22/04/2017 mondialisation.ca  9min #127854

 L'allégation américaine d'une attaque syrienne au gaz neurotoxique : anatomie d'un mensonge

Une critique des allégations « fausses et trompeuses » de la Maison Blanche à propos de l'utilisation de gaz mortel par le gouvernement syrien

Par  Dr. Theodore Postol

Ceci est mon troisième rapport évaluant le rapport des services de renseignement de la Maison Blanche du 11 avril.  Mon premier rapport était intitulé « une évaluation rapide du rapport des services de renseignement de la Maison Blanche (MB) publié le 11 avril 2017 au sujet de l'attaque aux agents neurotoxiques de Khan Cheykhoun en Syrie, » et mon  deuxième rapport était une note additionnelle au premier rapport.

Ce rapport fournit la preuve sans équivoque que l e rapport des services de renseignement de la Maison Blanche contient des allégations fausses et trompeuses qui ne pourraient absolument pas avoir été acceptées dans une revue professionnelle par des experts impartiaux du renseignement. Le rapport de la Maison Blanche a été effectué par le Conseil de Sécurité nationale sous la supervision du lieutenant général H.R. McMaster, conseiller de sécurité nationale.

La preuve présentée ici émane de deux vidéos sélectionnées (voir plus bas) qui font partie d'une plus grande banque de vidéos qui sont disponibles sur YouTube. Ces vidéos ont été téléchargées sur YouTube par la  Smart News Agency entre le 5 avril et le 7 avril. L'analyse des vidéos montre que toutes les scènes prises sur le site que le rapport de la MB prétend être l'emplacement d'où le sarin a été libéré, relèvent d'une manipulation significative du site. Ces vidéos étaient disponibles environ une semaine avant que le rapport de la MB ait été publié le 11 avril, ceci indique que le bureau du renseignement de la MB n'a fait aucune tentative pour utiliser la communauté du renseignement professionnel pour obtenir des données précises à l'appui des conclusions dudit rapport.

La vidéo montre des secouristes, sur le site environ 30 heures après l'attaque présumée, qui portaient des vêtements avec le logo « Direction de la Santé d'Idlib ». Ces individus ont été photographiés en train de mettre des oiseaux morts provenant d'une cage à oiseaux dans des sacs en plastique. Cette action entendait démontrer que les oiseaux étaient morts après avoir été placés dans le cratère présumé qui contenait le sarin. Cependant, la vidéo montre aussi les mêmes secouristes à l'intérieur et autour du même cratère sans aucune sorte protection contre l'empoisonnement au sarin.

Ces individus portaient de simples masques d'hygiène et des gants d'examen médicaux. Ils portaient par ailleurs des vêtements ordinaires sans aucune protection.

Les masques d'hygiène (voir photos plus bas) ne fournissent absolument aucune protection contre des vapeurs de sarin ou contre des aérosols de sarin. Les masques sont seulement conçus pour filtrer de petites particules de l'air. Si la vapeur de sarin était présente, elle serait inhalée sans atténuation par ces individus. Si le sarin était présent en forme d'aérosol, l'aérosol aurait été condensé dans les pores des masques et se serait évaporé dans un gaz fortement mortel que les individus auraient inhalé par les masques. Il est difficile de croire que des secouristes (de la direction de la santé), si tant est qu'il s'agissait de secouristes, soient si ignorants de ces principes de base.

De plus, les autres personnes habillées en secouristes étaient debout autour du cratère sans aucune protection du tout.

Comme indiqué dans mes rapports précédents, la supposition dans le rapport de la MB que le site présumé de diffusion du sarin n'a pas été manipulé est totalement injustifiée et aucun analyste du renseignement compétent n'aurait reconnu que cette supposition était valide. L'implication de cette observation est claire - le rapport des services de renseignement de la MB n'a pas été reviewé et réalisé par des experts du renseignement compétents à moins qu'ils aient été motivés par des facteurs autres que des préoccupations sur la véracité dudit rapport.

Le rapport de la MB fait aussi des allégations « de communications interceptées » censées fournir une certitude élevée que le gouvernement syrien était à l'origine de l'attaque présumée. Il n'y a aucune raison de croire que la véracité de cette allégation est différente de l'allégation fausse qu'il y avait une preuve sans équivoque d'une libération de sarin au cratère cité.

