23/04/2019 histoireetsociete.wordpress.com  12 min #155224

Notre-Dame : pourquoi la générosité des milliardaires et des multinationales pose question

Telerama : Notre-Dame de Paris, à la croisée de nos « racines chrétiennes » et capitalistes

savoureux et bien au-dessous de ce qu'on subit tous les jours... Moi je ne les supporte plus, j'ai trouvé la solution, je regarde le canal 550 ou la chaîne chinoise en Français et hier j'ai eu droit à Raffarin expliquant pourquoi seuls les Chinois avaient la solution pacifique et de développement avec leur route de la soie... D'ailleurs il convenait que l'Europe était africaine (note de danielle Bleitrach)

 Samuel Gontier

Indécente, déplacée, mesquine, lamentable... Les experts de LCI n'apprécient guère la "polémique" suscitée par les dons faramineux des milliardaires et des multinationales pour la rénovation de Notre-Dame. Une polémique qui révèle les maux franchouillards, marxistes et archaïques dont souffre notre pays.

« Le feu, c'est aussi la purification », rappelle Isabelle de Gaulmyn, de La Croix, mardi à C dans l'air. L'historien Michel Zink abonde, il voit dans l'incendie de Notre-Dame de Paris « une sorte de feu purificateur dans les épreuves d'aujourd'hui ». « Il y a ce côté du feu purificateur assez mystique », convient l'architecte Marie-Amélie Tek. Un mysticisme qui gagne tous les plateaux.

Jérôme Béglé, du Point, s'extasie devant « une procession vers Notre-Dame » retransmise sur CNews. « Ça fait du bien de voir qu'on peut traverser Paris sans casser des vitrines et pousser des jurons à tous les coins de rue. » La preuve est faite, les Gilets jaunes ne sont pas très catholiques. « Les gens se disent que si l'Eglise était plus moderne, ça marcherait mieux, déplore Jean-Sébastien Ferjou, d'Atlantico. Eh bien non, les seules communautés qui réussissent à réunir des gens sont un peu plus traditionnelles. » « Le problème, c'est l'unité de nos sociétés, désespère Henri Guaino, exhumé par LCI. Quand les sociétés sont trop divisées, elles refont leur unité dans le sacrifice sanglant, la persécution, la violence. »

Alleluia, Notre-Dame a brûlé, Franck Louvrier peut célébrer sur LCI l'unité retrouvée : « Il fallait un moment d'unité dans ce pays et, là, il y en a un tel qu'il n'en existait pas depuis des semaines. Ça confirme que la France a des racines chrétiennes. On est réveillé par nos racines et elles sont chrétiennes. » Et elles brûlent très bien.

« Pour les catholiques non pratiquants, cet événement est un réveil, certifie Gérard Carreyrou, mercredi matin sur CNews. Chez ces gens-là, qui sont des millions, qui étaient inquiets de la crise de l'Eglise... » « La crise de la société, et de la civilisation françaises », précise Pascal Praud. «... Les gens se rattachent au symbole d'une France éternelle. Il y a un réveil et un renouveau. » Spirituel mais surtout télévisuel. « L'Eglise incarne aujourd'hui la France d'hier, complète Pascal Praud, et c'est là que les gens peuvent se retrouver au moment où ils ont peur de perdre leur identité. » Menacée par le grand remplacement. Comme disait Alain Marschall sur BFMTV : « Notre-Dame, elle a bon dos pour être instrumentalisée. »

Et pour susciter les « polémiques ». Polémique sur le concours d'architecture lancé pour remplacer la flèche. Polémique sur la durée du chantier annoncée par Emmanuel Macron. « Les Chinois font des centrales nucléaires en quelques mois, rappelle Christophe Barbier sur BFMTV, on doit pouvoir reconstruire Notre-Dame en cinq ans. » Bonne idée. Remplaçons la toiture de la cathédrale par un EPR (avec une tour de refroidissement en guise de flèche), c'est le meilleur moyen d'allier rapidité, qualité esthétique et transition énergétique.

