11/12/2018 reporterre.net  19 min #149488

Jour 2 : un enthousiasme douché par les Polonais et... par les Français

J8 : Boire le changement climatique pour le voir

Tous les jours, notre envoyée spéciale vous raconte les coulisses, les anecdotes et les coups de théâtre de la COP24, qui se déroule en Pologne, du 2 au 14 décembre.

  • Katowice (Pologne), envoyée spéciale

 Lundi 10 décembre : Boire le changement climatique pour le voir

Effervescence, tension, afflux des médias... après une première semaine d'échauffement, la COP est entrée lundi dans le vif du sujet.

Lundi, de nouvelles têtes sont apparues à la table des négociations : les ministres se sont substitués aux simples délégués. Quant à la salle de presse, jusqu'ici clairsemée, elle s'est soudainement remplie. Impossible d'étaler ses affaires sur trois espaces de travail, comme je le faisais jusqu'à présent : désormais, c'est du coude à coude. Une affluence que l'organisation polonaise ne semble pas avoir anticipée, la buvette ayant très rapidement dû se déclarer en rupture de sandwiches.

Signe de cette nouvelle donne : ma journée a commencé à 8 heures non pas à la COP, mais à l'hôtel Plaza de Katowice. Eh oui, quand les ministres apparaissent, les journalistes n'ont pas vraiment d'autre choix que de les suivre... Petit-déjeuner donc en compagnie d'une douzaine de journalistes français et de la secrétaire d'État à la Transition écologique, Brune Poirson, fraîchement arrivée. Après le point sur les négociations, que croyez-vous qu'il arriva ? Nous avons parlé taxe carbone et Gilets jaunes. Mme Poirson a rappelé qu'il était « dangereux de mettre cette crise uniquement sur le dos de la transition écologique », alors que cette dernière « ne représente qu'1 % des revendications des Gilets jaunes. C'est une crise plus large, économique et sociale ». D'ailleurs, a-t-elle mis en garde, dans cette histoire, « il ne faudrait pas jeter le bébé avec l'eau du bain », car à 44 euros la tonne, « cette taxe carbone reste l'une des plus élevées d'Europe ». La secrétaire d'État a reconnu qu'il fallait « retravailler sur la méthode puisqu'elle n'a pas été acceptée ».

« Ce sera une réussite ou un échec collectif »

En même temps que l'effervescence, la tension a grimpé lundi. La dramatisation est montée d'un ton. Chacun y a été de son discours alarmant pour rappeler, comment le dire à vous qui savez déjà... pour rappeler qu'il fallait agir MAINTENANT ! Pardon, j'ai peut-être crié trop fort ? Mais justement, lundi, à Katowice, on sentait ce cri dans toutes les gorges. Négocier jusqu'au bout et avant qu'il ne soit trop tard. Ainsi, lors d'une conférence de presse, la charismatique directrice de Greenpeace International, Jennifer Morgan, nous a souhaité la « bienvenue dans cette semaine cruciale pour l'avenir de l'humanité. Cruciale pour la COP24 et pour le monde ». « Ce qu'on attend, c'est que les ministres montrent qu'ils comprennent l'urgence climatique dans laquelle nous sommes », a-t-elle dit, appelant le président polonais de la COP, Michal Kurtyka « à monter en puissance cette semaine » et s'inquiétant de l'absence de certains pays riches à l'heure de financer les pays les plus vulnérables au changement climatique : « Mais où sont donc l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon ou la Norvège ? »


Jennifer Morgan, la directrice de Greenpeace International.

Chez les ONG, la tension était d'autant plus palpable qu'elles s'inquiètent des méthodes arbitraires de la Pologne. Selon l'ONG 350.org, au moins 14 personnes des Ukrainiens, des Russes, des Géorgiens, un Belge et un Allemand, qui sont pour la plupart des activistes accrédités à la COP ont été détenues ou refoulées de Pologne ces derniers jours. L'un d'entre eux, un Géorgien membre de sa délégation nationale, est même retenu à l'aéroport de Katowice depuis quatre jours. Menacé d'expulsion, il refuse de repartir.

