04/05/2017 mondialisation.ca  7 min #128369

Le deuxième tour de l'élection présidentielle française : un duel de prédateurs

Le jeudi 4 mai 2017 - Confrontation entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron sur Tf1 (France)

Par  Jean-Yves Jézéquel

Cette rencontre qui devait être un débat entre les deux candidats du deuxième tour à la présidentielle française a été tout ce qu'on veut, sauf un débat !

1 - Tout d'abord, Marine Le Pen a démontré magistralement qu'elle n'était pas à la hauteur du sujet; son discours ne tenait pas la route deux minutes; elle n'a rien abordé de manière structurée; brouillon, mélangeant tous les problèmes, sautant d'un sujet à l'autre dans un pur souci de polémique devenant contre productive pour elle. Elle ne connaissait pas les dossiers évoqués...

A aucun moment elle n'a soutenu une démonstration rationnelle, logique, claire et pensée sur aucun sujet. Elle s'évadait sans cesse dans les digressions polémiques et stériles, voire parfois mesquines, sur son adversaire, en ne permettant jamais aux Français de savoir clairement ce qu'elle pensait et ce qu'elle voulait faire exactement pour la France.

Son handicap majeur : contrairement à son père, elle ne sait pas parler; elle a la mâchoire inférieure crispée et n'articule pas ses mots; elle est constamment dans l'invective, l'agressivité, l'attaque négative et une rhétorique de pitbull qui ne propose absolument pas une vision expérimentée de la politique, sur un ton positif, de proposition constructrice...

Se positionner en permanence sur la défensive et dans un discours négatif de critique et non pas dans une approche critique, donnait l'avantage évident à son adversaire.

Elle n'a donné aucun avis sur l'engagement militaire de la France dans les guerres illégales des USA qui nous valent les attentats sur le territoire national. De même nous n'avons pas entendu un seul avis sur la question majeure de la transition écologique.

Sur des questions pourtant bien connues comme celle de « la monnaie commune et la monnaie unique », ses réponses ont démontré un amateurisme ahurissant : pourtant elle aurait pu en profiter pour mettre E.Macron dans les cordes...

Dans cette rencontre qui n'en était pas une, chacun a pu voir que Marine Le Pen c'est une entreprise de démolition qui sait démolir pour démolir mais qui n'a pas la compétence pour construire...

Bref, elle a, à mon sens, absolument tout perdu à cette occasion et surtout convaincu les « indécis » de ne pas voter pour elle, parce qu'il y a trop « d'à peu près », de flou, de bricolage, d'amateurisme... Son « projet » est apparu comme aléatoire, vague, imprécis, confus et très instable: on voit qu'elle ne sait pas vraiment clairement comment il faut s'y prendre et ce qu'il faudrait réellement faire: un « programme » d'improvisation totale! Son impréparation concernant les dossiers complexes de l'Union Européenne, annonce clairement la catastrophe assurée de ses initiatives en la matière!

2 - Quant à Macron: c'est en gros tout le contraire avec une parole claire, pensée, structurée, rationnelle, et un ton résolument constructif, positif et compétent, mais évidemment à l'intérieur d'une logique ultra libérale et politiquement néo conservatrice! Macron tient la route et démontre sa compétence mais, encore une fois, à l'intérieur de la logique de l'idéologie ultra libérale!

Au final nous ne sommes donc pas plus avancés, car nous connaissons déjà bien le point de vue de l'ordo libéralisme et le désastre sur lequel il a débouché depuis Reagan et Thatcher.

On ne peut que regretter amèrement le débat qui aurait pu avoir lieu entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron: alors, dans ces conditions, les Français auraient eu l'occasion de voir ce que représente l'idéologie ultra libérale et ce qu'est une vraie vision de gauche avec ses valeurs d'humanisme pratique. Entre ces deux personnes, les Français auraient pu voir ce qu'était le choix de société qu'ils sont invités à faire par le vote du 7 mai.

3 - La société de Macron, c'est un monde dans lequel on ne parle que de vision « pragmatique », caractérisant le point de vue d'une « éthique de responsabilité » pure et simple mais dans un rapport à l'humain constamment mis en relation avec l'impératif du capital.

