09/09/2018 les-crises.fr  19 min #145451

Comment Disinfolab n'a pas analysé le 4e groupe de son étude : « les médias + twittos Lrem »

(6) « Le Complot Russe permanent » vu par Disinfo

Nous allons aujourd'hui nous intéresser à l'obsession russe des membres du DisinfoLab...

  1.  L'obsession russe de Nicolas Vanderbiest...  2016 Le Brexit : C'est les Russes ?
  2.  2017 Le compte aux Bahamas : C'est les Russes !
  3.  Une obsession largement partagée chez Disinfo

Rappel des origines de la Galaxie DisinfoLab

Pour davantage de détails, nous renvoyons les personnes les plus intéressées sur  la première partie de cette analyse, qui porte sur des points historiques et juridiques.

Nous résumons très brièvement cette série ainsi :

  1. "l'ONG" EU DisinfoLab n'est en fait qu'un paravent d'une nébuleuse de sociétés commerciales, dont le coeur est SAPER VEDERE, une agence de communication spécialisée sur l'accompagnement en cas de crise médiatique. Ces 2 structures ont les 3 mêmes fondateurs, dont le consultant Nicolas Vanderbiest, actionnaire à 40 % de Saper Vedere ;
  2. Les fondateurs entretiennent régulièrement une confusion entre leurs nombreuses casquettes : quand Nicolas Vanderbiest parle, est-ce le chercheur, le blogueur, le cofondateur de l'association sans but lucratif DisinfoLab, le consultant auto-entrepreneur, l'actionnaire presque majoritaire de Saper Vedere, le partenaire de Visibrain ? Mystère...
  3. De façon très étonnante, cette micro-association a rapidement été soutenue financièrement par Twitter, ainsi que par de puissants partenaires, tels l'Atlantic Council ou la Fondation Open Society ;
  4. Lors de la présidentielle 2017, Nicolas Vanderbiest a été extrêmement actif, et s'est départi de la nécessaire neutralité scientifique, au détriment de certains candidats (Le Pen, Fillon...)
  5. La confusion entre les casquettes a fini par se traduire par un mélange des rôles entre les structures et par de profonds conflits d'intérêts entre les structures ;
  6. Enfin, la plupart des partenaires de Disinfo ont une attitude envers la Russie qui les ferait certainement qualifier de "complotistes", si un autre pays était la cible de leur obsession.

La série complète de billets sur DisinfoLab est  consultable ici.

I. L'obsession russe de Nicolas Vanderbiest...

Le 28 novembre 2017, Nicolas Vanderbiest indique qu'il est passé en un an de "sceptique" à "convaincu" de l'influence russe :

Remontons donc chronologiquement son fil Twitter :

On voit qu'un mois plut tôt il attaquait donc Thierry Mariani, "agent de l'étranger". Il poursuivait quelques jours après en écrivant :

Si on comprend bien, il explique qu'il aurait vérifié que TOUT le personnel politique britannique et italien n'appartiendrait pas à un "écosystème russe". Or, "l'écosystème russe" qu'il a défini en France, repose sur le partage de Tweets de Russia Today et Sputnik, qui n'ont pas de version italienne... Comment aurait-il donc pu faire un tel travail ? Et dans quel intérêt, pourquoi dépenser autant de temps et d'énergie sur ces points ?

Par ailleurs, son fil présente plusieurs tweets qui n'attestent en rien d'une profonde rigueur scientifique :

Un grand classique néocon : attaquer Wikileaks...

Ici, une chose intéressante :

Eh bien justement, regardons ces fameuses publicités que les Russes auraient financées (Source :  Numerama) :

On apprend ainsi que la source est constituée d'élus démocrates au Congrès, donc il y a un risque de manœuvre politicienne à prendre en considération. Voici une des 3 publicités citées dans l'article (la première était sur les armes à feu) :

"Un faux compté dédié aux questions LBGT+ a organisé un rassemblement contre une église radicale. La publicité ciblait les personnes proches de Sanders, Clinton et la communauté LGBT. Elle enregistrait 5000 impressions pour 3 136 roubles."

Donc, si on comprend bien, les Russes auraient payé une publicité dénonçant l'homophobie, pour 5000 vues au maximum, et pour un coût de 50 euros... C'est scandaleux ? Voici la 3e publicité :

« Hillary est (un) Satan, ses crimes et ses mensonges ont prouvé à quel point elle est diabolique. Et même si Donald Trump n'est en aucun cas un saint, c'est au moins un homme honnête et il se soucie profondément de son pays. Mon vote va pour lui ! » : cette publicité coûtait 64 roubles.

On peut cependant estimer que le slogan "Hillary est Satan" n'a pas dû convaincre beaucoup de monde... Ce n'était probablement pas un judicieux investissement de la Russie - qu'elle a cependant limité à... 1 euro. (64 roubles)

Eh oui. Et il ne faut pas plaisanter : 1 euro par ci, 50 euros par là, ça fait vite 10 000 euros de publicité, un budget presque hollywoodien...

