Donald Trump «admet enfin» que la Russie a piraté l'élection américaine, se réjouissent les médias américains. Ce cap semble signaler que «le Donald» commence à se plier à la ligne «officielle» de Washington, estime le journaliste Finian Cunningham*.
Cette ligne «officielle» de Washington consiste en une politique américaine belligérante envers la Russie.
Le même jour, Rex Tillerson, choisi par Donald Trump pour devenir le prochain secrétaire d'Etat, a pris une position remarquablement dure face à la Russie sous la pression de sénateurs hostiles lors de son audience de confirmation devant le Congrès.
Rex Tillerson, lauréat de l'Ordre de l'amitié russe que lui a décerné le président Vladimir Poutine en 2013, a répondu à la provocation implacable des sénateurs en disant que les Etats-Unis devraient maintenir des sanctions contre la «résurgence de la Russie», ajoutant que «la prise de Crimée» était contraire à la loi. Dans son ensemble, le glissement de Donald Trump et de son cabinet entrant vers une position plus mesurée vis-à-vis de la Russie signale qu'un processus d'apprivoisement coercitif est lancé par l'establishment à Washington, avec des implications sinistres pour la démocratie supposée des Etats-Unis.
C'est un truisme de dire que les gagnants de la présidentielle américaine sont en réalité déterminés par le pouvoir élitiste des entreprise, le Deep State, l'appareil de renseignement militaire et les conglomérats de médias qu'ils contrôlent. Dans le cas de Donald Trump, le résultat semblait être une exception à la règle. Donc, après l'élection, «le Donald» est «sous traitement» pour produire le «résultat» désiré.
La première et très attendue conférence de presse du président élu Donald Trump [le 10 janvier] a été une sorte de mêlée médiatique endiablée, avec le magnat-multimillionnaire faisant taire CNN et d'autres médias pourvoyeurs de «fake news». Au premier regard, il semblait que Trump était dans son style guerrier inchangé, dictant les règles du jeu et renversant le protocole établi.
Il a non seulement lancé des critiques accablantes sur les médias qui publient des «nouvelles fausses», mais il s'en est aussi pris aux services de renseignement américains en raison des fuites «honteuses» qui concernent des allégations non fondées sur ses liens sordides avec la Russie.
Mais au milieu de toute la bravade apparente, Donald Trump a affiché une volonté de tenir la ligne de l'establishment. «En ce qui concerne le piratage, je pense que c'était la Russie», a-t-il déclaré aux journalistes qui l'interrogeaient sur les interférences de Moscou, dénoncées par les services de renseignement, lors de l'élection présidentielle.
Jusqu'à ce moment, le président élu était indifférent aux accusations contre la Russie. Précédemment, Donald Trump avait même couvert de mépris le renseignement américain en le qualifiant de «ridicule» après qu'il ait laissé entendre que le chef de l'Etat russe, Vladimir Poutine, avait ordonné une «campagne d'influence» pour faire basculer les élections de novembre.
Cette semaine, toutefois, Donald Trump s'est dit d'accord avec l'existence d'une cyberattaque russe et avec le fait que cette campagne avait été dirigée par Vladimir Poutine. «Poutine va l'arrêter», a-t-il ajouté énigmatiquement.
Certes, Trump n'a pas utilisé un ton agressif à l'égard de la Russie et a fait des déclarations ambiguës sur la gravité de son ingérence présumée, notant que : «d'autres, y compris la Chine, nous piratent». Il semble également rester fidèle à son objectif annoncé précédemment de normaliser les relations avec la Russie. «Je considère que le fait que Poutine m'aime bien n'est pas un passif mais un actif» pour les relations bilatérales à venir.
Mais le fait est que le président élu a nettement infléchi sa position. Il rejetait les allégations du renseignement contre la Russie et finit par faire preuve de complaisance. Ceci même si de nombreuses sources insistent sur le fait que l'évaluation du renseignement américain est viciée, que le gouvernement russe a nié catégoriquement son implication dans ces cyberattaques présumées et que le site lanceur d'alerte WikiLeaks a fait savoir que ce n'était pas du tout lié à la Russie. Plusieurs anciens agents du renseignement américains dénoncent en outre publiquement que les accusations contre la Russie sont fausses.
Hillary Clinton, concurrente de Donald Trump aux élections présidentielles, était la candidate «sélectionnée» par l'establishment politique américain, le pouvoir des entreprises et de l'appareil du renseignement militaire du Pentagone. Ce nœud de pouvoir non élu surnommé Deep State, l'Etat dans l'Etat, comprend les médias contrôlés par les entreprises.
