16/12/2019 reseauinternational.net  38 min #166081

Syrie : Est-ce que Trump peut « garder le pétrole » ?

La main secrète du Lobby israélien dans le vol de pétrole irakien et syrien

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par Agha Hussain et Whitney Webb.

Le rôle démesuré des agents de lobbying israélien US dans la complicité dans le vol de pétrole syrien et irakien révèle comment ce puissant lobby facilite également des aspects plus secrets de la coopération étasuno-israélienne et la mise en œuvre de politiques qui favorisent Israël.

« Nous voulons ramener nos soldats à la maison. Mais nous avons laissé des soldats parce que nous gardons le pétrole«, a déclaré le Président Trump le 3 novembre, avant d'ajouter : « J'aime le pétrole. Nous gardons le pétrole«.

Bien qu'il ait promis le retrait des troupes US et la fin de leur occupation illégale de la Syrie, Trump en a choqué plus d'un en admettant sans détour que des troupes étaient laissées pour empêcher le gouvernement syrien de développer les ressources pétrolières syriennes et, au lieu de cela, les garder entre les mains de ceux que les États-Unis jugeaient capables de contrôler, dans ce cas, les Forces Démocratiques Syriennes (FDS), une milice à majorité kurde soutenue par les États-Unis.

Bien que Trump lui-même ait reçu tout le crédit - et le mépris - de cette nouvelle politique controversée, ce qui a été omis de la couverture médiatique est le fait que les principaux acteurs du lobby pro-Israël US ont joué un rôle majeur dans son application en vue de vendre le pétrole syrien à l'État d'Israël. Bien que les récents développements du conflit syrien pourraient avoir empêché cette situation de perdurer, cela donne néanmoins un exemple révélateur du rôle secret que joue souvent le lobby pro-Israël des États-Unis dans l'élaboration des éléments clés de la politique étrangère US et des accords à huis clos ayant d'importantes implications régionales.

En effet, l'effort mené par Israël pour que les États-Unis facilitent la vente de pétrole syrien à Israël n'est pas un incident isolé étant donné qu'il y a quelques années seulement, d'autres individus liés aux mêmes groupes de pression pro-israéliens et néoconservateurs sionistes ont manipulé la politique US et le Gouvernement Régional du Kurdistan (GRK) afin de permettre au pétrole irakien d'être vendu à Israël sans le consentement du gouvernement irakien. Ces projets, à l'instar de ceux qui se poursuivent en Syrie, étaient au service des efforts néoconservateurs et sionistes de longue date visant à balkaniser l'Irak en renforçant le GRK et en affaiblissant Bagdad.

Après l'occupation du gouvernorat de Ninive par Daesh (juin 2014-octobre 2015), le GRK a profité de la retraite de l'armée irakienne et, dans le chaos, s'est emparé illégalement de Kirkuk le 12 juin. Leur revendication de la ville a été soutenue à la fois par les États-Unis et Israël et, plus tard, par la coalition dirigée par les États-Unis ciblant Daesh. Le Gouvernement Régional du Kurdistan a ainsi pris le contrôle non seulement de l'oléoduc d'exportation de l'Irak vers le port turc de Ceyhan, mais aussi vers les plus grands gisements pétroliers d'Irak.

Israël a importé des quantités massives de pétrole des Kurdes pendant cette période, le tout sans le consentement de Bagdad. Israël était également  le plus gros client du pétrole vendu par Daesh, qui utilisait Kirkouk sous contrôle kurde pour vendre du pétrole dans les régions d'Irak et de Syrie sous son contrôle. Pour ce faire, dans les territoires irakiens contrôlés par Daesh, le pétrole a d'abord été envoyé dans la ville kurde de Zakho, près de la frontière turque, puis en Turquie, étiqueté à tort comme du pétrole provenant du Kurdistan irakien. Daesh n'a rien fait pour empêcher les exportations de pétrole du GRK, même si elles auraient facilement pu le faire étant donné que l'oléoduc Kirkouk-Ceyhan traversait des zones que Daesh occupait depuis des années.

