Par Mike Head
Le transport par car sans précédent de l'ensemble du Sénat à la Maison-Blanche pour l'informer par des responsables militaires et des services de renseignement d'éventuelles actions militaires contre la Corée du Nord a été l'un des nombreux événements qui ont signalé hier la préparation d'une guerre potentiellement catastrophique.
Comme l'a noté le WSWS dans l'article de perspective de mercredi, la convocation des sénateurs par l'administration Trump ne corresponds pas à un contrôle exercé par le Congrès, c'en est le contraire : les représentants politiques de la classe dirigeante ont reçu leurs ordres et les arguments qui doivent encadrer leurs débats de la part des huiles militaires.
S'adressant aux journalistes après la réunion, les participants ont nié qu'une ligne d'attaque militaire spécifique ait été discutée. Selon tous les indices, les responsables de l'exécutif et du renseignement militaire ont dit aux sénateurs qu'ils seraient informés après l'événement, si l'administration avait lancé une agression militaire.
Il n'y a eu aucun reportage faisant état de protestations contre cette convocation par la Maison-Blanche, et encore moins le moindre boycott de la réunion. Au lieu de cela, la réponse a été un soutien bipartite pour l'escalade des préparatifs de guerre, assorti de maints appels à une action plus sévère contre la Chine, censés faire pression sur Pékin pour contraindre Pyongyang à abandonner ses programmes de missiles et d'armes nucléaires.
Comme prévu, le Sénat a été briefé au Bâtiment du bureau éxécutif Eisenhower à côté de la Maison Blanche par le secrétaire à la Défense, James Mattis, le président du Comité des chefs d'état-major des États-Unis le général Joseph Dunford, le directeur des renseignements nationaux Daniel Coats et le secrétaire d'État Rex Tillerson. Le président Donald Trump et le vice-président Mike Pence auraient salué les sénateurs à leur arrivée et sont ensuite partis.
Avant la réunion, Mattis, Coats et Tillerson ont publié une déclaration conjointe qui a déclaré que la poursuite par Pyongyang du développement d'armes nucléaires était « une menace urgente pour la sécurité nationale et une priorité majeure en matière de politique étrangère ». Ils ont déclaré : « Les efforts passés n'ont pas réussi à mettre fin aux programmes d'armes illégales de la Corée du Nord ni aux programmes d'armes nucléaires et aux essais de missiles balistiques illégaux. »
La déclaration a prétendu que l'approche de Trump visait à mener des « mesures diplomatiques » avec les alliés et partenaires pour « convaincre le régime de reculer », mais a conclu sur une note menaçante : « Cependant, nous restons prêts à nous défendre nous et nos alliés. »
Les divers commentaires des sénateurs après le briefing vont du soutien à l'action militaire américaine contre la Corée du Nord à la pression pour une position plus dure contre la Chine. Il n'y a pas eu de dissidence par rapport à la propagande incessante visant à attiser les craintes d'une future attaque nucléaire nord-coréenne.
Le sénateur Ted Cruz a déclaré à Fox News : « Évidemment nous espérons que l'action militaire ne s'avère pas nécessaire, mais s'il existe une menace claire et imminente pour les États-Unis, notre armée doit être prête à agir. » John McCain, président du Comité des services armés du Sénat, a déclaré qu'il ne fallait pas exclure une attaque préventive.
Un sénateur républicain anonyme s'est plaint du fait qu'on leur ait donné « très peu de détails sur ce qui a changé ». Il a déclaré que l'essentiel du briefing était : « Nous sommes parvenus à un point où les choses deviennent très mauvaises et nous arrivons au point où nous devons devenir plus agressifs. »
Certains sénateurs, notamment les démocrates, ont appelé à des sanctions plus sévères contre la Chine. Le sénateur démocrate Ed Markey a déclaré qu'il n'avait pas vu de preuve que la Chine en faisait assez. Chris Coons, un démocrate du Comité sénatorial des relations extérieures, a illustré le bipartisme sous-jacent. Il a déclaré que Trump développait une « stratégie diplomatique qui me semble lucide et bien adaptée à la menace. »
Plus tôt dans la journée, le chef du Commandement du Pacifique américain, l'amiral Harry Harris, qui mènerait toute attaque sur la péninsule coréenne, a donné une indication du message du Pentagone. Témoignant devant le Comité des services armés de la Chambre de députés, il a affirmé que la dénucléarisation par la Corée du Nord - l'objectif défini par la Maison-Blanche - n'est plus une option réaliste.