Hillary Clinton a été favorisée en raison de sa promotion expresse d'une politique étrangère agressive et militariste envers ceux qui étaient perçus comme des rivaux géopolitiques de l'Amérique - principalement la Russie et la Chine. Si Hillary Clinton devait être investie la semaine prochaine à la place de Donald Trump, on pourrait parier qu'elle aurait mis en pratique ses promesses de campagne : faire militairement à la Russie en Syrie et en Ukraine.
Depuis l'élection de Donald Trump, le 8 novembre, le Deep State a intensifié sa campagne politico-médiatique visant à le discréditer, celle qui était déjà en cours des mois avant le jour de l'élection.
En raison de son objectif maintes fois déclaré de poursuivre des relations amicales avec la Russie, Donald Trump a été cloué au pilori pour être non seulement un «comparse de Poutine», mais un président-traître potentiel. Michael Morell, ex-directeur de la CIA a annoncé cette semaine sur CNN que le dénigrement que Donald Trump avait fait subir à la communauté américaine du renseignement était une atteinte à la sécurité nationale et encourageait d'autres «ennemis» de l'Amérique et de la Russie.
C'est là que la dernière frénésie médiatique sur les prétendus liens de Donald Trump avec la Russie ont pris de l'importance.
Le directeur du renseignement national, James Clapper, peut très bien nier le fait que les fuites dans les médias sont le travail de ses agents. Mais il semble évident que si les services secrets n'avait pas inclus le «dossier russe douteux» dans leurs réunions d'information avec le président sortant Barack Obama et le président élu Donald Trump, les médias américains n'auraient pas publié ces allégations salaces concernant Donald Trump. Il est question d'un séjour dans un hôtel de Moscou et de communications présumées avec le Kremlin.
Autrement dit, c'était en effet un sale tour provoqué par les services du renseignement américains.
Les principaux médias américains peuvent pieusement prétendre qu'ils n'ont pas publié les détails sordides sur les prostituées et les orgies. Mais, en en rendant compte, ils ont de tout façon allusion à ce dossier, ce qui a inévitablement donné du crédit à cette histoire manifestement fausse.
Fait révélateur, au lieu de ne pas relayer cette rumeur stupide, le New York Times a suivi la tendance, indiquant solennellement : «Les conséquences sont difficiles à calculer... et jettent une ombre sur la nouvelle administration».
Mais quoi ? L'histoire était fausse mais évidemment, le New York Times et d'autres diffusent que cela «jette une ombre» de doute sur Donald Trump.
Donald Trump a encore l'air d'un populiste courageux qui s'en prend à l'establishment. Son acerbe «fake news» par rapport aux médias lors de la conférence de presse et ses reproches adressés à la communauté du renseignement américain pour utiliser des tactiques «nazies» donne l'impression que Donald Trump est un outsider qui va «assécher les marais» à Washington.
Mais derrière toutes ces fanfaronnades de Donald Trump, on voit le signe qu'il commence lentement, mais sûrement à assimiler le programme.
L'establishment et ses organes du Deep State ont peut-être perdu l'élection présidentielle s'agissant du candidat qui s'est imposé. Cependant, ne vous méprenez pas. L'élite dirigeante américaine travaille assidûment, en orchestrant les médias et en faisant de sales tours, pour obtenir le résultat de l'élection qu'elle souhaitait. Autrement dit, une politique hostile envers la Russie, la Chine et le reste du monde qui servirait aux intérêts des entreprises américaines.
La campagne électorale de Donald Trump basée sur la restauration de relations extérieures plus équilibrées, en particulier avec la Russie, lui a peut-être permi de gagner beaucoup de voix auprès des citoyens américains qui en ont marre de ces décennies de bellicisme. Malheureusement, le Deep State et ses partisans, au Congrès comme dans des médias, rejettent l'aspiration digne de voir la politique étrangère des Etats-Unis devenir plus pacifique.
Cette ligue contre Donald Trump et Rex Tillerson est une image pathétique des atteintes que subit plus que jamais la démocratie américaine, non pas de présumés ennemies étrangers, mais bien de «patriotes» autoproclamés de la ploutocratie du Deep State.
RT: 13 janv. 2017
*Finian Cunningham a beaucoup écrit sur les relations internationales. Ses articles ont été publiés en plusieurs langues. Originaire de Belfast, en Irlande du Nord, il est titulaire d'un Master en chimie agricole et a travaillé en tant que rédacteur scientifique pour la Royal Society of Chemistry, à Cambridge, en Angleterre, avant de poursuivre une carrière en tant que journaliste de presse écrite. Depuis plus de 20 ans, il travaille en tant que rédacteur et écrivain dans les principaux médias britanniques et irlandais, dont The Mirror, The Irish Times et The Independent. Journaliste freelance basé en Afrique de l'Est, ses chroniques sont publiées par RT, Sputnik, Strategic Culture Foundation et Press TV.
Source: francais.rt.com