30/06/2018 tlaxcala-int.org  8 min #143088

Bds : le match Israël/argentine en passe d'être annulé !

L'annulation du match « amical » Argentine-Israël : qu'est-ce qui n'a pas marché ?

 Luis Ernesto Sabini Fernández

Le revers subi par Israël du fait de l'annulation du match amical contre l'Argentine répète, une fois de plus, une leçon que nous avons tant de fois apprise dans des fables et contes enfantins : « Tant va la cruche à l'eau »...

L'alignement idéal des planètes semblait devoir permettre à Israël de remporter un nouveau triomphe, dans la série d'avancées et conquêtes, d'impunité et de désinformation, procédés par lesquels elle s'est habituée à l'emporter ces derniers temps.

Le fasciste [1] Benyamin Netanyahou a monté un cabinet de joyeux assassins de Palestiniens, se revendiquant comme tels, à l'image de Naftali Bennet, ministre de l'Education, qui a tranquillisé son public en plaisantant sur ces assassinats : « Dans ma vie, j'ai tué beaucoup d'Arabes. Ce n'est pas un problème. » [2] Ou la ministre de la Justice, Ayelet Shaked, qui préconise la mort pour des mères palestiniennes, « parce qu'elles enfantent des serpents »... (ibid).

Il y a à peine un mois et demi, ils ont osé assassiner des centaines de Palestiniens désarmés et à l'attitude pacifique. C'est la première fois qu'ils ont appliqué la « doctrine Bennet » sans subterfuges ; jusque-là, ils prenaient pour prétexte une adolescente désespérée armée de ciseaux, par exemple, pour tuer la « terroriste » et, avec elle, éventuellement, un Palestinien parmi ses proches ; plus traditionnellement, ils tiraient, avec l'intention de tuer, sur des lanceurs de pierres, souvent mineurs, qualifiés au préalable de « terroristes » [3].

Le climat culturel de plus en plus brutal et sa conséquence, la faillite éthique de cet État voyou semblent lui « permettre » maintenant de tuer des Palestiniens sans motif ni péril en vue. Israël entre ainsi dans des catégories juridiques terrifiantes, comme celle d'homo sacer, de Giorgio Agamben, ou celle d'Untermenschen de Lothrop Stoddard. Stoddard, suprémaciste blanc, forgea le terme en anglais, « underman » (1922), puisque c'était un raciste US ; mais il a été popularisé sous sa forme allemande, entre autres raisons, parce qu'il a été adopté par les nazis. Il désigne celui qui est privé de tout droit, y compris celui de vivre, se rapprochant ainsi du concept d'Agamben cité plus haut. Ainsi, ce que Stoddard avait conçu pour les Africains, les nazis pour les juifs, les Israéliens l'ont adopté pour les Palestiniens... l'élément commun, c'est la perte radicale de droits... des autres.

Ils sont bien loin les temps où au moins quelques sionistes voyaient les paysans arabes palestiniens comme ethniquement unis à la société juive antérieure à l'Islam et au christianisme ; et même les temps, plus proches, où ils voyaient les Palestiniens comme des intrus, qui avaient usurpé [sic!] à leurs dépens la terre sacrée. Maintenant, nous vivons des temps où la terre juive, totalement coupée de son historicité, a été placée dans un lieu inaccessible aux humains vulgaires, comme nous. Depuis ce lieu, le cabinet Netanyahou, renforcé par une dose de TRUMPISME, se permet de nouvelles exactions, de nouvelles falsifications.

C'est ainsi que nous sommes récemment arrivés à la réaffirmation trumpienne de Jérusalem comme capitale totale et exclusive de la judéité, au mépris de la coexistence millénaire dans cette ville-enclave des trois grandes religions monothéistes, si semblables entre elles, par leur rapport à la hiérarchie et la vénération du pouvoir...

Avant: "Argentine, n'y va pas"

Après : "L'Argentina n'y va pas"

Dans ce processus triomphal et triomphaliste de l'axe USA - Israël (ou plus précisément Israël - USA), Israël boucle, avec force argent, un match « amical » contre l'Argentine à la veille du Mondial. Israël paie l'hébergement, les déplacements, et beaucoup de cash pour l'AFA (Association du Football Argentin), bouleversant « à peine » l'itinéraire et la préparation de la sélection argentine par une visite en Israël. Pour onze petits millions (qu'Israël ne débourse même pas, puisqu'ils proviennent très certainement de fonds que les USA lui fournissent en permanence), Israël obtenait un spectacle local avec la « puce universelle* » (Leo Messi)... à Tel Aviv ou à Haïfa.

Tout marchait comme sur des roulettes. C'est alors que Miri Regev, la ministre des Sports (et de la Culture), se sentant maîtresse de la situation, tira sur la corde : « faisons le match à Jérusalem, juste au moment où les USA inaugurent leur ambassade ».