Les citations pertinentes [accentuation en italique ajoutée] du rapport des services de renseignement de la MB sont rassemblées ci-dessous à des fins de référence :

Les États-Unis sont certains que le régime syrien a conduit une attaque avec des armes chimique, utilisant l'agent neurotoxique qu'est le sarin, contre son propre peuple dans la ville de Khan Cheykhoun dans la Province du sud d'Idlib, le 4 avril 2017.

Nous avons confiance dans notre évaluation parce que nous avons des signaux de renseignement et du renseignement géospatial, l'analyse en laboratoire d'échantillons physiologiques rassemblés de multiples victimes, aussi bien qu'une collection significative de rapports émanant de sources crédibles.

Nous ne pouvons pas publiquement diffuser tous les renseignements disponibles sur cette attaque en raison du besoin de protéger les sources et les méthodes, mais ce qui suit inclue un résumé déclassifié de l'analyse de la communauté du renseignement étatsunien de cette attaque.

A 12h15 [le 4 avril 2017] heure locale, les vidéos locales transmises incluaient des images d'enfants d'âges variables décédés.

à 13h10 [le 4 avril 2017] localement....les vidéos suivantes montrent le bombardement d'un hôpital voisin....

Les images satellites commerciales du 6 avril montraient les cratères des impacts autour de l'hôpital qui sont compatibles avec les sources rapportant une attaque conventionnelle sur l'hôpital après l'attaque chimique.

Moscou a depuis prétendu que la diffusion de produits chimiques a été causée par une attaque aérienne du régime sur un dépôt de munitions des terroristes dans la banlieue-est de Khan Cheykhoun.

Une vidéo open source montre aussi l'endroit où nous croyons que les munitions chimiques ont atterri - non sur un dépôt rempli d'armes, mais au milieu d'une rue dans la section du nord de Khan Cheykhoun. Les images d'un satellite commercial de ce site du 6 avril, après les allégations, montrent un cratère dans la route qui correspond à la vidéo open source.

Les restes des munitions observées dans le cratère et tâchant le pourtour du point d'impact sont compatibles avec des munitions qui ont fonctionné, mais les structures les plus proches du point d'impact dans le cratère ne montrent pas des dégâts auxquels on s'attendrait d'une charge explosive conventionnelle. Au lieu de cela, les dégâts sont plus compatibles avec des munitions chimiques.

Les allégations de la Russie vont dans le sens d'une stratégie visant à détourner la responsabilité du régime et à essayer de saper la crédibilité de ses adversaires.

Résumé et conclusion

Il est maintenant clair que la preuve vidéo que le rapport de la MB évoque a été fabriquée sans apport de la communauté professionnelle du renseignement.

La presse a rapporté le 4 avril qu'une attaque au gaz sarin était arrivée dans Khan Cheykhoun, en Syrie, durant les premières heures de la matinée ce jour-là. Le 7 avril, les États-Unis ont effectué une attaque avec des missiles de croisière sur la Syrie ordonnée par le président Trump. Il apparaît maintenant que le président a ordonné cette attaque de missile de croisière sans aucun renseignement valable pour la soutenir.

Pour dissimuler le manque d'intelligence pour supporter l'action du président, le Conseil de Sécurité nationale a produit un rapport d'intelligence frauduleux le 11 avril, quatre jours plus tard. L'individu responsable de ce rapport était le lieutenant général H.R. McMaster, conseiller de sécurité nationale. Le rapport de McMaster est complètement fragilisé par un manque significatif de preuve vidéo prise après l'attaque présumée de sarin et avant l'attaque de missile de croisière étatsunienne, qui montre sans équivoque que les allégations dans le rapport de la MB ne peuvent absolument pas être vraies. Cela ne peut pas s'expliquer comme une simple erreur.

Le rapport de renseignement du Conseil de Sécurité nationale se réfère clairement à la preuve qu'il prétend avoir obtenu de sources ouvertes et commerciales peu de temps après l'attaque présumée au sarin (le 5 avril et le 6 avril)...

Video 1: Les oiseaux morts


Video 2: La direction de la santé d'Idlib manipulant le site présumé de dispersion du gaz sarin

Version originale en anglais :  A Critique of 'False and Misleading' White House Claims About Syria's Use of Lethal Gas,  Truthdig , 14 avril 2017.

Source de la traduction :

 le-blog-sam-la-touch.over-blog.com

Theodore A. Postol est professeur émérite de science, de politique de sécurité technologique et nationale au Massachussetts Institute of Technology (MIT) et un spécialiste sur la question des armes.

La source originale de cet article est  Truthdig

 mondialisation.ca