Pour mobiliser les ambitions, tout est bon. Comme de sortir du chapeau un invité surprise. Lundi, la guest star s'appelait Laurent Fabius, autrement dit l'artisan de l'accord de Paris. Proche de Michal Kurtyka, qu'il connaît de longue date, il le tutoie. « Tu n'as pas l'air trop fatigué », plaisante-t-il en lui tapant sur l'épaule, avant de monter sur l'estrade. « C'est symbolique d'avoir ici les trois présidents travaillant main dans la main », s'est réjoui le Polonais, tandis qu'à sa gauche se tenait un autre ancien président de COP, l'Argentin Manuel Pulgar-Vidal. « On est ici pour s'assurer que l'accord que tu as construit, Laurent, puisse entrer en vie », a-t-il ajouté, en jouant la carte de la « continuité » dans un entre-soi quasi familial. « On sent la responsabilité sur nos épaules : mais désormais, c'est entre les mains des parties. Ce sera une réussite ou un échec collectif. »


Laurent Fabius, Michal Kurtyka et Manuel Pulgar-Vidal.

Parmi les autres événements qui ont marqué la journée, je dois vous parler d'un « marronnier » de la COP. Les marronniers, ce sont ces articles qui reviennent tous les ans, inéluctablement à la même époque, comme les soldes ou le changement d'heure. Eh bien, un des marronniers de la COP, c'est l'action des ONG contre les side events organisés par les États-Unis pour vanter leur mix énergétique. En d'autres termes, pour vendre le fait qu'on peut faire du charbon « propre » alors qu'en fait, pas vraiment... et que le gaz de schiste est l'avenir de l'homme.

« Business as usual »

Sous l'innocent titre « Les technologies innovantes étasuniennes qui stimulent le dynamisme économique » se cachait donc une ode aux énergies fossiles. Les ONG savent communiquer et lundi, tout le monde autour de moi parlait de cet événement qu'il ne fallait, parait-il, manquer sous aucun prétexte. À 13h15, la conférence a débuté et au bout de quelques minutes, la centaine d'activistes qui avait investi la salle s'est levée pour interrompre la présentation : ils se sont alors mis à danser et chanter en rythme « keep it in the ground », pour réclamer que les États-Unis laissent dans le sol les énergies fossiles. Après cet intermède musical, assez identique à celui de l'an dernier, la conférence a repris. Business as usual. On pourrait d'ailleurs discuter de l'arbitraire d'une telle action, car dans la salle voisine se tenait une conférence organisée par l'Arabie saoudite sur les nouvelles techniques d'extraction du gaz et du pétrole... J'ignore qui, des États-Unis ou de l'Arabie saoudite, est le plus climaticide, toujours est-il que tous n'ont pas eu droit à une danse votive.

Deux autres conférences intéressantes ont attiré mon attention : la première concerne la mode et le changement climatique. Car, comme l'a expliqué le responsable onusien Martin Frick, « très peu de choses façonnent notre réalité comme le fait la mode ». On l'oublie trop souvent, mais les vêtements que nous portons, et surtout ceux que nous achetons, représentent une énorme empreinte carbone. Selon Stefan Seidel, de chez Puma, les émissions du secteur « sont estimées être plus élevées que celles du secteur des transports et à égalité avec celles de la Russie ». Pas rien, donc. Reconnaissant que « l'industrie de la mode n'a peut-être pas le meilleur historique en matière de performances environnementales », il assure que, « cette fois, on ne veut pas se tromper ». Une quarantaine de marques mondialement connues (Burberry, Guess, Esprit, H&M, Hugo Boss...), de distributeurs, de fournisseurs ainsi que l'armateur danois Maersk, l'un des acteurs majeurs du transport mondial par porte-conteneurs, se sont donc réunis pour signer une charte inédite où ils s'engagent pour le climat : de l'efficience énergétique à la neutralité des émissions en 2050, en passant par la transparence sur leur bilan carbone.

Goûter le changement climatique

Mais pourquoi s'intéressent-ils soudain à cette problématique, eux dont le « business », comme ils disent, est de vendre des vêtements et des chaussures ? Eh bien, répond Puma, « parce que ça fait sens commercialement ». En d'autres termes, explique-t-il, gagner en efficience énergétique par exemple, ça augmente ses bénéfices. Si se verdir veut dire plus de profits, il devrait y avoir plus d'un candidat sur les rangs. En revanche, je dois vous avouer qu'aucun des fabricants présents n'a véritablement répondu à la (pertinente) question posée par l'un de mes confrères : « Une des solutions pour préserver le climat ne serait-elle pas de réduire le volume de vêtements vendus ? »