Mais qu'importe :

Donc si on résume : 10 millions d'Américains (sur environ 280 millions de plus de 14 ans, donc environ 3 %) ont vu passer parmi leurs milliers de publications quelques publicités du style "Hillary est Satan", qui ont bien dû faire basculer d'un vote Clinton à un vote Trump quelques centaines d'entre eux (soit 0,001 % au doigt mouillé) : sacrée influence...

Et plus généralement on constate donc bien que toute cette hystérie antirusse n'est pas très sérieuse.

Mais tout ceci continue et sur un registre qui s'éloigne de la "lutte contre le complotisme" :

Heureusement que son sujet est prétendument la "lutte contre le complotisme"...

Et voici encore quelques tweets sur la rigueur scientifique du propos :

Fichues justice et science qui exigent sans cesse des preuves... Et l'obsession se poursuit :

(on dit plutôt astroTurfing en réalité, mais on y reviendra...)

On arrive donc au plus ancien message comprenant le mot "Russes", daté du 30 octobre 2013, avec ce conseil :

C'est à la base un bon conseil : il ne faut pas utiliser des clés USB dont vous ignorez la provenance, elles peuvent contenir des virus qui vont s'activer quand vous allez la brancher. C'est un bon conseil d'ordre général.

Mais du coup pourquoi le "surtout russes" ? Allez, fact-checkons !

Cela vient, comme Nicolas Vanderbiest l'indique, de cet article du site eurolâtre "Bruxelles2.eu" de 2013 ( source) :

On note donc que :

  • "c'est rassurant de savoir que le président du Conseil européen constitue une cible potentielle d'écoute." : bien sûr...
  • "Cela permet de relativiser le NSA-Gate et les révélations d'écoutes par l'agence américaine. Cette affaire rappelle que les écoutes ou tentatives d'espionnage les plus nombreuses et « hostiles » ne viennent pas des Américains mais des Russes ou des Chinois." : ok, donc la NSA ce n'est pas grave, et les Américains espionnent peu (à ceci près qu'ils font quasiment une copie d'Internet y compris d'énormes masses de mails comme Snowden nous l'a montré). Bref, pour lui la NSA ou une clé USB russe, c'est à peu près la même chose...
  • "Il est ainsi de notoriété quasi-publique que la moitié des diplomates chinois ou russes en poste à Bruxelles ont une conception de la diplomatie davantage fondée sur « l'écoute » que sur la parole". Statistiques super fiables issues des services de renseignement de leur petit doigt ;
  • et surtout : "LA clé USB et les câbles électriques sont adaptés pour la collecte illégale..."

Le dernier point laisse à penser que "Herman" (van Rompuy) a été la cible d'un espionnage russe via la clé USB qui lui a été donnée... d'où l'alerte.

Mais ceci est pour le moins étonnant : ce n'est quand même pas commun d'offrir un cadeau à un chef d'État qui contient un mécanisme d'espionnage, c'est un peu... grossier comme méthode, et assez facile à découvrir. Comme offrir des cigares empoisonnés, ou autre. Vérifions donc avec la source italienne ( source) :

Traduction : "Le premier à être surpris par ce cadeau est le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, qui, de retour à Bruxelles, charge les responsables de la sécurité d'effectuer des contrôles sur tous les appareils. Il est décidé de demander l'aide des services secrets allemands et les premières analyses ont été effectuées avec succès. Dans la communication officielle transmise par les canaux du renseignement à tous les États participants, il est précisé que " LES clés USB et les câbles d'alimentation permettent la capture clandestine des données des ordinateurs et des téléphones portables ". Et pour cette raison, il demande instamment "de prendre toutes les précautions possibles si ces objets ont été utilisés et, dans le cas contraire, de les confier aux installations de sécurité pour d'autres contrôles"."

Voilà donc deux traductions qui ne nous disent pas du tout la même chose. Et pour cause : en italien, "la clé USB" se dit "la chiavetta USB", mais au pluriel, "les clés USB" se disent "le chiavette USB"...

La traduction du site Bruxelles2 est donc fausse, et clairement manipulatoire, puisqu'une partie est sciemment coupée, et que la phrase évoquant LA clé USB est attribuée à une "conclusion des experts informatiques" [sur le cas Herman], alors qu'il s'agit en fait d'une communication générale adressée aux chefs d'États, et rappelant simplement que, en général, LES clefs USB peuvent servir à espionner. Mais tout cela est sans aucun rapport précis avec "les Russes", et, a priori, les experts ne semblent rien avoir trouvé sur la clé offerte par les Russes...

"Désinformation", vous avez dit ?

Bref, avec ce genre de propos, répétés très souvent, il ne faut pas s'étonner qu'on en arrive à ce genre de papier, ici dans la presse belge ( source) :

Misère de la Russophobie...

Qui peut sérieusement croire que la future composition du Conseil municipal de Louvain soit une question de sécurité nationale pour la Russie, objet de toute l'attention de Poutine ?

Et puis on voit que tout ceci repose apparemment sur des sources très fiables et précises.

