30/10/2018 reseauinternational.net  9 min #147651

Élections Brésil - Bolsonaro au pouvoir avec « Dieu au dessus de tout ».

La tristesse n'est pas seulement brésilienne

par Gustavo Veiga

L’extrémiste de droite Jair Bolsonaro a été le premier président brésilien élu sans le vote de la population la plus pauvre, mais il a aussi gagné : 55 % contre les 45 % de Fernando Haddad, le candidat de Lula. Comme s’il était en pleine guerre froide, il promettait de combattre « le communisme, le socialisme et le populisme ».

À 19 h, la télévision a diffusé l’habituel vidéogramme Urgent. A ce moment-là, Jair Bolsonaro enterrait déjà ses rêves de garanties démocratiques pour les minorités brésiliennes avec un triomphe écrasant. Le nouveau président du géant latino-américain incarne désormais la nouvelle majorité qui explique largement les 55,1 % qu’il a remportés au second tour. Fernando Haddad, le candidat du Parti Travailliste, a atteint 44,90 % des suffrages exprimés dans des urnes électroniques.

La vague d’extrême droite sortie de son perchoir par un soldat raciste et vindicatif de la nouvelle dictature a envahi les côtes de Rio de Janeiro, transformant la ville en une carte postale difficile à croire, où règne d’habitude le carnaval. Le président élu s’est adressé au pays depuis son domicile, accompagné de son épouse Michelle et d’un traducteur pour les sourds-muets.

« Ce qui s’est passé aux urnes n’est pas la victoire d’un parti de plus, c’est la célébration d’un pays pour la liberté« , a-t-il dit.

En contrebas, au bord de la mer, la prestigieuse Barra da Tijuca était habillée pour célébrer la victoire de « Mito », l’homme qui prendra ses fonctions le 1er janvier 2019 dans un pays de 208 millions d’habitants. Le président élu a obtenu l’appui de 57 795 271 électeurs contre 47 035 345 qui ont voté pour le professeur d’université qui s’est retrouvé en ballotage toujours légèrement derrière.

Deux heures après la clôture des élections dans les principales villes du pays, le résultat était déjà connu. Le Brésil a quatre fuseaux horaires différents et dans le nord-est, les résultats du vote ont été annoncés plus tard. Il n’y avait pas de suspense, pas même la possibilité d’un résultat très disputé qui avait été évoquée par certains sondages des jours précédents avec Haddad se rapprochant du militaire. Une fois sa défaite connue, le candidat du Parti Travailliste a dit quelques mots de contestation pour les militants de son parti :

« Nous allons continuer à marcher et à nous reconnecter avec les pauvres de ce pays. Comptez sur nous, la vie est faite de courage« .

Le Brésil, au-delà de ses frontières, s’identifie désormais avec le visage d’un leader politique misogyne et xénophobe, qui ne semble pas crédible dans sa modération imposée de ces dernières heures. Mais il s’est légitimé lui-même lors des élections, et s’il réalise ne serait-ce que la moitié de ses idées de campagne, il mènera le plus grand pays d’Amérique Latine sur une voie obscurantiste, avec des conséquences imprévisibles.

Depuis 1945, aucun soldat n’a accédé au pouvoir par des moyens démocratiques. Le dernier était Eurico Dutra. Le candidat du Parti Social Libéral (PSL) sera le 42e et le 8ème président depuis la fin de la longue dictature militaire (1964-1985). Bolsonaro a réussi à obtenir plus de voix qu’au premier tour, comme on pouvait s’y attendre. Il a nettement amélioré sa performance de 9% de plus et est passé de 46 % au premier tour à 55,1 %. Haddad a également fait passer ses chiffres de 29 % à 44,90 %. Mais ces chiffres ne lui ont pas permis de disputer la victoire de l’élection au candidat gagnant.

Dans son discours de président nouvellement élu, Bolsonaro a tenu des propos qui résument son idéologie, entre extrémisme religieux et provocation. Le nouvel homme fort du Brésil a déclaré :

« Je n’ai jamais été seul, j’ai toujours senti la présence de Dieu et la force du peuple brésilien » et a continué avec des formules liturgiques comme s’il était dans un temple : « Ce gouvernement sera un défenseur de la Constitution, de la démocratie et de la liberté. Ce n’est pas une promesse d’un parti, ce n’est pas la parole d’un homme, c’est un serment à Dieu« .