Je vous propose de finir la journée sur une touche plus alcoolisée avec cette conférence intitulée « Bordeaux 2050 : le vrai goût du changement climatique ». C'est l'histoire d'un journaliste, Valéry Laramée, qui depuis vingt ans a tout tenté pour vulgariser l'urgence de la crise climatique. Comment parler de cette « incroyable vérité » ? « J'ai l'impression qu'on a tout essayé, a exposé le rédacteur en chef du Journal de l'environnement, mais ce n'était pas assez, la concentration atmosphérique en CO2 continuait à augmenter. » Et puis en 2015 lui vient une idée : « En France, un sujet passionne tout le monde, ou quasiment : le vin. » Alors il se lance, crée un blog et décide de faire goûter aux Français « un vin qui préfigurerait ce que serait un bordeaux en 2050, si les viticulteurs ne changeaient pas leur pratique ». En effet, en 2050, les zones favorables à la culture de la vigne se déplaceront vers le nord. Et la région bordelaise sera affectée par une nouvelle donne climatique : le raccourcissement de la période végétative, les sécheresses, les événements extrêmes... Le merlot et le cabernet aujourd'hui adaptés ne le seront plus. À l'aide d'un vigneron, Pascal Chatonnet, Valéry Laramée et quelques autres ont œuvré pour rendre cette réalité plus tangible en créant le bordeaux du futur. Ils ont sélectionné des raisins dans des régions connaissant des conditions climatiques similaires à celles qui devraient régner dans le Bordelais en 2050 Tunisie, Minervois... et les ont assemblés pour donner naissance à ce bordeaux 2050, moins élégant, plus sec, amer aussi, avec des arômes moins complexes. Le succès médiatique a été immédiat : en avril dernier quand ils ont présenté leur vin du futur, enfin ! on a parlé en France, et dans le monde entier, de ce changement climatique que l'on ne veut pas boire.

 Samedi 8 décembre : Des nuages planent sur la négociation

Marche pour le climat, mais sous étroite surveillance policière. Et la police polonaise gêne ou empêche l'arrivée de militants climatiques. Lundi, la négociation reprend au niveau ministériel. Mais tout le monde semble mettre des freins...

En ce septième jour de COP, deux événements se télescopaient à Katowice : à l'extérieur, dans le froid et les chants, la Marche pour le climat ; à l'intérieur, dans une atmosphère chaude et feutrée, la fin du volet technique des négociations.

En me rendant à la Marche pour le climat, en fin de matinée, je pensais assister à un gigantesque rassemblement. J'en en été pour mes frais : à midi, place de la Liberté, je comptais plus de policiers et de journalistes que de manifestants... Mais peu à peu, le nombre de manifestants a fini par grossir pour atteindre 1.500 à 2.000, dépassant celui des policiers, une gageure au vu de leur impressionnant déploiement. En observant ce cortège, corseté de part et d'autre par des policiers se suivant à moins de trois mètres d'intervalle, je n'ai pu m'empêcher de penser aux Gilets jaunes protestant à Paris. Autant vous dire qu'il n'y a eu aucun débordement.


Paulina est enceinte et est venue avec sa petite fille à la marche pour le climat.

Parmi les manifestants, de nombreux Polonais, aussi préoccupés par le climat que par la pollution. Leur ennemi : le charbon et cet insidieux carbone-suie, issu de sa combustion, qui noircit leurs bronches depuis des dizaines d'années, provoquant cancers et maladies respiratoires. Comme beaucoup d'entre eux, Ines, l'Espagnole, et Anna, la Française, étudiantes Erasmus à Cracovie, ont couvert leur visage d'un masque à gaz. « En venant ici, je me suis rendue compte que la Pologne était en retard sur l'environnement : elle produit du charbon, continue à distribuer plein de sacs en plastique. Ici, on m'a même déconseillé de courir à l'extérieur à cause de la pollution », regrette Anna. Ines en pâtit chaque jour ; ça lui gratte la gorge et la fait tousser en permanence.

Wolfgang Eber, lui, arrive de Bonn, après trois mois et 1.883 kilomètres de marche. « Je fais partie d'un groupe de chrétiens qui lutte pour la justice climatique », raconte-t-il.


Wolfgang Eber (à droite) : « Je fais partie d'un groupe de chrétiens qui lutte pour la justice climatique »

Il n'est pas le seul pèlerin à avoir fait le trajet à pied : le Philippin Yeb Saño arrive juste du Vatican. « Si la crise climatique persiste, nous serons tous affectés », a-t-il crié à la foule, casquette kaki vissée sur la tête. « Nous devons agir si nos dirigeants échouent à s'en saisir. »

Une fois son intervention terminée, je le prends à part et lui demande pourquoi il est venu jusqu'ici, à Katowice. « Si les négociations échouent ici, c'est comme si on faisait une croix sur l'Accord de Paris, répond-il. Il s'agit d'une crise climatique, politique, mais aussi spirituelle : il faut combattre l'avidité et l'arrogance, qui mènent les gouvernements et les entreprises. » Derrière moi, un homme à la large carrure attend son tour : lui aussi veut parler à l'activiste philippin. Il se présente ; c'est Tom BK Goldtooth, de la tribu amérindienne des Navajos. Sous mes yeux, les deux hommes échangent leurs adresses de courriels : une COP, c'est aussi ça, des liens qui se créent, d'un continent à l'autre, et des luttes qui convergent.