Rétrospectivement, et à la suite des  révélations de Wikileaks et de nouvelles informations concernant les antécédents des acteurs concernés, il a été révélé qu'une grande partie des manœuvres secrètes en coulisses qui ont permis ce scénario ont intimement impliqué le puissant lobby pro-Israël des États-Unis. Aujourd'hui, avec un scénario similaire qui se déroule en Syrie, les efforts déployés par le lobby pro-Israël des États-Unis pour manipuler la politique étrangère US afin de déplacer le flux d'hydrocarbures au profit d'Israël peuvent plutôt être considérés comme un modèle de comportement que comme un incident isolé.

« Gardez le pétrole » pour Israël

Après les récents changements dans la politique syrienne de l'administration Trump, les troupes US ont été maintenues en Syrie pour «  garder le pétrole«, les responsables militaires US affirmant par la suite que cela était « un sous-ensemble de la mission contre Daesh«. Toutefois, le Secrétaire à la Défense, Mark Esper, a par la suite  affirmé qu'un autre facteur à l'origine de l'insistance des États-Unis à garder les champs pétroliers syriens était d'empêcher l'extraction et la vente ultérieure du pétrole syrien par le gouvernement syrien ou la Russie.

L'actuel Ambassadeur des États-Unis en Turquie, David Satterfield, a été l'un des principaux acteurs (souvent ignoré) de la campagne visant à empêcher un retrait complet des troupes US en Syrie pour « garder le pétrole«. Satterfield était auparavant Secrétaire d'État adjoint aux affaires du Proche-Orient, où il a exercé une grande influence sur la politique US en Irak et en Syrie et a travaillé en étroite collaboration avec Brett McGurk, ancien Secrétaire d'État adjoint pour l'Irak et l'Iran, puis Envoyé Spécial du Président pour la coalition « anti-État Islamique » menée par les États-Unis.

Au cours de sa longue carrière diplomatique, Satterfield a été reconnu par le gouvernement des États-Unis comme un agent de renseignement israélien intégré au Département d'État US. En effet, Satterfield a été désigné comme un acteur majeur dans ce qui est maintenant connu sous le nom de scandale d'espionnage de l'AIPAC, également connu sous le nom de scandale d'espionnage de Lawrence Franklin, bien qu'il n'ait curieusement jamais été accusé pour son rôle après l'intervention de ses supérieurs au Département d'État dans l'administration George W. Bush.

David Satterfield, à gauche, arrive à Bagdad avec le Secrétaire d'État Mike Pompeo, à droite, et Joey Hood, le 7 mai 2019. Mandel Ngan AP

En 2005, des procureurs fédéraux ont cité un responsable du gouvernement US comme ayant illégalement transmis des informations classifiées à Steve Rosen, qui travaillait alors pour l'AIPAC, qui a ensuite transmis ces informations au gouvernement israélien. Ces informations classifiées comprenaient des renseignements sur l'Iran et sur la nature de l'échange de renseignements entre les États-Unis et Israël. Des articles parus par la suite dans le New York Times et d'autres médias ont révélé que ce représentant du gouvernement n'était autre que David Satterfield, qui occupait alors le poste de Secrétaire adjoint Principal aux Affaires du Proche-Orient.

Les accusations portées contre Rosen, ainsi que son complice et collègue Keith Weissman, employé de l'AIPAC, ont été abandonnées en 2009 et aucune accusation n'a été portée contre Satterfield après que des représentants du Département d'État aient affirmé de façon choquante que ce dernier avait « agi dans le cadre de ses pouvoirs » en divulguant des informations confidentielles à un individu travaillant pour défendre les intérêts d'un gouvernement étranger. Richard Armitage, un allié néoconservateur ayant une  longue histoire de liens avec les opérations secrètes de la CIA au Moyen-Orient et ailleurs, a depuis  affirmé qu'il était l'un des principaux défenseurs de Satterfield lors de conversations avec le FBI à cette époque où il était Secrétaire d'État adjoint.

L'autre responsable du gouvernement nommé dans l'acte d'accusation, l'ancien responsable du Pentagone Lawrence Franklin, n'a pas eu cette chance et a été inculpé en vertu de la loi sur l'espionnage en 2006. Satterfield, au lieu d'être blâmé pour son rôle dans la divulgation d'informations sensibles à un gouvernement étranger, a par la suite été promu en 2006 au poste de Coordonnateur pour l'Irak et Conseiller Principal de la Secrétaire d'État d'alors, Condoleezza Rice.

