par Thierry Meyssan
Nous reprenons ici l'éditorial d'Al-Watan dans lequel Thierry Meyssan présente aux lecteurs syriens le retrait des troupes US de leur pays. Cet article comprend plusieurs informations qui ont été ignorées par les médias occidentaux et éclairent la manière dont la décision a été prise par le président Trump, avec ses alliés saoudiens et qataris, et ses partenaires russes.
Réseau Voltaire | Damas (Syrie) | 8 janvier 2019
La Syrie était transformée en champ de bataille pour les nations du monde entier. Les États-Unis et la Russie s'y faisaient face. Le 20 décembre 2018, Washington a décidé de se retirer sans compensation.
Cette date comptera dans l'histoire du monde comme la plus importante depuis le 26 décembre 1991 (dissolution de l'URSS). Durant 27 ans, le monde était unipolaire. Les États-Unis étaient la première puissance économique et militaire. Ils étaient les seuls maîtres des événements.
Il y a trois ans, ils ont perdu leur statut économique et ont été dépassés par la Chine. Puis, ils ont perdu leur statut de première puissance militaire conventionnelle face à la Russie. Ils viennent de perdre celle de première puissance militaire nucléaire face aux armes hypersoniques russes.
Le président Trump et le général Mattis ont tenu leurs promesses de retirer le soutien de leur pays aux jihadistes, ainsi que celle de retirer leurs troupes de combat aussi bien de Syrie que d'Afghanistan. Cependant pour Mattis, la fin de de la Coalition anti-Daesh réunissant 73 nations autour des États-Unis préfigure la dissolution de l'Otan. En tant que soldat, il ne peut accepter le risque d'être privé d'alliances. Au contraire, le président Trump affirme que la chute des États-Unis ne permet plus de mener quelque guerre que ce soit. Selon lui, il est impossible de continuer de commander les alliés et urgent de redresser l'économie US.
La décision du président Trump a été mûrement réfléchie.
Elle fait suite au voyage à Damas du vice-Premier ministre russe Youri Borissov. Il dirige dans son pays le complexe militaro-industriel. Il dispose pour cela d'un budget spécial qui échappe à tout contrôle occidental et ne figure pas au budget officiel de l'État. Il est convenu des conditions de la reconstruction et des relations économiques à venir, uniquement en roubles et à partir d'une banque spéciale, hors du dollar.
Cette décision fait également suite au voyage à Damas d'un chef d'État arabe, Omar el-Bachir. Le président du Soudan représentait à la fois ses homologues états-unien, saoudien et qatari. Dès qu'il a rendu compte au président Trump de son entretien avec le président Bachar el-Assad, l'annonce a été faite du retrait militaire US.
Un plan de réintégration des combattants kurde dans l'armée arabe syrienne a été évoqué avec l'aide de l'Iran. Il passerait par une intervention de la principale milice chiite iraquienne.
Simultanément, le deal du siècle n'a pas été annoncé, mais il est déjà mis en oeuvre. Le Hamas ne combat plus Israël, mais est désormais financé par lui, via le Qatar. La monarchie hachémite devra accepter de régner sur les Palestiniens au risque d'être renversée par eux. Le régime d'apartheid de Tel-Aviv devrait connaître dans les prochaines années le même sort que celui de Prétoria.
Le monde n'évolue pas comme nous l'avions pensé : d'un système unipolaire à un système multipolaire. Certes, il existe d'un côté l'union eurasiatique russo-chinoise, mais il n'y a plus d'Occident. Soudainement, chaque État de l'Otan retrouve son indépendance. Il est probable que certains vont prendre des initiatives, persuadés de savoir ce qu'ils doivent faire. Il est possible même qu'ils se livrent à nouveau des guerres entre eux.
Tout ce que nous avons appris du monde est fini. Une nouvelle ère commence.