Yeb Sano et Tom Goldtooth : des Philippines au pays Navajo ;

Soudain, je tombe sur une étrange pancarte : « Mon ami venait à la COP24, mais il a été arrêté. » Intriguée, je m'approche de la jeune femme qui la brandit. Elle appelle Valentyn Pugachov, porte-parole de l'ONG ukrainienne EcoAction, pour qu'il m'explique les faits : deux de leurs activistes, pourtant régulièrement accrédités à la COP, ont été arrêtés le matin-même à Katowice à leur hôtel. Depuis, ils n'ont plus aucune nouvelle d'eux. Pour le moins inquiétant...

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D'autant que ces deux arrestations font écho à d'autres incidents du même type : depuis quelques jours, et notamment vendredi, la police polonaise a refoulé plus d'une douzaine d'acteurs de la société civile, parmi lesquelles une activiste du Climate Action Network (CAN) co-organisatrice d'une marche de  65.000 manifestants à Bruxelles. Justification avancée par la Pologne : elle représenterait une « menace à la sécurité nationale ».

Fin janvier, la Pologne a en effet adopté une loi controversée interdisant toute manifestation spontanée avant et durant la COP24 et permettant aux autorités de collecter des informations sur tous les participants à leur insu. Bref, en 24 ans de COP, c'est bien la première fois que Valentyn Pugachov a eu vent d'une telle pratique. Fâcheux, à l'heure où la présidence polonaise de la COP répète qu'il faut intégrer la société civile et surtout les travailleurs du charbon dans la transition climatique. Les deux activistes Ukrainiens seront finalement relâchés samedi dans la soirée.

Après quatre heures dehors certes sous le soleil mais tout de même dans la froidure polonaise mes doigts engourdis et moi nous sommes rabattus vers la soucoupe volante de la COP. « Vous n'avez pas froid », ai-je demandé, compatissante, à une volontaire en gilet vert. « Non », me glisse-t-elle dans un clin d'œil, entrouvrant son coupe-vent, pour me montrer sa veste verte en duvet. « Ça doit être parce qu'on est sponsorisé par JSW... » Sur sa doudoune, le sigle du groupe polonais, premier producteur à charbon de l'Union européenne et grand sponsor de la COP24.

L'ÉTAT DES NÉGOCIATIONS : GROS NUAGES EN VUE


La manifestation pour le climat à Katowice.

Alors que les ministres commencent à débarquer depuis dimanche - journée de repos pour la COP, il n'est pas inutile de faire le point sur l'état des négociations. Pendant une semaine, les délégués mandatés par les 196 États signataires de l'Accord de Paris ont planché sur le fameux « rule book » de l'accord de 2015. L'accord de Paris, c'est un peu comme un médicament : on sait à peu près à quoi il sert, quelle douleur il peut atténuer, quels en sont les principes actifs, seulement il vous faut une notice pour en connaître précisément la posologie, le mode d'administration, les contre-indications... Eh bien, le rule book, c'est un peu cette notice.

Les travaux pour l'élaborer ont débuté il y a trois ans, juste après la COP21 et, si tout va bien, ils doivent s'achever à Katowice. Au début de la COP, il y a une semaine, la notice faisait encore quelque 300 pages. Samedi soir, elle n'en faisait plus qu'une centaine, les négociateurs étant parvenus à trouver un consensus sur un certain nombre de questions. Sur ces 100 pages, toute une ribambelle de crochets. En effet, à chaque fois que les négociateurs tombent sur un point sensible, qu'ils ne peuvent trancher de manière technique, ils intègrent un crochet qui fera l'objet d'un débat entre les ministres. Moins il y a de crochets, plus on est près d'un accord.

À partir de lundi, « les négociations seront entre les mains des ministres », a dit samedi l'Autrichien Helmut Hojesky lors d'un point presse organisé par l'Union européenne. « On a fait de beaux progrès, mais on n'y est pas encore ».

Parmi les questions les plus sensibles qui devront être tranchées en deuxième semaine, celle des financements. Les pays développés se sont en effet engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an à l'horizon 2020 pour l'adaptation aux changements climatiques des pays les plus vulnérables. Mais aujourd'hui, le compte n'y est pas. Par ailleurs, ce que couvrent précisément les financements climat reste à définir, car chacun y met un peu ce qu'il veut.