En plus de ses antécédents de fuite d'informations classifiées à l'AIPAC, Satterfield entretient depuis longtemps des relations avec le Washington Institute for Near East Policy, un organisme dérivé controversé de l'AIPAC également connu sous son acronyme WINEP. Le site Web du WINEP compte depuis longtemps Satterfield  parmi ses experts et Satterfield a pris la parole lors de plusieurs événements et forums politiques du WINEP, dont plusieurs fois après que  son implication dans le scandale d'espionnage de l'AIPAC ait été rendue publique. Cependant, malgré ses liens de longue date et controversés avec le lobby pro-Israël US, les relations actuelles de Satterfield avec certains éléments de ce lobby, comme l'Organisation Sioniste d'Amérique (ZOA), sont pour le moins complexes.

Alors que le rôle de Satterfield dans un autre retour en arrière sur une promesse de retrait des troupes US de Syrie a largement échappé à l'attention des médias, un autre individu ayant des liens profonds avec le lobby israélien et les groupes « rebelles » syriens a également été ignoré par les médias, malgré son rôle hors norme pour tirer profit de cette nouvelle politique US pour le compte d'Israël.

Le Lobby israélien US conclut un accord avec les Kurdes

Plus tôt cette année, bien avant que la nouvelle politique syrienne de Trump de « garder le pétrole » n'ait officiellement pris forme, un autre individu ayant des liens profonds avec le lobby pro-Israël US a obtenu un accord lucratif avec des groupes kurdes soutenus par les États-Unis en Syrie. Un document officiel publié plus tôt cette année par le Conseil Démocratique Syrien (CDS), l'organe politique de la majorité kurde et des Forces Démocratiques Syriennes (FDS) soutenues par les États-Unis, une société du New Jersey,  fondée et dirigée par Mordechai « Motti » Kahana, double citoyen israélo-étasunien, a reçu le contrôle du pétrole du territoire détenu par le CDS.

Selon le document, le CDS a formellement accepté l'offre de la société de Kahana - Global Development Corporation (GDC) - de représenter le CDS dans toutes les questions relatives à la vente du pétrole extrait sur le territoire qu'il contrôle et lui accorde également « le droit d'explorer et de d'exploiter le pétrole qui se trouve dans les zones qu'il gouverne«.

L'acceptation formelle par le CDS de l'offre de la Global Development Corporation d'exploiter les champs pétroliers syriens. Source Al-Akhbar

Le document indique également que la quantité de pétrole alors produite dans les zones contrôlées par le CDS était de 125 000 barils par jour, qu'elle devrait passer à 400 000 barils par jour et que ce pétrole est considéré comme un actif étranger sous le contrôle des États-Unis par le Département du Trésor US.

Après que le document ait été rendu public par la chaîne libanaise Al-Akhbar, le CDS a affirmé qu'il s'agissait d'un faux, même si Kahana avait  confirmé séparément son contenu et communiqué la lettre au Los Angeles Times il y a quelques semaines à peine. Kahana avait déjà tenté de prendre ses distances par rapport à cet effort et avait  déclaré au journal israélien Israel Hayom en juillet qu'il avait fait cette offre au CDS pour empêcher le « régime Assad » de Syrie de tirer des revenus de la vente du pétrole syrien.

« Les Kurdes détiennent actuellement 11 puits de pétrole dans une zone contrôlée par les Forces Démocratiques Syriennes. L'écrasante majorité du pétrole syrien se trouve dans cette région. Je ne veux pas que ce pétrole atteigne l'Iran ou le régime Assad«.

A l'époque, Kahana déclarait également que « dès que l'administration Trump donnera son accord, nous pourrons commencer à exporter ce pétrole à des prix équitables«.

Étant donné que Kahana a confirmé ouvertement qu'il représente les activités pétrolières du CDS peu après l'adoption par Trump de la politique controversée du « maintien de la politique pétrolière », il semble plausible que Kahana ait maintenant reçu l'approbation nécessaire à son entreprise pour exporter le pétrole au nom du CDS. Plusieurs médias ont  émis l'hypothèse que, si les efforts de Kahana se poursuivent sans entrave, le pétrole syrien sera vendu à Israël.

