par Adeel Abbas Mangi
La récente annonce des États-Unis concernant le Corps des Gardiens de la Révolution Iranienne (IRGC) a changé le cours de l'histoire. Washington a défié les lois et les normes internationales en désignant une armée d'État de jure comme une organisation terroriste.
Le clivage actuel entre Washington et Téhéran remonte à la Révolution Islamique de 1979 et met fin à la politique à deux piliers des États-Unis au Moyen Orient. Cependant, cette escalade peut être réévaluée à travers le prisme de la dynamique régionale et internationale de la realpolitik.
Le 17 février, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a déclaré :
« La diabolisation de mon pays a été une croix opportune pour sept présidents des États-Unis consécutifs et un écran de fumée pour les clients régionaux des États-Unis qui se cachent derrière«.
Il a en outre proclamé que la fin de la politique à deux piliers de Washington après la révolution de Khomeini de 1979 était un « séisme » qui a déformé un pilier de la domination US en Asie de l'Ouest. En outre, Zarif a fait référence à « l'obsession pathologique » de Washington pour l'Iran et a dénoncé les activités israéliennes contre l'intervention iranienne en Syrie comme un « programme belliciste » contre la république islamique.
Dans le passé, l'Iran a été un acteur régional crucial dans les affaires du Moyen-Orient et une puissance résiliente, ayant subi une guerre de 8 ans infligée par le régime du dictateur irakien Saddam Hussein et des sanctions insupportables qui ont paralysé son économie immédiatement après la révolution.
La montée en puissance de l'État Islamique et son programme de massacre de la majorité chiite irakienne, qu'ils considèrent comme des « infidèles », avait fait trembler les rangs de cette communauté victime. En 2014, le grand ayatollah Ali al-Sistani a appelé le grand public irakien à sauver son pays et ses lieux saints d'une attaque imminente par des militants de l'État Islamique. En outre, l'Iran s'est engagé à envoyer sa Force Quds sous le commandement du général Qasim Suleimani pour éliminer l'État Islamique en Syrie et en Irak, ce qui est crucial pour sécuriser ses propres frontières en établissant un bouclier défensif.
La politique étrangère déséquilibrée et pathologique de Washington à l'égard de l'Iran a permis à ce dernier d'accroître son influence au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen. Selon la Fondation Carnegie pour la Paix Internationale :
« L'Iran a naturellement cherché à combler les nombreux vides de pouvoir qui ont émergé dans la région à la suite des invasions US en Afghanistan et en Irak, ainsi que des bouleversements arabes en cours. La culture des légions étrangères chiites a été un élément essentiel de cette stratégie«.
Juste après l'appel de Sistani à combattre l'EI, des légions étrangères chiites de différentes régions ont été formées sous le commandement du Général Suleimani. Le Hezbollah libanais et la Division Fatemiyoun en Afghanistan se sont portés volontaires pour combattre en Syrie afin de protéger la mosquée Sayyida Zaynab, un important lieu de pèlerinage chiite dans les faubourgs de Damas. Ils étaient soutenus par la Brigade pakistanaise de Zainabiyuon et par les Forces de Mobilisation Populaire Irakiennes.
Ces forces ont considérablement réduit la menace posée par l'EI en Syrie et en Irak. Cependant, les tambours de la victoire peuvent être entendus aussi bien du côté des États-Unis que du côté iranien. Le général Suleimani a coordonné la défense de Bagdad, mobilisé les milices chiites et rallié ses nombreux partisans à la législature nationale. Il s'est également rendu dans le Nord pour aider les Kurdes lorsque l'EI a menacé Irbil en août et a rassemblé des troupes et des pilotes iraniens, qui ont été déployés en Irak quelques heures après la déroute de l'EI.
Selon le Wall Street Journal, un nombre important de légions étrangères iraniennes se battent pour le régime syrien contre les terroristes de l' EI et de Takfiri, ce qui est considéré par les responsables US comme une expansion militaire iranienne potentielle dans la région, un développement qui a également suscité de grandes inquiétudes chez d'autres acteurs régionaux comme l'Arabie saoudite et Israël.
On ne peut exclure le fait que l'administration du président Donald Trump se concentre maintenant sur une politique d'endiguement en érigeant un mur de sanctions contre l'économie iranienne et en faisant du tort à l'IRGC iranien en Syrie, le retirant entièrement du territoire syrien, ce qui est conforme aux exigences israéliennes.
Sur la scène internationale, le partenariat stratégique croissant entre la Russie et l'Iran a également eu des répercussions sur les acteurs régionaux et internationaux. L'offre iranienne pour l'acquisition du système de missile russe S-300 pose des défis à l'administration Trump en termes de soutien des alliés européens à l'accord nucléaire iranien P5+1.
La réussite des essais de missiles balistiques de Téhéran est l'une des principales préoccupations de Washington et de ses partenaires alliés au sein du Conseil de coopération du Golfe.
Selon Anthony H. Cordesman :
« Aujourd'hui, les actions de l'administration Trump ont largement réussi à aliéner les alliés européens des États-Unis par le retrait de l'accord nucléaire du JCPOA avec l'Iran. Elles semblent également affaiblir le soutien populaire iranien pour ceux qui passe pour des modérés iraniens - tout en suscitant potentiellement l'hostilité nationaliste populaire iranienne envers les États-Unis«.
Dans l'ensemble, les politiques d'affrontement dans la région instable du Moyen-Orient ne seraient une option bénéfique ni pour Washington ni pour Téhéran ; les deux États doivent donc faire preuve de retenue et formuler une approche propice par des moyens diplomatiques pour atténuer les tensions. Selon Colin P. Clarke et Ariane M. Tabatabai (Rand Corporation) :
« Téhéran se prépare à interpréter la désignation par les États-Unis de l'IRGC comme une attaque et à y répondre et les deux États entrent dans une nouvelle ère de concurrence sur des théâtres stratégiques clés - notamment en Afghanistan, en Irak et en Syrie«.
Source : Is IRGC a terror group or savior of West Asia?
traduit par Pascal, revu par Martha pour Réseau International