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La dette, cheval de Troie d'une guerre sociale sans précédent contre les peuples, n'est nullement neutre du point de vue du genre. Bien au contraire, elle constitue un obstacle colossal à l'égalité entre les hommes et les femmes à l'échelle mondiale. Les mesures macroéconomiques qui lui sont associées sont sexuées autant dans leurs caractéristiques que dans leurs effets. Partout, elles s'abattent sur les salariéEs, les retraitéEs, les chômeurs/euses, les « sans » de tous ordre (sans logement, sans papier, sans minimum vital,...) pour leur faire payer les effets d'une crise profonde dont ils et elles ne sont en rien responsables. Partout, elles imposent les pires régressions sociales aux populations les plus fragilisées les plus pauvres, et donc majoritairement aux femmes, tout en épargnant les responsables de la crise que sont les institutions financières. Parmi ces femmes, les plus vulnérables (cf. : les mères célibataires, les femmes jeunes, âgées, migrantes, sans emploi, les femmes provenant d'une minorité ethnique, du milieu rural ou encore ayant été victimes de violences) sont les plus pressurisées pour voler au secours des profiteurs de la dette. Privatisations, libéralisations, restrictions budgétaires au menu des politiques de la dette sabrent les droits sociaux des femmes, accentuent leur pauvreté, durcissent et aggravent les inégalités entre les sexes et sapent les acquis féministes. Le CADTM à l'instar d'autres mouvements sociaux développe une analyse genrée de l'austérité et à la plaisir de relayer ici la contribution de la Commission d'ATTAC Genre.
Depuis deux mois, le mouvement des « Gilets jaunes » a mis dans le débat public les thèmes de justice fiscale, de justice sociale, de justice climatique et de démocratie. Il a permis d'associer le combat « contre les fins de mois et la fin du monde ». Plusieurs analyses ont souligné la présence massive de femmes dans les mobilisations : certaines ont même qualifié ce phénomène de « nouveauté ». Mais les femmes ont toujours été présentes dans les mouvements sociaux pour revendiquer leurs droits, lors de la Révolution française, la Commune, jusqu'à, plus récemment, la contestation contre les politiques d'austérité, les réformes des retraites ou les lois Travail. Leur présence a été invisibilisée, mais elles ont toujours été parties prenantes de ces mouvements. Comment s'étonner aujourd'hui de leur mobilisation quand elles sont les premières touchées par le manque de services publics, la suppression ou la diminution des politiques redistributives, le trop bas niveau des salaires et la précarité ?
Nous participons et soutenons le mouvement des Gilets jaunes, nombre de leurs revendications nous concernent au plus haut point, car les femmes sont encore aujourd'hui majoritaires parmi les plus précaires. Voici ces propositions, non exhaustives, complétées pour inclure les revendications des femmes.
Smic à 1300 euros net : les femmes représentent près des deux tiers des salarié·es au SMIC, alors qu'elles ne sont que 42 % de l'ensemble des salarié·es. Les personnes à temps partiel sont surreprésentées parmi les smicard·es, et ce sont les femmes qui occupent à 80 % les emplois à temps partiel, souvent subis. La hausse du SMIC est indispensable et elle bénéficiera de fait en majorité aux femmes, et elle réduira mécaniquement les inégalités de salaire entre les sexes.
Pas de retraite par points : la logique d'un système par points - ce qui est le projet du gouvernement - vise à ce que la pension perçue par une personne pendant sa retraite reflète au mieux la somme des cotisations versées au cours de sa carrière. La pension reflète alors la totalité des salaires perçus (et non plus les 25 meilleures années de salaires comme actuellement dans le régime général, ou les six derniers mois dans la fonction publique). Dans un tel système, les personnes aux carrières courtes, avec des périodes de chômage ou avec des bas salaires, qui sont très majoritairement des femmes, auraient peu de points et des pensions plus faibles. Il y a beaucoup moins de dispositifs de solidarité dans les systèmes par points (ce qu'on constate dans les régimes complémentaires actuels du secteur privé qui fonctionnent tous par points), et donc bien moins de redistribution envers les faibles pensions. Nous refusons la retraite par points. Notre système de retraite actuel par annuités peut et doit être amélioré pour assurer la redistribution nécessaire, afin de garantir une pension suffisante à toute personne. En particulier, par l'instauration d'un niveau minimum de pension.