Toutefois, compte tenu de l'aversion de la Turquie à s'engager dans des activités qui pourraient bénéficier au PKK-FDS, les plans de Kahana se heurtent à des obstacles considérables. Alors que les FDS - avec l'aide des troupes US - contrôle toujours plusieurs champs pétroliers en Syrie, les experts affirment qu'ils ne peuvent vendre le pétrole qu'au gouvernement syrien. Même les Kurdes irakiens ne sont pas candidats, compte tenu du contrôle ferme de Bagdad sur la frontière entre l'Irak et la Syrie et de l'affaiblissement de l'État du GRK après son échec dans sa tentative d'indépendance fin 2017.

Quoi qu'il en soit, l'implication de Kahana dans cette affaire est importante pour plusieurs raisons. Premièrement, Kahana a joué un rôle clé dans la promotion et le financement des groupes radicaux en Syrie et il a même été prouvé qu'il  embauchait des « rebelles » pour enlever des Juifs syriens et les emmener en Israël contre leur gré. C'est Kahana, par exemple, qui a financé et orchestré le voyage de feu le Sénateur John McCain en Syrie, où il a rencontré des « rebelles » syriens, dont Khalid al-Hamad, un rebelle « modéré » qui s'est fait connaître après qu'une vidéo le montrant en train de manger le cœur d'un militaire syrien soit  devenue virale sur Internet. McCain a également  admis avoir rencontré des membres de Daesh, mais on ne sait pas vraiment s'il l'a fait lors de ce voyage ou d'un autre voyage en Syrie.

En outre, Kahana a également été le cerveau derrière la controverse « César », dans laquelle un Syrien utilisant le pseudonyme « César » a été amené aux États-Unis par Kahana et a continué à faire des dénonciations concernant la torture et autres crimes commis par le gouvernement Assad, allégations qui ont  ensuite été discréditées par des analystes indépendants. Il a également été  très impliqué dans les efforts infructueux d'Israël pour établir une « zone de sécurité » dans le sud de la Syrie afin d' étendre secrètement son territoire du Plateau du Golan occupé jusqu'à Quneitra.

Notamment, Kahana a des liens profonds - non seulement avec les efforts pour renverser le gouvernement syrien - mais aussi avec le lobby pro-Israël US, dont le Washington Institute for Near East Policy (WINEP) où Satterfield est un expert. Par exemple, Kahana a joué un rôle clé dans un symposium organisé par le WINEP en 2013 avec des groupes d'opposition syriens intimement impliqués dans l'armement des « rebelles ». Mouaz Moustafa, directeur de la « Syrian Emergency Task Force », qui a aidé Kahana à amener McCain en Syrie en 2013, était l'un des autres participants au symposium, aux côtés de Kahana. Moustafa a été  inscrit comme expert de WINEP sur le site Web de l'organisation, mais a par la suite été mystérieusement supprimé.

Kahana est également intimement impliquée dans le Conseil Israélien Américain (IAC), une organisation de lobbying pro-Israël, en tant que  membre de l'équipe de sa conférence nationale. L'IAC a été cofondé et est présidé par  Adam Milstein, un criminel multimillionnaire et condamné qui siège également aux conseils d'administration de l'AIPAC, de StandWithUs, de Birthright et d'autres importantes organisations de lobbying pro-Israël. L'un des principaux donateurs de l'IAC est Sheldon Adelson, qui est également le principal donateur du Président Trump ainsi que de l'ensemble du Parti Républicain.

Bien que les machinations de Kahana et de Satterfield pour guider la politique US afin de manipuler le flux d'hydrocarbures syriens au profit d'Israël puissent paraître choquantes à certains, cette même tactique des lobbyistes pro-Israël utilisant les Kurdes pour vendre illégalement le pétrole d'un pays à Israël a été développée quelques années auparavant, non en Syrie, mais en Irak. Notamment, les responsables de cette politique en Irak avaient des liens avec plusieurs des mêmes organisations de lobby pro-Israël que Satterfield et Kahana, ce qui donne à penser que leurs récents efforts en Syrie ne sont pas un événement isolé, mais une tendance.