Jusque-là, les activistes du boycott d'Israel essayaient de faire une campagne pour que l'Argentine n'accepte pas d'entrer dans le jeu géopolitique israélien sous des prétextes sportifs.

On fit des rassemblements devant l'AFA à Buenos Aires, refusant d'entrer par opportunisme dans la stratégie israélienne ou israélo-yankee pour une poignée de dollars, et on publia des centaines de tracts dénonçant le comportement raciste et sournois de la politique de répression d'Israël, qui inclut les balles tirées dans les jambes et/ou les pieds de joueurs de la sélection de football palestinienne ; mais rien n'arrêtait la manœuvre diplomatique...

Barcelone, 5 juin 2018. Photos Enzo Argento

Alors, le BDS [4], dont le siège est à Barcelone, ensanglanta des maillots portant le n° 10, faisant référence à toutes les victimes désarmées et sans défense dont les militaires israéliens, froidement organisés, ont fait couler le sang dans les jours, surtout les vendredis, d'avril et mai...

Et un déclic se produisit. Tout convergeait vers le coup de maître de Regev, avec le jalon d'une rencontre Trump - Netanyahou (à laquelle Macri, du fait de la situation intérieure argentine, ne pourrait se joindre) ; mais, après le coup d'éclat de Barcelone, les joueurs, avec, semble-t-il, Messi à leur tête, dirent non. Ils alléguèrent la peur. Et ils se refusèrent, courageusement, à poursuivre l'opération.

Les millions furent perdus. Mais les joueurs gagnèrent en sérénité et concentration, se rendant directement de Barcelone à Moscou. Et en dignité.

Le pouvoir n'est pas habitué à trébucher. Pas même contre la réalité. Netanyahou alla jusqu'à téléphoner deux fois à Macri pour annuler l'annulation ! Il n'avait pas la moindre idée de la nature du refus, ni du fait que tout n'est pas régi par la discipline de caserne - à laquelle lui, par contre, est certainement habitué.

Une fois la délégation argentine en Russie, des critiques se firent jour contre l'ambitieuse Regev. Mais il était trop tard. Son orgueil l'avait perdue, les avait perdus. Il faut se rappeler, ou apprendre, que Regev, autre membre du cabinet de racistes et d'assassins de Netanyahou, avait, lors de violentes émeutes contre les Africains à Tel Aviv, excité la foule, qualifiant les victimes de « cancer » [5]. Mais elle a ensuite retiré ces mots ; elle s'est excusée... auprès des malades du cancer.

Le lecteur peut-il entrevoir le bouillon toxique de chauvinisme, d'orgueil national stupide (il ne peut pas être autre) et de racisme suprémaciste qui ravage Israël ?

Il a toujours existé, en Israël, mais à l'état larvé. Le strip-tease moral qu'implique le simple exercice d'un pouvoir sans frein permet de le discerner beaucoup plus nettement.

Affiche à Al Khalil (Hébron)

NdE

La Puce : surnom donné à Leo Messi pour sa petite taille (1 m 40 à 13 ans), due à un déficit d'hormone de croissance, corrigé par un traitement financé par le FC Barcelone.

Notes de l'auteur

[1] Ce n'est pas une insulte. C'est une référence à son appartenance politique historique.

[2] Richard Silverstein, «  Le gouvernement le plus raciste et le plus extrémiste de l'histoire d'Israël », 15/5/2015.

[3] Il faut dire que la barbarie sioniste, comme la barbarie fasciste ou nazie, comporte des degrés : quand les pierres devinrent le moyen de protestation des Palestiniens contre l'occupation de leur pays, parce que de plus en plus de gens se rendaient compte que les conversations diplomatiques ne menaient nulle part, pas plus que les opérations de guérilla, l'Intifada de 1987 surgit comme une explosion de colère collective. Les soldats israéliens se consacrèrent à la capture des lanceurs de pierres, et, avec une grosse et lourde pierre, à leur briser les bras, souvent de frêles bras de préadolescents. Une pédagogie probablement biblique. Car le sionisme suit des commandements bibliques. Ils ont pour but de refaire aux XXe et XXIe siècles ce que Yahvé leur aurait accordé, selon les témoignages rabbiniques, à l'encontre des peuples du secteur : les traiter, et les exterminer, au fil de l'épée (ainsi des peuples amorréen, cananéen, héthéen, phérézien, hévéen, jébuséen...). Arrivés au XXIe siècle, briser des os ne leur suffit plus...

[4] Mouvement palestinien de Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre l'État d'Israël.

[5] Richard Silverstein, op. Cit.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  revistafuturos.noblogs.org
Publication date of original article: 21/06/2018

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