Sous-dossier du financement : la question des « pertes et préjudices », en d'autres termes les dommages irrécupérables dus à l'impact du changement climatique (pertes de revenus causées par la destruction d'une récolte, perte en vies humaines après un ouragan...). Les pays les plus durement touchés sont souvent les plus pauvres et on comprend qu'ils souhaitent pouvoir être indemnisés de ces pertes causées par un changement climatique dont ils sont bien moins responsables que les pays développés. Curieusement, les pays riches sont peu enclins à vouloir intégrer ces préjudices. Ils jugent que cela doit être inclus dans le volet « Adaptation au changement climatique » et ne doit pas générer d'autres financements.

Une autre bataille pourrait se livrer sur les « délais communs ». En effet, l'Accord de Paris n'a pas précisé sur quelle durée les États devaient prendre des engagements (NDC) de réduction de leurs émissions. Certains pays sont partis sur cinq ans, d'autres sur dix. Or il sera impossible de comparer les efforts de chacun si tous ne partagent pas le même horizon temporel. Les États sont très divisés sur cette question, au point que certains recommandent de repousser ce volet aux calendes grecques...

Autre point qui fâche : la façon dont sera reflété  le rapport du Giec sur les 1,5 °C dans le texte qui sera adopté par les États à la fin de la COP. Il y a trois options : soit ils le passent sous silence, et alors, de l'avis de toutes les ONG, « c'est un désastre ». Cela donnerait au monde un message extrêmement négatif si la COP, qui a commandé ce rapport - ce qui était une première - faisait finalement comme s'il n'existait pas. Deuxième option : les États rédigent une déclaration, peu engageante politiquement. Troisième option, ils optent pour une décision, plus ambitieuse.

Tout se jouera sur les mots qui seront choisis dans ce satané texte : les États parties à la COP se contenteront-ils de « prendre note » du rapport, ou préféreront-ils l'« accueillir » ? Cela vous paraît peut-être vétilleux, mais dans le monde des COP, c'est un enjeu énorme. L'Arabie Saoudite, qui s'est fait remarquer cette semaine en contestant allègrement le travail du GIEC, a déjà fait savoir qu'elle bloquerait toute option ambitieuse. Avec dans son sillage, deux autres grands producteurs d'énergies fossiles, la Russie et les États-Unis...

Autres grands oubliés à ce stade : les droits humains, qui ne sont pas mentionnés une seule fois dans le rule book. « Dans les discussions qui ont eu lieu cette semaine, la dimension sociale a été systématiquement éliminée du texte », dénonce Sébastien Duyck, de l'organisation environnementale CIEL. Un comble alors qu'on célèbre ce lundi les 70 ans de la Déclaration onusienne des droits de l'Homme.

Ces points d'achoppement ne sont que des exemples. Mais tous semblent annoncer de gros accrochages dans les jours qui viennent. D'autant que l'ambition ne semble pas l'attribut le mieux partagé : à ce jour, seuls quelques pays comme le Canada, le Vietnam, les Fidji ou la Jamaïque ont annoncé qu'ils allaient réviser leurs NDC à la hausse. Les autres sont aux abonnés absents.

Durant cette deuxième semaine, la présidence polonaise, incarnée par Michal Kurtyka, va devoir faire ses preuves. Jusqu'ici, elle est restée très en retrait, ne s'investissant guère. Désormais, elle va devoir prendre position : jouera-t-elle les facilitateurs, ou au contraire, elle qui a réaffirmé qu'elle ne quitterait pas le charbon de si tôt, mettra-t-elle en péril les négociations ? Peut-être Michal Kurtyka prendra-t-il conseil auprès de Laurent Fabius, l'un des artisans de l'Accord de Paris, dont la venue à la COP vient d'être annoncée pour lundi.

Et quid de l'Union européenne, qui se gargarise d'être à la pointe de la lutte climatique ? Pour Sébastien Duyck, durant cette première semaine, « l'UE s'est rarement montrée leader sur un sujet en particulier ». Et pour cause, il faudrait déjà qu'elle puisse s'accorder sur une position commune entre ses 28 membres. Un défi d'autant plus ardu qu'en ce moment, remarque l'activiste, « les pays forts ont tous des problèmes de leadership ». Manifestement, « ni l'Allemagne, ni la France ne sont prêtes à monter au créneau. »

 Vendredi 7 décembre : Alerte à la climatisation


Des petits mots d'amour au pavillon indonésien.

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