La guerre contre Daesh est une guerre pour le pétrole

Dans un  courriel daté du 15 juin 2014, James Franklin Jeffrey (ancien Ambassadeur en Irak et en Turquie et actuel Représentant Spécial des États-Unis pour la Syrie) a révélé à Stephen Hadley, ancien Conseiller Administratif de George Bush travaillant alors à l'Institut des États-Unis pour la Paix, son intention de conseiller le Gouvernement Régional du Kurdistan afin de soutenir la production pétrolière de Kirkuk. Le plan, comme l'a décrit Jeffrey, était d'approvisionner la province du Kurdistan en pétrole et de permettre l'exportation de pétrole vers Israël via Kirkouk-Ceyhan, privant l'Irak de son pétrole et renforçant la région kurde du pays ainsi que la demande d'autonomie du Gouvernement Régional du Kurdistan.

Jeffrey, dont le  point de vue hawkish sur l'Iran et la Syrie est bien connu, a mentionné que Brett McGurk, le principal négociateur des États-Unis entre Bagdad et le Gouvernement Régional du Kurdistan, assurait la liaison avec le GRK. McGurk, qui avait occupé divers postes en Irak sous Bush et Obama, était alors également sous-Secrétaire d'État adjoint pour l'Irak et l'Iran. Un an plus tard, il sera nommé Envoyé Spécial du Président pour la coalition « anti-État Islamique » dirigée par les États-Unis et, comme nous l'avons déjà mentionné, il travaillera en étroite collaboration avec David Satterfield.

James Jeffrey, à gauche, rencontre le Président du Gouvernement Régional du Kurdistan Massoud Barzani, le 8 avril 2011, dans un aéroport à Irbil, en Irak. Chip Somodevilla AP

Jeffrey était alors un simple citoyen qui n'était pas employé par le gouvernement et a été utilisé comme un canal non gouvernemental dans la poursuite des plans décrits dans les couriels divulgués publiés par WikiLeaks. Les activités en coulisse de Jeffrey en ce qui concerne les exportations de pétrole du GRK ont été menées clandestinement, en grande partie parce qu'il était alors employé par une branche importante du lobby pro-Israël US.

Au moment du courriel, Jeffrey était un  membre distingué (2013-2018) du WINEP. Comme mentionné précédemment, le WINEP est un groupe de réflexion pro-Israël sur la politique étrangère qui épouse des vues néoconservatrices et a été créé en 1985 par des chercheurs qui avaient  quitté précipitamment l'AIPAC pour échapper aux enquêtes contre l'organisation qui étaient liées à certains de ses membres faisant de l'espionnage au nom d'Israël. L'AIPAC, l'American Israeli Public Affairs Committee, est la plus grande organisation de lobbyistes israéliens enregistrée aux États-Unis et, en plus de l'incident de 1985 qui a mené à la création du WINEP, a fait inculper des membres pour espionnage contre les États-Unis au nom d'Israël.

Le lancement du WINEP a été financé par l'ancienne Présidente de la Fédération juive de Los Angeles, Barbara Weinberg, qui en est la Présidente fondatrice et Présidente émérite constante. Surnommée « Barbi », elle est l'épouse de feu Lawrence Weinberg, qui fut Président de l'AIPAC de 1976 à 1981 et dont JJ Goldberg, auteur du livre de 1997 « Jewish Power«, a parlé comme l'une des quelques personnes choisies qui ont  dominé l'AIPAC. Martin Indyk était co-fondateur avec Weinberg. Indyk, Ambassadeur des États-Unis en Israël (1995-1997) et Secrétaire d'État adjoint aux Affaires du Proche-Orient (1997-1999), a dirigé les recherches de l'AIPAC qui ont permis au WINEP d'échapper aux enquêtes mentionnées plus haut.

Le WINEP a toujours  reçu des fonds de  donateurs qui font des dons suivant des intérêts particuliers pour le Sionisme et Israël. Parmi ses administrateurs, on trouve des personnalités très en vue du Sionisme politique et des bailleurs de fonds d'autres organisations du Lobby d'Israël, telles que  Charles et Edgar Bronfman et  les Tchernicks. Ses  membres restent pour la plupart des personnes qui ont passé leur carrière à promouvoir les intérêts israéliens aux États-Unis.