Par plusieurs passages, dans ses premières phrases en tant que vainqueur de l’élection la plus importante de l’histoire récente du pays, Bolsonaro semble être passé du candidat d’une campagne qui limiterait les droits des minorités au président élu de l’harmonie et de la tolérance comme bien suprême.

« La liberté est un principe fondamental, la liberté d’aller et venir, de marcher dans les rues partout dans le pays. La liberté d’entreprendre, la liberté politique et religieuse, de se former et d’avoir une opinion, de faire des choix et d’être respecté pour ces choix« .

De même, ses paroles en faveur de l’harmonie ne semblaient pas crédibles :

« Il n’y a pas de Brésiliens du Sud ou du Nord, nous sommes tous un seul pays, nous sommes tous une seule nation, une seule et même nation démocratique« .

Après s’être montré accompagné de son épouse dans le discours d’ouverture depuis son domicile, il est apparu en public avec le candidat au Sénat Magno Malta qui lui a pris la main et l’a invité à partager une prière. Le personnage, possédé comme s’il était un pasteur évangélique d’églises électroniques, a laissé quelques phrases d’anthologie qui ont ému le nouveau président.

« Les tentacules de gauche ne seront pas arrachées sans la main de Dieu, commençons par prier« , a-t-il invité.

La scène a été complétée par d’autres collaborateurs et disciples de Bolsonaro comme l’acteur porno Alexandre Frota et le probable ministre Ónix Lorenzoni, un homme politique de droite du Rio Grande do Sul.

Le capitaine de l’armée à la retraite et jusqu’à aujourd’hui député fédéral n’était pas le seul vainqueur de son parti. Les deux militaires et un homme d’affaires, candidats au poste de gouverneur du PSL qui ont atteint le deuxième tour, ont également triomphé dans les États où ils se sont présentés. Le commandant appelé Moïse l’a emporté à Santa Catarina avec 71 % des voix. Un autre homme en uniforme, le Colonel Marcos Rocha, a gagné à Rondonia avec 66,3% et à Roraima la victoire est allée à Antonio Denarium, un éleveur de bétail avec 53,8%.

Treize gouvernorats plus le district fédéral de Brasilia étaient en jeu. Dans les trois villes les plus importantes du pays, São Paulo, Minas Gerais et Rio de Janeiro, les candidats de droite accompagnant la nomination présidentielle de Bolsonaro se sont imposés. Dans le district le plus peuplé du pays, São Paulo, l’homme d’affaires Joao Doria a gagné avec 51,7% des voix et a conservé un bastion historique du Parti de la Social-Démocratie Brésilienne (PSDB). A Rio, c’est Wilson Witzel du Parti Chrétien-Social (PSC) qui l’a emporté (59,9%), un ancien Marine et ancien juge qui a surfé sur la vague militarisée qui a mené Bolsonaro au Planalto. Une jeune force de droite, le Parti Nouveau, a gagné dans le Minas Gerais avec l’homme d’affaires Romeu Zema par le pourcentage astronomique de 71%, dans le même district où l’ancienne présidente Dilma Rousseff est arrivée en quatrième position et n’a pu obtenir la place au Sénat à laquelle elle aspirait.

La carte politique du Brésil s’est fortement déplacée vers la droite la plus rance, dans sa formulation militaire, commerciale et évangélique. Une combinaison qui s’est exprimée tout au long de la campagne avec des pics élevés de fondamentalisme. Comme si elle était de retour dans le pays le plus puissant d’Amérique Latine, l’ancienne alliance entre la croix et l’épée sous la bénédiction du capital financier et du Département d’État américain, avec son arsenal technologique tourné vers les réseaux sociaux et les églises des pasteurs grandiloquents prêts à se lancer dans une nouvelle croisade de la foi.

Source :  LA TRISTEZA NO ES SÓLO BRASILERA

traduit par Pascal, revu par Martha pour  Réseau International

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