P.S. Rappelons que, évidemment, les Russes espionnent des pays étrangers, tout comme le fait la France ; mais rappelons aussi qu'ils ont bien peu de moyens financiers vu leur faible économie. Il est donc logique qu'ils concentrent ces moyens sur des sujets vraiment stratégiques et importants.

Notre attention devrait donc être plutôt concentrée :

  • sur des dangers majeurs, tels que les applicatifs Big Brother que détiennent et développent les États-Unis, ou la gestion de nos données personnelles par les géants d'Internet ;
  • et sur la surveillance de ce que fait notre propre gouvernement, pour s'assurer qu'il ne cherche pas à violer nos libertés fondamentales - ce qui est toujours la tentation de tout Pouvoir.

II. [2016] Le Brexit : C'est les Russes ?

Comme nous l'avons montré dans notre billet précédent, Nicolas Vanderbiest ne s'est pas intéressé au Brexit. Il faudra attendre un an et demi après l'élection pour qu'il publie un graphe sur cet important sujet d'étude, dont vous devinez le thème :

Il a aussi réalisé en parallèle un "appel à données" :

III. [2017] Le compte aux Bahamas : C'est les Russes !

Concernant l'histoire du faux compte de Macron aux Bahamas ? C'est les Russes !

2 500 retweets ! Ils ne sont décidément pas très habiles pour se cacher ces Russes...

Ni pour faire des faux. On se rappelle que sur le vrai-faux-document qui avait fuité le 3 mai 2017 ( source), censé avoir été signé par Macron, on voyait ceci :

Ce qui sautait aux yeux, c'est l'étrangeté d'avoir écrit son nom, sur une ligne marquée "Signature" (et non pas "Je soussigné"), avec le nom tapé juste en dessous. Ce n'est pas commun d'agir ainsi, en écrivant son nom au-dessus de son nom.

Surtout que ce nom écrit à la main est assez différent de celui utilisé (avec sa signature ! Elle était très simple à trouver) sur sa déclaration de patrimoine :

Libération avait aussi rapidement montré d'autres erreurs grotesques ( source) :

Pas très malins ces Russes donc.. Cependant :

On voit donc tout l'amateurisme de ces "Russes" : ils se fatiguent à faire un faux contre Macron à partir de documents vierges de structures liées aux paradis fiscaux, ils indiquent le nom du collège de Macron et sa femme (ce qui n'est pas évident à trouver), mais ils utilisent de simples calques et ne récupèrent pas la vraie signature de Macron...

Mais ne nous plaignons pas trop de leur amateurisme, car ainsi les factcheckers ont pu démonter l'intox en quelques heures permettant de protéger la sincérité du débat électoral. Avec des faussaires de qualité, il aurait été impossible d'arriver à la même conclusion aussi vite, et un gros doute serait resté le jour du vote... Ainsi, "les Russes" ont échoué à manipuler la Présidentielle.

Et ils n'ont pas été les seuls...

IV. Une obsession largement partagée chez Disinfo

Voici une sélection de tweets (et retweets) réalisés par Disinfo et ses employés :

"L'usine à trolls de St Petersbourg triple ses locaux ; 3 fois plus de trolls russes répandant la désinformation et les Fake news sur les Réseaux sociaux tous les jours, ATTENTION !"

"Notre nouvelle étude montre que l'extrême droite française a été - une fois encore - nourrie par un média russe (Russia Today) en étant le propagateur le plus actif d'informations à propos des émeutes à Bruxelles la semaine passée. Vous vous demandez pourquoi... ?"

Un retweet en lien avec l'Atlantic Council

Les "leçons d'Ukraine" à propos de la désinformation - il fallait oser...

RT bashing

RT bashing - avec le mot "guerre"

Salarié de Disinfo, retweeté par Disinfo : Russia bashing - avec le mot "guerre"

Appel du pied à Twitter

Ah, les Russes utilisent nos valeurs pour combattre nos valeurs...

Ah, c'est l'Atlantic Council qui est honoré de rencontrer DisinfoLab maintenant...

Aidons les russophobes de EUvsDisinfo...

Ça devient gênant là... (retweeté par Disinfo, cf. le rond bleu)

Retweeté par Disinfo

Retweeté par Disinfo le 23 juillet 2018 : La Russie déstabilise le Monténégro !

Retweeté par Disinfo le 24 juillet 2018 : La Russie déstabilise l'Asie du Sud-Est !

Retweeté par Disinfo : RT bashing

Salarié de Disinfo, retweeté par Disinfo

On trouve beaucoup de personnes qui ont du mal à penser que le système médiatique informe mal ; on peut le comprendre. Mais il est plus rare de trouver des fanatiques heureux d'être bien informés par... les militaires ! Sacré Mycielski :

Apparemment le "Croisé de la Démocratie" a oublié de parler de son appartenance à Saper Vedere et DisinfoLab sur sa bio Twitter...

Bon, après quand on est fier de ça...

Martin Micielski et Madeleine Albright, ancienne Secrétaire d'État des États-Unis (1997-2001)

Par chance, elle n'a pas fait à la Pologne ce qu'elle a fait à l'Irak...

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