Le WINEP est devenu plus connu, et sans doute plus controversé, au cours des dernières années, après que son directeur de recherche ait lancé un appel célèbre pour que des attaques sous faux drapeaux déclenchent une guerre US avec l'Iran en 2012, des déclarations qui s'alignent bien avec  les tentatives de longue date du Lobby israélien pour provoquer une telle guerre.

Un digne partenaire dans la lutte contre le crime

Stephen Hadley, un autre simple citoyen que Jeffrey considérait de toute évidence comme un partenaire dans ses transactions secrètes discutées dans les courriels, a également son propre passé d'implication dans des intrigues et des ingérences propres à Israël.

Pendant l'administration de G.W. Bush, Hadley a  suivi les néoconservateurs dans leurs nombreuses créations de faux renseignements et leurs efforts pour incriminer l'Irak pour possession d'armes chimiques et nucléaires. Hadley était l'un des promoteurs, au sein du gouvernement US, de la fausse allégation selon laquelle le pirate de l'air Mohammed Atta avait rencontré des responsables irakiens à Prague.

Hadley a également  travaillé avec le Chef d'État-major du vice-Président Lewis Libby -  un avocat néoconservateur et ancien avocat de l'agent et milliardaire du Mossad Marc Rich - pour discréditer une enquête de la CIA sur des allégations selon lesquelles l'Irak aurait acheté de l'uranium yellowcake au Niger. C'est ce qu'a déclaré Bush dans son discours sur l'état de l'Union en 2002.

Ce que cette revendication particulière avait en commun avec la désinformation «  L'Irak rencontre Atta à Prague » et d'autres mensonges célèbres contre l'Irak fabriqués et diffusés par le dense réseau néoconservateur, était sa source : Israël et les partisans pro-israéliens.

Le  réseau de distribution de ces revendications désormais depuis longtemps démystifiées n'était autre que les néoconservateurs qui agissent comme une véritable cinquième colonne israélienne qui cherche depuis longtemps à promouvoir les objectifs de la politique étrangère israélienne comme étant dans l'intérêt des États-Unis. À cet égard, Hadley a joué son rôle en aidant à faire en sorte que les États-Unis soient entraînés dans une guerre qui a longtemps été promue à la fois par les néoconservateurs israéliens et étasuniens, en particulier Richard Perle - un conseiller du WINEP - qui a encouragé le changement de régime en Irak au  profit explicite d'Israël pendant des décennies.

Les intérêts israéliens poursuivis par des voies secrètes

Compte tenu de son emploi au WINEP pendant cette période, l'intention de Jeffrey de conseiller le Gouvernement Régional du Kurdistan de soutenir la production pétrolière de Kirkouk malgré la saisie de la raffinerie de pétrole Baiji par Daesh est quelque peu suspecte, d'autant plus qu'il fallait que 100 000 barils par jour passent sans entrave par un territoire contrôlé par Daesh.

Le courriel de Jeffrey du 14 juin a donc démontré qu'il savait à l'avance que Daesh ne dérangerait pas le GRK tant que les Kurdes réachemineraient le pétrole destiné à l'origine à Baiji vers le pipeline d'exportation Kirkuk-Ceyhan, facilitant ainsi son exportation et sa vente ultérieure à Israël.

oléoduc Kirkuk-Ceyhan

Notamment, jusqu'à sa libération à la mi-2015 par le gouvernement irakien et les paramilitaires chiites alignés, Daesh a  maintenu la raffinerie en activité et n'a détruit l'installation qu'après son retrait.

En juillet 2014, le GRK a commencé à  approvisionner avec confiance les régions kurdes en pétrole de Kirkouk selon le plan établi par Jeffrey dans le courriel susmentionné. Bagdad a rapidement pris connaissance de l'arrangement et s'en est pris à Israël et à la Turquie, dont  les banques ont été utilisées par le GRK pour recevoir les revenus pétroliers d'Israël.