La polémique la plus vive porte sur « le milliard qui fâche », selon le titre de LCI. David Pujadas développe : « Les dons des grandes fortunes et des grandes entreprises sont critiqués par une partie de la gauche. » Pour preuve, les récriminations de Philippe Martinez, de la CGT, pour qui cette générosité valide le slogan des manifs : « De l'argent / Il y en a / Dans les poches du patronat ! »

Le présentateur de 24h Pujadas soumet une de ces (fausses) alternatives dont il a le secret. « Alors, interrogation légitime ou paradoxe bien français ? » S'il est « bien français », ça doit être un paradoxe puisque nous sommes en France, aussi légitime soit l'interrogation. Un journaliste vient faire le point sur la « course inédite aux dons », égrène les centaines et les dizaines de Pinault, Arnault et consorts. « Martin Bouygues a annoncé un don personnel de 10 millions d'euros. » Tiens, Martin Bouygues. Ce ne serait pas le propriétaire de LCI ?

Laurent Wauquiez, lui, offre 2 millions d'euros. Ou plutôt, il fait offrir par le conseil régional dont il est président. Sans doute n'a-t-il pas assez de monuments du patrimoine à restaurer en Auvergne-Rhône-Alpes. Viennent ensuite les dons en nature. « Air France propose des billets d'avion gratuit pour toutes les personnes qui viendront reconstruire. » EDF promet un EPR sur chaque cathédrale pour en renforcer la charpente avec des  soudures certifiées par l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire).

Comment ne pas être ému par tant de générosité ? « Je trouve les critiques déplacées », condamne Sophie Coignard, du Point dont, c'est un hasard, le propriétaire s'appelle François Pinault. « On était dans l'émotion et la récupération de Philippe Martinez me semble un peu hâtive. » D'ailleurs, elle a donné combien, la CGT ? « On a tout de suite les repoussoirs bien français pour ne pas dire franchouillards. » Pour ne pas dire archaïques. « Dire : "C'est horrible, cette américanisation"... C'est peut-être horrible mais le mécénat a permis de grandes choses. » Que l'État ne fait plus, le budget dédié au patrimoine étant passé  de 440 millions à 332 millions d'euros en dix ans. « Dans ce cas-là, on peut dire : supprimons le budget du ministère de la Culture tant qu'il y a des gens qui sont SDF. » Aucun rapport. Le budget de la culture est alimenté par l'impôt, pas par les dons de bons samaritains du classement Forbes.

« Qu'ils payent déjà leurs impôts », dit Manon Aubry (LFI) dans une interview diffusée par David Pujadas. « Je trouve cette polémique indécente, mesquine, dénonce Yvan Rioufol, du Figaro. Et révélatrice de cet esprit français que je déteste, c'est la récurrence de la lutte des classes... » Beurk. «... Portée maintenant par la gauche la plus archaïque. » Pour ne pas dire la plus franchouillarde. « Il devient odieux d'opposer encore les salauds de riches aux pauvres. Ce sont deux sujets totalement différents. » Pas du tout, ils sont liés : plus les riches sont riches, plus leurs millions ruissellent sur les pauvres et sur leurs cathédrales, à ce qu'il paraît. « Il ne s'agit pas d'aider des pierres, mais d'aider à retrouver une mémoire, à retrouver des racines, une civilisation. » Ah oui, j'oubliais. Réveiller les racines chrétiennes du Renouveau national.

« Je suis courroucé par la sottise de cette gauche-là », conclut Yvan Rioufol, vraiment très fâché. Serge Raffy lui explique : « Les gens qui sont focalisés sur un seul regard, forcément, ils répètent toujours la même chose. » L'éditorialiste de L'Obs, lui, démultiplie son regard pour ne pas se répéter. « Cette vague de soutien, c'est formidable ! » Tout le monde est d'accord, alors.

