que les acteurs tiers visant à discréditer l'Union ne partagent pas les mêmes valeurs».
Ceci n'est pas une pipe
Le premier attendu de la résolution votée par le parlement européen annonce déjà la couleur et les contorsions rhétoriques que le lecteur devra décortiquer ensuite pour s'y retrouver. Et il lui faudra relire plusieurs fois certains paragraphes afin de discerner les cas où tel principe universel s'applique et dans quels cas son universalité se trouverait restreinte. Une universalité non-universelle, en quelque sorte, si l'on suit le texte.
Ainsi, dès les premières lignes, le citoyen européen assidu et à l'écoute de son parlement apprend que la liberté d'expression et le pluralisme des médias ne sont un luxe accordés qu'à ceux qui s'en montrent dignes et en font un usage raisonné, usage évalué, normé, soupesé et soumis au contrôle de ceux-là mêmes qui décident de qui est démocrate et de qui ne l'est pas.
En résumé : pas de démocratie pour les non-démocrates, pas de liberté pour les ennemis de la liberté : «les acteurs tiers» - traduire la Russie - qui ne «partagent pas les mêmes valeurs, ne sont donc pas autorisés à «discréditer l'Union». Embêtant lorsque l'on croit deviner qu'au nombre des valeurs requises figure apparemment la non-critique de l'Union européenne. De quoi avoir la migraine.
Syllogismes hasardeux
La prose de la résolution du parlement européen est un bijou de haute voltige rhétorique. Il y est question de droit international, de droits de l'homme. Pêle-mêle. Des grands principes - absolument respectables - qui ne sont utilisés qu'à sens unique, avec des accents qui parfois font penser à ceux d'un pervers narcissique, figure bien connue de la presse féminine, lequel est connu pour faire porter à sa victime la responsabilité de la violence qu'il lui fait subir. Et, bien qu'il soit difficile de ne pas passer pour l'agresseur en répliquant à l'agresseur, il est des formulations dans cette résolution qui sont des cas d'écoles d'inversion accusatoire.
Et ceux des eurodéputés qui ont voté le rapport incriminant sans ambages la Russie d'accuser cette dernière de vouloir entraîner un «découplage stratégique entre l'Union européenne et ses partenaires d'Amérique du Nord, de paralyser le processus décisionnel, de discréditer les institutions de l'Union et les partenariats transatlantiques - dont le rôle dans l'architecture de sécurité et économique européenne est reconnu - aux yeux et dans l'esprit des citoyens de l'Union et des pays voisins».
Pour le parlement européen, qui vit apparemment dans un autre monde, et s'autocongratule quitte à verser dans le déni de réalité, les traités commerciaux transnationaux ne souffre aucune controverse. Pas plus que le rôle de l'organisation militaire et poltique de l'Alliance atlantique, sous l'égide des Etats-Unis, qui a procédé à une militarisation sans précédent depuis le dernier conflit mondial, de l'Europe de l'Est, ne saurait être questionné. Leur rôle est donc «reconnu». Et les «citoyens de l'Union» seraient donc unanimes.
Inversions accusatoires
Mais le léviathan-pervers-narcissique se posant tout de même en victime : «Le Kremlin a intensifié sa confrontation avec l'Union; [..]. le Kremlin a intensifié sa guerre de propagande, la Russie jouant un rôle plus actif dans l'environnement médiatique européen, afin de créer dans l'opinion publique européenne un soutien politique en faveur de l'action russe et de nuire à la cohérence de la politique étrangère de l'Union».
Alors qu'une partie significative des opinions publiques s'érigent contre les traités libre-échangistes tels que le TAFTA ou le CETA que l'opposition de la Wallonie a manqué de compromettre, que dès qu'un référendum est octroyé à la population, le résultat se révèle un camouflet pour l'Union européenne, à l'instar du Brexit, le parlement européen ne veut pas voir le phénomène lui-même mais ceux qui le relayerait. Le mécontentement des agriculteurs européens, frappés par les sanctions contre la Russie n'existent que parce que rapportés par des médias «de propagande» pour le parlement européen.
Ce dernier se déclarant, logiquement, «gravement préoccupé par le développement rapide de l'activité inspirée par le Kremlin en Europe, y compris la désinformation et la propagande visant à maintenir ou à accroître l'influence de la Russie et à affaiblir et à diviser l'Union européenne».
Se félicitant de ses «réussites», la résolution conseille à l'Union européenne de «mettre en avant un message positif axé sur ses succès, ses valeurs et ses principes, obtenus avec détermination et courage, et doit tenir un discours offensif et non défensif». Quitte même à recourir au système éducatif et universitaire.
Critiquer l'Union européenne, c'est être négationniste
Dénonçant une supposée «falsification de l'Histoire», mélangeant les négationnistes de tout poil, Daesh et les médias d'information - pardon de «désinformation», le parlement européen propose même de se mêler d'éducation, quitte à tout mélanger là aussi et à ressusciter la lutte contre le communisme (l'URSS a disparu en 1991) : «Il est nécessaire de sensibiliser aux crimes commis par les régimes communistes au moyen de campagnes publiques et dans les systèmes d'éducation [..]. pour contrer le discours du Kremlin», estiment ainsi ceux des eurodéputés qui ont voté pour la résolution. L'Union européenne se chargerait donc de dicter l'Histoire officielle et contester celle-ci serait du négationnisme.
La résolution, soit dit en passant, qui n'a pas force de loi, puisque, comme on le sait, le parlement européen n'a pas l'initiative des lois européennes, il n'est qu'une chambre d'enregistrement. Ils leur est permis d'interpeller la Commission, là où se trouve le vrai pouvoir, comme naguère, les parlements pouvaient, avec le tact dû, en appeler à tel ou tel despote éclairé. Le vrai pouvoir revenant à la commission européenne, cet aréopage d'inconnus, lesquels sont nommés et non pas élus. Le divorce entre les citoyens européens et l'Union européenne ainsi que le «déficit démocratique» des institutions, des problèmes reconnus par l'Union européenne elle-même, mais qui sont des sujets interdits pour les autres, restent toujours sur la table.
23 nov. 2016
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Source: francais.rt.com