Bruno GUIGUE
Des missiles Tomawhak, hier, ont frappé l'aéroport militaire syrien de Sharyat à une trentaine de kilomètres au sud-est de Homs. L'événement fait la Une des gazettes, mais cette agression militaire américaine contre la Syrie souveraine n'est pas la première. Le 17 septembre 2016, l'aviation US avait tué 80 soldats de l'armée arabe syrienne à Deir Ezzor. Loin d'être fortuite, cette attaque avait eu lieu au moment précis où l'armée nationale, loin de ses bases, affrontait une vigoureuse offensive de Daech.
Bis repetita ! Avec ce bombardement, la Maison-Blanche, pour la deuxième fois, vole au secours de ses "proxys" lobotomisés qui font la guerre pour son compte contre la Syrie souveraine. En frappant par les airs l'appareil militaire syrien, Donald Trump sait bien qu'il ne modifie pas le rapport de forces. Ce qu'il veut, c'est humilier Damas. Il veut montrer qu'il peut atteindre le sol syrien, où il veut et quand il veut, faisant ainsi la démonstration que cet Etat est vulnérable. L'armée syrienne et l'allié russe ont été pris par surprise. Il n'est pas sûr que ce soit le cas la prochaine fois.
Quasi providentiel, le massacre chimique de Khan Cheikhoun fournit à Trump un prétexte en or. Il lui permet de reprendre pied dans un conflit où Washington n'a essuyé que des revers depuis des mois. Obéissants, les médias dominants orchestrent la compassion sur commande destinée à justifier l'agression, et le tour est joué. Pour cette opération de propagande, Trump peut compter, comme d'habitude, sur l'impressionnante servilité des médias français, le torchon sioniste qui ose s'appeler "Libération" obtenant sans difficulté la palme de la manipulation émotionnelle.
Ce faisant, les faux-culs de la presse parisienne oublient un petit détail. Aucune preuve, aucune, n'a été fournie de la culpabilité de Damas. Selon les autorités syriennes et russes, l'aviation syrienne a bombardé un dépôt de munitions appartenant aux factions islamistes qui contenait des armes chimiques. Cette explication est d'autant plus vraisemblable qu'on a déjà eu la preuve de l'utilisation d'armes chimiques par Al-Nosra et que l'arsenal chimique syrien, lui, a été démantelé sous contrôle onusien en 2014.
On se demande bien pourquoi, d'ailleurs, le gouvernement syrien aurait eu envie, subitement, de gazer sa propre population. Non seulement cette accusation est infondée, faute de preuves, mais elle insulte le bon sens. Il y a évidemment des victimes innocentes dans cette guerre. Mais si le gouvernement syrien se moquait du sort des civils, il y a longtemps que Raqqa ou Idleb aurait été rasée. Attribuer à Bachar Al-Assad la responsabilité d'un tel massacre n'a aucun sens. C'est grotesque. Il est vrai que plus c'est gros, plus ça passe. Colin Powell avait exhibé une fiole de jus de pomme, l'ambassadrice américaine à l'ONU exhibe des photos, et l'histoire se répète. Tant qu'il y aura des gogos pour y croire, la supercherie continuera de plus belle.
Jamais à court d'imagination, certains "experts" ont quand même inventé une variante. Ce n'est pas Bachar Al-Assad, mais "l'aile dure du régime syrien" qui aurait ordonné cette tuerie. Pourquoi ? Pour faire échouer les négociations sur la fin du conflit, imposer une solution militaire et montrer aux Russes qui est le patron. On comprend que la fonction de journaliste au "Figaro" impose certaines concessions à l'employeur, mais bon, on n'est pas obligé de suivre Georges Malbrunot, qui soutient cette thèse, lorsqu'il doit justifier sa fiche de paie.
Cette explication abracadabrante, en fait, n'est que la resucée de ce que disaient certains commentateurs à propos de l'attaque chimique du 21 août 2013 faussement imputée à Damas. Des généraux syriens, disait-on, auraient commis ce massacre de leur propre initiative. Tout en épargnant M. Assad, cette version des faits présente l'avantage propagandiste d'incriminer le "régime syrien", ce qui permet de remplir le contrat journalistique. Elle permet aussi de se donner l'air plus intelligent que la moyenne, ce qui n'est pas difficile étant donné le niveau de bêtise atteint par la meute télévisuelle. Mais elle n'est pas plus fondée, ni plus vraisemblable que la précédente.
Un rapport circonstancié du "Massachussets Institute of Technology" avait montré que l'attaque chimique du 21 août 2013 ne pouvait venir que de la zone rebelle. Le journaliste indépendant Seymour Hersch avait affirmé la même chose au terme d'une enquête minutieuse. Il faudra sans doute attendre le résultat d'investigations comparables pour connaître les détails du drame de Khan Cheikhoun où des innocents, une fois de plus, ont fait les frais d'une guerre voulue par Washington et ses larbins. En attendant, les menteurs professionnels tenteront l'impossible pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Le bombardement du 17 septembre 2016 fut le dernier cadeau de Barack Obama aux coupeurs de têtes. Le bombardement du 6 avril 2017 est le premier que leur offre Donald Trump. En agressant Damas, le président américain montre que rien n'a changé à Washington. Les déclarations du candidat républicain laissaient espérer un changement. Les actes du président élu dissipent définitivement cette illusion. Cette agression impérialiste à visage découvert marque donc la fin d'une séquence politique. Comme les autres, Trump est le pantin du lobby militaro-industriel. Les USA, c'est la guerre. Ils en vivent, ils aiment ça, et ça ne changera jamais tant qu'ils ne se seront pas pris une bonne dérouillée.
Bruno GUIGUE