Harris a déclaré qu'il n'avait aucune confiance que la Corée du Nord s'abstiendrait de « quelque chose de précipité » si elle réussissait à miniaturiser une arme nucléaire pour la monter sur un missile balistique. Il a déclaré que les États-Unis avaient « beaucoup d'options préventives », mais a refusé de fournir des précisions.
L'amiral a préconisé de plus grandes démonstrations de la force militaire, y compris des survols de la péninsule coréenne par des bombardiers B-1 et B-52 dotés de capacités nucléaires. Ce serait en plus des visites et des exercices actuels de deux destroyers américains, du sous-marin à missiles guidés USS Michigan et du porte-avions USS Carl Vinson.
Harris a reconnu que les représailles possibles découlant d'une attaque contre la Corée du Nord mettraient en danger la vie de millions de Coréens et de Japonais, ainsi que des 28 500 soldats américains en Corée du Sud. Mais il a soutenu que ce danger était dépassé par la perspective de « beaucoup plus de Coréens et de Japonais et d'Américains qui mourraient si la Corée du Nord atteint ses objectifs nucléaires ».
Dans une autre indication des préparatifs de guerre, Harris a exhorté le Congrès à ajouter des intercepteurs de missiles balistiques aux installations en Alaska et en Californie et à « étudier » le placement d'intercepteurs à Hawaï tout en y renforçant immédiatement les radars défensifs.
Harris a visé la Chine, disant qu'elle avait une influence importante sur la Corée du Nord. Il a qualifié d'« absurde » la pression que la Chine aurait, selon lui, exercée sur les entreprises sud-coréennes pour faire arrêter le placement en Corée du Sud d'une batterie de missiles anti-balistiques à haute altitude (THAAD) américaine.
Les États-Unis prétendent que les l'installation THAAD est une arme purement défensive pour intercepter les missiles entrants. En réalité, son radar est conçu pour sonder profondément le territoire chinois et l'objectif sous-jacent du système est de bloquer toute tentative de la Corée du Nord ou de la Chine de répondre à une première attaque nucléaire américaine.
En dépit des protestations de la Chine, ainsi que de centaines de résidents locaux, le personnel américain a commencé à installer l'équipement THAAD dans un ancien terrain de golf à Seongju. C'était une démarche effectuée plus tôt que prévu, devançant les élections présidentielles de la Corée du Sud le 9 mai.
Les images de télévision ont montré des remorques militaires portant de grandes unités, y compris ce qui semblait être des boîtes de lancement, sur le site. Des manifestants ont lancé des bouteilles d'eau sur les véhicules, malgré les efforts de milliers de policiers pour les bloquer.
Baek-Gwang-soon, âgée de 73 ans, qui a vécu à Seongju toute sa vie, a déclaré au Guardian qu'elle était « interloquée de colère ». Elle a expliqué : « C'est un endroit calme où nous accueillons les étrangers à bras ouverts. Maintenant, il est ruiné par l'arrivée d'armes américaines qui nous ont transformés en une cible de la Corée du Nord. »
Le déploiement de THAAD a déclenché d'autres sonnettes d'alarme à Pékin. L'éditorial du Global Times de mercredi a déclaré : « Il est exaspérant que les États-Unis et la Corée du Sud aient poignardé la Chine dans le dos dans un moment critique où la Chine et les États-Unis coopèrent pour empêcher que la Corée du Nord n'effectue un nouvel essai nucléaire ou de missiles. »
En même temps, une chronique d'opinion dans le Quotidien du Peuple, l'organe officiel du Parti communiste chinois au pouvoir, a continué à plaider pour un accommodement avec Washington. En citant le rendez-vous de Trump et du président chinois Xi Jinping en juin, le commentaire exprime l'espoir que ces « dialogues de haut niveau » devraient « aider à dissiper l'idée révolue que les deux parties sont destinées à la guerre. »
En réalité, les développements de mercredi démontrent une confrontation croissante, motivée par la volonté de Washington d'affirmer une hégémonie incontestée sur la région Asie-Pacifique, aux dépens de la Chine.
Mike Head
Article paru en anglais, WSWS, le 27 avril 2017
La source originale de cet article est wsws.org