14/01/2019 reseauinternational.net  9min #150754

 Gilets jaunes : un ancien champion de boxe fait reculer les gendarmes à coups de poings (Video)

Gilets Jaunes : la mise politique en détention provisoire de Christophe Dettinger

Christophe Dettinger, après s’être rendu à la police et avoir regretté publiquement les coups portés aux forces de l’ordre qui tabassaient des Gilets Jaunes à terre, le gazage et les grenades de désencerclement n’ayant pas été suffisants pour faire reculer la foule, il a été immédiatement placé en détention provisoire par décision du tribunal correctionnel. Si juridiquement la décision est plus que surprenante et semble emporter un renversement du principe de liberté au profit de celui de la répression, stratégiquement elle s’explique tout à fait : au-delà des grands discours bisounours d’un monde merveilleux sans violence, historiquement seule la violence a jamais permis d’inverser un cours politique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle est réhabilitée pour les forces de l’ordre,  non pas pour défendre l’Etat, mais le cours politique anti-étatique radicalisé par le régime de Macron.

Les systèmes juridiques libéraux sont caractérisés par le principe de liberté. Toute atteinte qui lui est portée ne peut être qu’exceptionnelle et juridiquement justifiée. Tel est, en tout cas, le postulat théorique. Ainsi,  l’article 144 du Code de procédure pénale souligne bien le caractère dérogatoire de la mise en détention provisoire, uniquement si toute autre mesure moins restrictive comme le contrôle judiciaire ou l’assignation à résidence avec bracelet électronique, ne peut permettre de garantir la protection des preuves, des témoins, d’éviter que les complices ne s’entendent, ou à l’inverse en vue de la protection de la personne mise en examen, pour empêcher qu’elle ne se défile et n’échappe à la justice ou, enfin, qu’elle ne réitère les faits litigieux. Le dernier élément, mettre fin à un trouble grave et persistant à l’ordre public n’est pas ici applicable, car il ne concerne pas le correctionnel (les délits).

En réfléchissant à ces éléments, la mise en détention provisoire de  Christophe Dettinger est quelque peu … surprenante, du point de vue juridique. Le magistrat a estimé qu’un contrôle judiciaire ou une assignation à domicile n’était pas suffisant pour empêcher 1) qu’il n’échappe à la justice et 2) qu’il ne répète les faits.

Or, il s’est lui-même présenté à la police, certes deux jours après, mais il n’a pas été nécessaire de le rechercher. Il n’a pas été en fuite, il était avec sa famille, il n’a pas quitté son emploi à la mairie. Il n’y a donc aucun élément qui laisse entendre que Christophe Dettinger ait voulu se soustraire à la justice.

En ce qui concerne la réitération des faits, il a présenté ses excuses au tribunal, il a regretté comme il se doit le recours à la violence contre les forces de l’ordre. Par ailleurs, il a expliqué son acte par la révolte de voir un homme et une femme à terre se faire tabasser. Christophe Dettinger n’est pas une petite crapule, qui aime à jouer des poings après avoir arrêté la boxe. C’est un père de famille, qui n’a jamais eu de problèmes avec la justice, qui travaille dans les services municipaux. Il vit sa vie tranquillement. Mais n’a pas aimé l’injustice et a défendu le faible contre le fort.

Le juge, sans grande surprise, a suivi à la lettre le procureur, qui ne voulait pas du contrôle judiciaire, mais exigeait le placement en détention provisoire, puisque lors de sa garde à vue (par la police) Christophe Dettinger a refusé de s’expliquer sur les faits … Si réellement un procureur de la république a pu avancer une telle argumentation, le niveau de la justice a sombré dans les méandres du politique. Rappelons, quand même, cette règle processuelle venue des Etats-Unis, les Miranda Rights, introduite en France sous la notion de  droit de garder le silence en 2000, qui s’impose dès le début de la garde à vue. Rappelons également que, en conséquence de cela, le droit français a consacré, toujours dans la logique américaine, le droit de ne pas s’incriminer dès la garde à vue (et d’être averti de ce droit), c’est-à-dire de ne pas donner des éléments pouvant être utilisés contre soi. Or :

 Conformémentaux réquisitions du parquet, le tribunal correctionnel a toutefois ordonné son placement en détention provisoire afin d’«empêcher la réitération des faits et une soustraction à la justice», le prévenu ayant refusé en garde à vue «de s’expliquer sur les raisons de sa fuite».

L’argumentation du procureur, repris par le magistrat, au regard du droit français en vigueur, surprend. Si parce qu’un individu ne s’explique pas devant les policiers, mais devant le magistrat, il faut le placer en détention provisoire, alors il serait souhaitable de modifier le Code de procédure pénale …

L’absurdité juridique de la situation oblige à voir cette mise en détention sous un autre angle, la question devenue très sensible du recours à la violence. D’un côté, toute violence est bannie dans notre société, ce culte du non-violent est très récent mais bien ancré, et chacun de s’excuser d’avoir eu un accès (humain) de violence, une réaction de ras-le-bol. De s’excuser de n’avoir pas pris sa dose quotidienne de Lexomil, de ne pas l’avoir augmentée, pour voir comme le monde est beau, gentil, peuplé de bisounours tous doux et plein de calinoux. Les révolutions doivent alors se faire en fleurs et en bonbon – pour ne pas se faire. Pour que finalement rien ne change. Et, à ce jour, ça marche.

D’un autre côté, le recours à la violence par les forces de l’ordre s’intensifie sans cesse, car dans le monde réel, pas celui des bisounours, il est évident que seule la violence permet de maintenir en place un système idéologique minoritaire – ou de le faire tomber.

Les canons à eau sont réhabilités et ne discutent même pas. En hiver, parfois contre une petite poignée de manifestants. Les tirs de flash ball à hauteur de visage – normal. Frapper les gens à terre, les coincer contre les murs et frapper – normal. Lancer des grenades de désencerclement non pas en les faisant rouler à terre, mais en les lançant en l’air pour qu’elles retombent dans la foule – normal. Le gazage systématique – normal. Les aérosols que les policiers pulvérisent sur les visages des manifestants, comme on arrose les insectes dont on veut se débarrasser – normal.

La police est en légitime défense. Perpétuelle. A priori en légitime défense, car a priori lancée contre le peuple. Et d’une certaine manière, c’est vrai. Seulement, cela n’a rien à voir avec la légitime défense dans le sens juridique du terme, qui obligerait les policiers, au cas par cas, à recourir à ces moyens techniques uniquement pour se défendre. Or, usage en est fait de manière offensive. L’attitude est agressive. Et cela n’a rien à voir avec le rôle de la police, du maintien de l’ordre, de la protection de l’Etat. Les ordres donnés déshonorent les forces de l’ordre.  Leur application déshonore les policiers.

Et cette violence-là est acceptée. Expliquée. Normalisée. Le système se défend, il maîtrise le discours et sait parfaitement que seule la violence permet d’obtenir des résultats. C’est pourquoi Christophe Dettinger a dû être écarté immédiatement. Il présente un danger. Car il peut recourir à la violence contre la violence et par là même montrer le caractère illégitime de la violence dirigée contre un peuple désarmé et le fait même de cette violence. Mais étrangement, l’on ne retrouve pas les casseurs professionnels, ni la racaille sur le banc des accusés, car eux ne représentent aucun danger pour le système. Ils sont même très utiles pour tenter de justifier la réaction disproportionnée de la police. Pour discréditer la violence du côté des manifestants et la réhabiliter du côté du régime. Un régime qui se maintient grâce à ce mythe de la non-violence.

Karine Bechet-Golovko

source: russiepolitics.blogspot.com

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