« François Pinault était il y a quelques semaines à Guernesey pour inaugurer le musée Victor Hugo, il a payé 3,5 millions d'euros de sa poche, admire Serge Raffy. Si la famille Pinault a réagi si vite, c'est parce qu'elle est impliquée culturellement. »Pas comme Jojo le gilet jaune. « Ce sont des gens qui ont aussi un cœur, qui ont une âme, une culture. » Et quelques milliards de côté. « Il faut applaudir tout ça. » Et chanter la gloire de ces bienfaiteurs. « Si, en 2003, Jean-Jacques Aillagon a fait voter cette loi sur le mécénat, c'est pas par hasard. » C'était pour offrir une nouvelle niche fiscales aux entreprises et aux plus aisés. Et pour habituer à ce que l'entretien du patrimoine relève de la charité.

« Je trouve cette polémique absolument détestable, minable, lamentable et hors-sujet », s'indigne Arlette Chabot une heure plus tard dans son « parti-pris ». « Ça donne une idée du climat en France. Si les riches ne donnent pas, c'est des salauds et, s'ils donnent, ce sont des salopards. C'est quand même assez étrange. »Les Français sont ingrats. « Or le mécénat est indispensable dans ce pays. » J'avais compris. « Par exemple, François Pinault a inauguré il y a quelques semaines ma maison de Victor Hugo à Guernesey, il a donné 3 millions d'euros. » 3,5 millions, disait Serge Raffy. A ce détail près, Arlette Chabot pourrait être éditorialise à L'Obs. « D'ailleurs, quand il a entendu l'incendie de Notre-Dame, il s'est dit : "Il faut tout de suite participer." » Parce qu'il est impliqué culturellement.

David Pujadas rediffuse le franchouillard Philippe Martinez (« Il y a de l'argent dans ce pays ») et l'archaïque Manon Aubry (« Qu'ils payent leurs impôts »). Arlette Chabot réapparaît. « D'abord, il faut rappeler que les entreprises paient des impôts. Mais c'est pas le sujet. » Puisque je l'ai décidé. « Quant aux gilets jaunes, ils n'attendent pas de vivre de la charité. » Non, ils réclament de la justice. « Et moi, je fais une proposition aux gilets jaunes. » Ça tombe bien, je suis sûr que les Gilets jaunes attendent tous une proposition d'Arlette Chabot. « Samedi, ils vont manifester. Que chacun mette un euro pour la reconstruction de Notre-Dame. Tout le monde se sentira plus proche d'eux. » Que les plus modestes suivent l'exemple de son patron, et Arlette Chabot se sentira plus proche d'eux.

Vincent Hervouët, autre éditorialiste maison, reprend vivement sa collègue : « Vous ne pouvez pas comparer la maison de Victor Hugo à Guernesey et Notre-Dame ! Parce que Notre-Dame, ainsi que toutes les églises de France, ont été volées à l'Église de France il y a un siècle, c'est la loi de 1905. L'État a accaparé ces richesses avec la charge de les entretenir, ces biens dont l'État a spolié l'Église. »Méchant Etat, voleur, spoliateur, accapareur. Aujourd'hui, après le terribe incendie, « la responsabilité de l'État, qui ne fait pas son boulot, qui n'a pas protégé Notre-Dame, est évidente et pose problème ». Je propose d'abroger la loi de 1905, que les églises de France soient rendues à l'Eglise, la protection divine les préservera de tous les fléaux.

Pour Christophe Jakubyszyn, troisième éditorialiste, les critiques contre la générosité des milliardaires sont le fait d'utopistes. « On peut rêver d'un autre monde. Mais on redécouvre ce qui a toujours fait le moteur de l'histoire : les églises ont été construites par des mécènes, des rois, des princes. » C'est ce que Stéphane Bern nous a appris. « L'accumulation de la richesse, c'est le moteur du monde depuis longtemps et c'est ce qui permet de financer des œuvres qu'un seul être humain ou même une collectivité ne pourrait pas construire seuls. » Sans milliardaires, pas de Pont du Gard ou de Mont-Saint-Michel. « Ce réflexe d'aider qu'ont eu les plus grosses fortunes de France, c'est la redécouverte de notre histoire. » L'occasion de se réapproprier les racines capitalistes de la France.

Il disait quoi, déjà, Alain Marschall ? Ah oui : « Notre-Dame, elle a bon dos pour être instrumentalisée. »

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