On pourrait normalement s'attendre à ce que Daesh s'oppose à une telle collusion étant donné que le GRK, bien que bénéficiaire du conflit État Islamique-Bagdad, n'était pas un allié de l'État Islamique. Ainsi, une puissance étrangère ayant  des liens stratégiques avec l'État Islamique a profité de  ses liens étroits avec le GRK et de l'assurance qu'elle était complice pour le commerce du pétrole, pour fournir une garantie crédible que Dash « coopérerait » et qu'un boom de la production et des exportations était prévu.

Cette puissance étrangère, garante de l'entente Daesh-GRK face à l'économie pétrolière illégale, représentée par Jeffrey et manifestement pas en bons termes avec le gouvernement irakien, était très clairement Israël.

Israël a établi un  soutien financier considérable ainsi que la fourniture d'armements à d'autres groupes terroristes extrémistes actifs près de la frontière entre le Plateau du Golan occupé par Israël et le sud de la Syrie lorsque la guerre a éclaté en Syrie en 2011. Au moins quatre de ces groupes extrémistes étaient dirigés par des personnes ayant des  liens directs avec les services de renseignement israéliens. Ces mêmes groupes, parfois présentés comme « modérés » par certains médias, combattaient activement le gouvernement syrien - un ennemi d'Israël et un allié de l'Iran - avant l'existence de Daesh et se sont associés avec enthousiasme à Daesh lorsqu'il a étendu sa campagne en Syrie.

En outre, les responsables israéliens ont  publiquement admis avoir maintenu une communication régulière avec les cellules de Daesh dans le sud de la Syrie et ont publiquement exprimé leur désir que  Daesh ne soit pas vaincu dans le pays. En Libye, des  agents du Mossad israélien ont été retrouvés au sein de Daesh, ce qui suggère qu'Israël a des liens secrets mais précis avec le groupe en dehors de la Syrie également.

Israël promeut également depuis longtemps l'indépendance du Kurdistan irakien, Israël ayant fourni aux Kurdes irakiens des armes, une formation et des équipes de conseillers du Mossad  dès les années 60. Plus récemment, Israël a été  le seul État à appuyer le référendum sur l'indépendance du GRK en septembre 2017, malgré sa futilité, faisant allusion à l'estime qu'Israël porte au GRK. Le gouvernement irakien a par la suite défait militairement  les efforts du Gouvernement Régional du Kurdistan pour obtenir le statut d'État et a récupéré les champs pétroliers de Kirkouk avec l'aide des paramilitaires chiites qui étaient responsables de la défaite de Daesh dans cette région.

Une carte de 2014 montre les zones sous contrôle de Daesh et kurde à l'époque. Source Télégraphe

Cet arrangement orchestré par Jeffrey a servi le programme néoconservateur israélien de longue date qui consistait à habiliter les Kurdes, à  vendre le pétrole irakien à Israël et à affaiblir le gouvernement irakien basé à Bagdad.

L'étroite association du WINEP avec l'AIPAC, qui a  espionné les États-Unis au nom d'Israël à plusieurs reprises dans le passé sans conséquence, ainsi que la connaissance de longue date de Jeffrey avec des personnalités US clés en Irak, comme McGurk, ont constitué une ouverture idéale pour Israël en Irak. Après la mise en œuvre du plan de Jeffrey, les importations israéliennes de pétrole du GRK représentaient  77 % des importations totales de pétrole d'Israël pendant l'occupation de Kirkouk par le GRK.

Le lien du WINEP avec l'accord pétrolier entre le GRK et Israël démontre le rôle clé joué par le lobby pro-Israël des États-Unis, non seulement pour soutenir l'aide financière US à Israël et faire monter les tensions avec ses adversaires, mais aussi pour faciliter les aspects plus secrets de la coopération israélo-étasunienne et l'application des politiques qui favorisent Israël.

Pourtant, le rôle joué par le lobby israélien US à ce titre, en particulier en termes d'orchestration d'accords de vente de pétrole au profit d'Israël, n'est pas exclusif à l'Irak et peut être décrit à juste titre comme un comportement répété.

source :  The Israel Lobby's Hidden Hand in the Theft of Iraqi and Syrian Oil

traduit par  Réseau International

 reseauinternational.net

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