14/09/2019 lemonde.fr  5 min #161664

Mort et destruction : c'est le triste héritage de David Koch

Le milliardaire David Koch, soutien financier de la droite américaine, est mort

David Koch à New York, en 2014. Carlo Allegri / REUTERS

Le milliardaire David Koch, qui avait dirigé avec son frère Charles l'une des plus importantes entreprises américaines, née de l'exploitation pétrolière, est mort le 23 août. Il était âgé de 79 ans.

Communiqués laudateurs d'un côté, critiques virulentes de l'autre... La mort de David Koch a ravivé les réactions passionnées que sa longue carrière mêlant les affaires et la politique a toujours suscitées. Il n'en aurait certainement pas été surpris, assumant sans complexe ses convictions libertariennes et son combat pour réduire autant que possible la taille et le pouvoir des gouvernements.

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David Koch naît avec son jumeau William en mai 1940 à Wichita, au Kansas. C'est là que sont également nés leurs deux frères aînés, Frederick et Charles. Leur père, Fred, ingénieur dans le pétrole, y a installé l'entreprise qui a fait sa fortune, à partir d'une invention qui facilite le processus de raffinage, exportée aussi bien dans la jeune Union soviétique que dans l'Allemagne hitlérienne.

Une fratrie divisée en deux camps

Le père élève ses fils dans un esprit de compétition qui finira par détruire une fratrie progressivement divisée en deux camps. Après la mort de leur père en 1967, Charles et David prennent en effet le contrôle de l'entreprise familiale, transformée en un gigantesque conglomérat. En 1983, Frederick et William passent à l'offensive en les accusant de spoliation. Une longue guérilla judiciaire s'ensuit. Elle ne trouvera son épilogue qu'en 1998, aux dépens des plaignants.

Entre-temps, un partage des rôles s'est installé entre Charles et David. Aussi extraverti que Charles est secret et reclus à Wichita, David a décidé de s'installer à New York pour profiter de tout son lustre. De galas en dîners mondains, il devient la figure publique d'un tandem qui partage en revanche les mêmes convictions politiques et surtout l'aversion contre le poids de l'Etat fédéral. En 1980, David est d'ailleurs candidat à la vice-présidence des Etats-Unis aux côtés du candidat du Parti libertarien Ed Clark, pour un score très confidentiel conforme à la notoriété de cette petite formation.

La déroute anticipée ne détourne pas les frères Koch de la politique, bien au contraire. Patiemment, le duo tisse sa toile et finance les candidats prêts à défendre leurs idées. David Koch, libéral sur les questions de société telles que l'avortement ou le mariage gay, ne peut se retrouver dans la guerre culturelle conduite par l'aile droite du Grand Old Party.

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Le réseau de donateurs qu'il met sur pied avec son frère, Americans for Prosperity, deviendra le deuxième en puissance de feu, après celui du Parti républicain, à la faveur de la décision de la Cour suprême, en 2010, quiouvre toutes grandesles vannes de l'argent en politique. L'influence réelle ou fantasmée du tandem est telle que l'attention qu'il attire à la veille de l'élection présidentielle de 2016 va masquer initialement l'irruption de Donald Trump.

Volonté implacable de déréguler

Les deux frères et le magnat de l'immobilier partagent des convictions communes : une volonté implacable de déréguler, de la défiance envers les syndicatset l'absence de préoccupation environnementale. Charles et David Koch se sont notamment illustrés dans leur lutte acharnée contre toute forme d'organisation des transports urbains, perçue comme les prémices d'une forme sournoise d'étatisme.

Mais le bréviaire singulier de Donald Trump, républicain hostile au libre-échange, indifférent à la dette publique et à la taille de l'Etat fédéral dès lors qu'il est à la tête de l'exécutif, pousse progressivement les deux frères à prendre leurs distances. Ils ne pèsent de tout leur poids sur l'administration Trump que pour parvenir à une réforme de la politique pénale responsable de l'incarcération de masse en vigueur depuis plus de deux décennies.

Rattrapé par la maladie, un cancer à la prostate, David Koch quitte ses fonctions au sein du groupe familial en 2018. Un accident d'avion meurtrier dont il avait réchappé miraculeusement, en 1991, l'avait convaincu d'ajouter à ses activités celle de philanthrope, au profit de grandes institutions culturelles new-yorkaises qu'il fréquentait avec assiduité, comme pour le bénéfice de la recherche médicale.

 Gilles Paris (Washington, correspondant)

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