Comment Israël contribue à la répression des populations autochtones mapuches au Chili, en fournissant au gouvernement de ce pays armements et formations. "La criminalisation de la résistance mapuche par le Chili peut être comparée à la répression de la résistance palestinienne par Israël", écrit Ramona Wadi sur le site orientxxi.info. Voici des extraits de cet article très instructif.
Benyamin Nétanyahou et Sebastián Piñera.
"À travers tout le pays, le Chili s'est rassemblé dans des manifestations hostiles au président de droite Sebastian Piñera et à son programme néolibéral mis en place par l'ancien dictateur Augusto Pinochet. Les manifestants ont demandé sa démission et exigé l'élaboration d'une nouvelle Constitution pour se débarrasser de l'héritage de la dictature.
L'instauration par Piñera de l'état d'urgence et de couvre-feux dans tout le Chili rappelle l'ère de la dictature d'Augusto Pinochet. Comme hier, des forces armées s'engagent dans une escalade de violences contre les citoyens faite d'assassinats, de passages à tabac et de tortures sexuelles.
Israël soutient les violations des droits humains de l'actuel gouvernement chilien par la vente de technologies militaires et de surveillance. Dès l'époque de la dictature Pinochet, la CIA avait prévu que le Chili continuerait d'acheter des armes à Israël « sans crainte d'irriter les États arabes à la condition que le pays maintienne des relations discrètes avec Tel-Aviv et qu'il se dispense d'approuver publiquement les politiques israéliennes ».
Les États-Unis étant solidement implantés en Amérique latine grâce à leur soutien aux dictatures militaires et aux opérations dans l'ensemble de la région pour éliminer toute influence socialiste ou communiste, le Chili qui avait reconnu Israël en 1949 était un objectif prioritaire pour le gouvernement israélien. En réaction aux préoccupations grandissantes de la communauté internationale à l'égard des violations des droits humains au Chili, les États-Unis ont été contraints d'imposer un embargo sur les armes en 1976, en dépit du fait qu'ils avaient financé Pinochet pour des exactions similaires. Même s'il est possible que la CIA ait passé outre la décision du Congrès, Israël était aux premières loges pour s'engouffrer dans la brèche et faire du Chili l'un de ses principaux acheteurs d'armes dans la région.
L'une des raisons pour lesquelles Pinochet avait choisi Israël outre qu'il s'agissait d'armements sophistiqués et qu'il admirait l'armée israélienne tenait au fait que « Tel-Aviv n'assortissait ses ventes d'aucune condition politique ». C'était d'autant plus important pour Pinochet qu'Israël faisait des déclarations publiques de soutien au retour à la démocratie au Chili tout en fournissant des armes à la dictature qui ont été utilisées au moment où l'Opération Condor un plan à l'échelle régionale mis en œuvre en 1975 par les dictatures d'extrême droite d'Amérique latine pour exterminer les opposants de gauche était pleinement opérationnelle. Outre la vente d'armes au Chili, Israël a donné la possibilité à l'armée de Pinochet de se familiariser avec son industrie d'armement et de faire participer les pilotes chiliens et ses officiers à des exercices d'entraînement.
Dans la période qui a suivi la chute des dictatures, les gouvernements chiliens ont conservé les lois antiterroristes de 1984 contre les communautés mapuches. Ces lois sont comparables aux détentions administratives utilisées par Israël contre les Palestiniens, incarcérés sans accusation ni jugement et dont les détentions sont renouvelées périodiquement. Dans la région d'Araucanía, les gouvernements chiliens ont utilisé les technologies de surveillance israéliennes.
Elbit, IAI, et Rafael sont les principaux fournisseurs du gouvernement chilien. Depuis les systèmes de surveillance, la maintenance informatique, les munitions au phosphore blanc, la destruction de technologies jusqu'à la technologie aérienne utilisée par Israël pour bombarder Gaza, l'industrie militaire israélienne est en très forte demande en Amérique latine au prétexte de la lutte contre le trafic de drogue et le passage des frontières. Mais c'est bien aux populations autochtones que les gouvernements de la région réservent leur contrôle et leur répression.
En 2018, les armées israélienne et chilienne ont signé au Chili via le général de division Yaacov Barak et le général chilien Ricardo Martinez de nouveaux accords de coopération en matière de formation militaire et d'entraînement, de commandement et de méthodes d'entraînement.
Israël fait commerce de ses armes et technologies revêtues du label « testé sur le terrain ». Les Palestiniens de Gaza représentent un champ d'expérimentation humain pour tester cette technologie militaire.
Si les relations actuelles entre Israël et le Chili ne sont plus dissimulées à l'attention du public, Israël maintient le « secret défense » sur les liens qui prévalaient entre les deux pays pendant la période de la dictature. Alors que les États-Unis ont déclassifié de nombreux documents révélant leur rôle dans leur soutien à la dictature de Pinochet, Israël conserve par devers lui plus de 19 000 pages de documents classifiés, rendant impossible de rendre justice aux milliers de torturés, de tués et de disparus pendant la dictature, bien qu'ils contiennent des informations sur les parents juifs de citoyens israéliens qui ont disparu sous l'ère Pinochet.
Le Chili a maintenu des relations étroites avec l'armée de l'air israélienne à l'époque de la dictature, ce qui ne manque pas de soulever des questions sur l'implication israélienne dans les pratiques de Pinochet qui consistaient à faire disparaître dans l'océan, depuis un avion, des détenus exécutés. En outre, un groupe d'élite de la Direction nationale du renseignement chilien (DINA) a été entraîné en Israël par le Mossad.
Mapuches et Palestiniens ont fait l'objet d'un nettoyage ethnique de leurs territoires par les colonisateurs et les liens militaires entre le Chili et Israël servent à l'amélioration de la militarisation. Pendant la campagne électorale, Piñera a promis de changer les lois antiterroristes pour mieux combattre les Mapuches. Dans la mesure où les protestations ne connaitront pas de trêve tant que la Constitution de Pinochet ne sera pas abrogée, Israël verra s'ouvrir devant lui encore plus de perspectives lucratives au Chili au détriment de la population tout entière."
Par Ramona Wadi, Journaliste.
(Traduction et notes de Christian Jouret)
Texte intégral sur : orientxxi.info
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