De l'autre côté, la société de Mélenchon qui met résolument en avant, d'abord et avant tout « l'humain », caractérisant le point de vue d'une « éthique de conviction », place résolument le capital au service exclusif de l'humain.

Ce sont deux chemins opposés dans leur logique respective. Le moyen de les rendre compatibles c'est d'adopter celui de Mélenchon qui fait de l'argent un instrument au service de l'économie réelle et donc de la vie réelle des gens. L'économie réelle n'a de sens que si l'argent est mis à son service! L'argent n'a de sens que s'il est mis au service de l'économie !

Macron voit l'économie comme étant au service du capital; pour lui, c'est l'économie qui doit s'adapter aux impératifs du capitalisme mondialisé et non pas un capital qui serait au service de l'économie : c'est ce qu'il dit être du « pragmatisme ». Face à une proposition généreuse de Marine Le Pen, Emmanuel Macron lui demandait très sérieusement et de manière appuyée, comme si cela était une évidence indiscutable, un a priori intouchable à la discussion: comment allez-vous financer cette proposition généreuse (la retraite à 60 ans) ? Soyons « pragmatiques » Madame Le Pen!

Voilà pourquoi la dette est le point de départ de son raisonnement, à partir de là complétement logique, mais idéologiquement et résolument ultra libéral! La conclusion évidente c'est que Emmanuel Macron est bien d'abord et avant tout un banquier qui raisonne en banquier et qui considère que tout dépend de la Finance qui trône donc au-dessus de toute revendication démocratique.

C'est un principe théocratique en soi, car le Grand Capital Financier conçu comme point de départ de toute la pensée et de tout le projet politique lui-même, constitue le socle sur lequel est construite la société ultra libérale, le Capitalisme parasitaire Financier prenant la place de dieu, puissance abstraite qui légitime la nature même de la société de droit et le dire du Droit lui-même ! Toute notion de « démocratie » est absente du discours d'Emmanuel Macron. Le dieu totalitaire de l'argent impose ses exigences cinglantes et si le peuple Français veut survivre et continuer à exister, il doit répondre aux exigence de ce dieu totalitaire de l'argent qui dicte, commande, impose sa loi indiscutable à laquelle nous devons nous soumettre sagement...

Selon Macron, le problème des Français, c'est qu'ils ne reconnaissent pas le monothéisme financier ; ils ne « croient » pas au dogme ultra libéral ; ils ne veulent pas entendre parler du credo de l'argent maître, roi ou dieu dominant leur vie. Il considère que les Français sont des « mécréants » impénitents qui n'ont toujours pas compris ce que l'Inquisition bancaire veut leur infliger d'office et sans leur avis. Le comportement du peuple Français est bien trop émancipé, foncièrement laïc, refusant le dogme de « l'austérité », refusant de reconnaître cette nouvelle forme de la théocratie sur sa vie publique comme sur sa vie privée. « La France des insoumis », voilà bien qui caractérise le problème en soit, commenté par Emmanuel Macron ! Cette France que l'inquisition bancaire n'arrive pas à dresser à l'amour de sa soumission, voilà le problème !

Emmanuel Macron se présente donc comme le candidat de la sagesse, de la mesure, de l'intelligence et de la compétence ; il est le nouvel Apôtre des « païens » ayant reçu la « révélation » sur son « chemin de Damas » et la mission d'aller « évangéliser » la France. Devenu grand prêtre du sérail de l'Eglise bancaire, connaissant sur le bout des doigts la liturgie du culte boursier et les lois de la dérégulation des marchés, il appelle à notre « conversion » et à notre adhésion au credo ultra libéral.

Les peuples doivent se soumettre et donner les signes de l'adoration du chiffre (666) sans lequel il n'y a pas de salut possible.

C'est la raison pour laquelle, Marine Le Pen c'est la peste et Emmanuel Macron le choléra. Qui peut « choisir » quoi dans ces conditions ?

Jean-Yves Jézéquel

La source originale de cet article est Mondialisation.ca

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