Pas de retraite en dessous de 1200 euros nets pour une carrière complète : les femmes touchent en moyenne une pension brute de droit direct de 1065 euros par mois, contre 1739 euros pour les hommes. Soit 39 % de moins ! (L'écart de pension est même systématiquement plus fort dans les régimes complémentaires fonctionnant par points). La retraite ne fait donc pas que simplement refléter les inégalités de salaires, elle les amplifie, puisque l'écart sur les salaires est de fait plus faible (26 %) ! L'instauration d'un minimum de pension est indispensable, ce sera utile non seulement pour augmenter les pensions les plus faibles - qui sont en majorité celles des femmes - mais aussi pour réduire les inégalités entre les sexes.
- Fin des politiques d'austérité : les politiques d'austérité ont des effets très négatifs sur les couches populaires et sur les personnes les plus précaires. Or les femmes sont majoritaires dans la précarité. Ces politiques signifient la baisse des dépenses publiques, qui passe par des coupes dans les budgets des services publics et dans les prestations sociales, et des baisses d'effectifs et de rémunérations dans le secteur public. Les femmes sont doublement touchées : en tant qu'employées, car le secteur public emploie en majorité des femmes, et en tant qu'usagères de ces services, car ce sont elles qui assument le rôle de responsables principales de la famille, avec la prise en charge des enfants et des personnes dépendantes. Les femmes sont alors contraintes d'assumer tout ce qui n'est plus pris en charge par la collectivité, ce qui se fait au détriment de leur emploi et de leur autonomie financière. Il est pourtant possible de mettre fin aux politiques d'austérité en renforçant les ressources publiques. Dans les dernières décennies, la baisse des recettes fiscales de l'État liées à la plus faible taxation des hauts revenus, aux cadeaux faits aux grandes entreprises (notamment, en 2019, les 40 milliards du CICE et des allègements de cotisations) et, plus récemment, à la suppression de l'ISF et à la diminution de l'impôt sur les revenus du capital (soumis seulement à la flat tax de 30 %) prive la puissance publique des ressources nécessaires pour l'amélioration et le développement de services publics de qualité sur tout le territoire.
Réforme pour une fiscalité plus juste pour augmenter les ressources publiques, notamment par le rétablissement de l'ISF, le renforcement de la progressivité de l'impôt sur le revenu, avec l'intégration de nouvelles tranches supérieures dans le barème, la taxation des revenus du capital au moins au même niveau que celle sur revenus du travail. Remise en question du mode d'imposition conjointe des couples, qui défavorise toutes les femmes ayant des revenus inférieurs à ceux de leur conjoint (ce qui est le cas majoritaire), et passage à un mode d'imposition séparée, le seul qui reconnaisse la pleine citoyenneté des femmes.
Développement et amélioration des services publics, en particulier les services de proximité (hôpitaux, crèches, maternités, services auprès des personnes dépendantes, centres d'IVG...) qui sont indispensables pour alléger les responsabilités que les femmes assument et ainsi leur permettre d'occuper un emploi, condition de leur autonomie.
Davantage de logements à loyer modéré, notamment pour les familles monoparentales qui sont le plus souvent des femmes en situation de précarité. Les femmes représentent en effet 85 % des familles monoparentales.
Revalorisation des métiers à dominante féminine dans les services aux personnes, le travail social, la santé, le nettoyage, qui sont des secteurs où les emplois sont sous-rémunérés, les qualifications n'étant pas reconnues, alors que ce sont des métiers essentiels au fonctionnement et au bien-être de la société.
Source : blogs.attac.org