08/01/2020 reseauinternational.net  7 min #167144

Les Etats-Unis tuent le général iranien Soleimani dans une frappe à Bagdad, Téhéran crie «vengeance»

L'Iran a toutes les cartes en main dans le prochain conflit du Moyen-Orient avec les États-Unis, à moins que Trump ne soit prêt à larguer une bombe nucléaire tactique

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par Scott Ritter.

L'Iran a promis des représailles pour l'assassinat de Qassem Soleimani. Donald Trump a déclaré que cela entraînerait une réponse disproportionnée de la part des États-Unis. Une partie peut tenir ses promesses, l'autre ne peut pas, à moins qu'elle n'utilise le nucléaire.

L'Iran est sérieux

« Notre réaction sera sage, bien réfléchie et, à terme, avec un effet dissuasif décisif », a déclaré le Général iranien Hossein Dehghan ce week-end.

Dehghan a également noté que l'Iran ne cherchait pas à élargir la confrontation avec les États-Unis.

« Ce sont les États-Unis qui ont commencé la guerre. Par conséquent, ils devraient accepter les réactions appropriées à leurs actions. La seule chose qui peut mettre fin à cette période de guerre est que les Étasuniens reçoivent un coup égal à celui qu'ils ont infligé ».

Dehghan n'est pas un ancien officier général iranien ordinaire, il a été l'un des principaux décideurs au sein du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI) pendant la guerre Iran-Irak, et il a ensuite commandé les Forces Aériennes du CGRI, avant d'être nommé Ministre de la Défense de l'Iran. Après avoir quitté ce poste, Dehghan est devenu Conseiller Spécial du Guide Suprême de la République Islamique Ali Khamenei.

Ses propos doivent être considérés comme représentant ceux de Khamenei lui-même.

Les cibles probables de l'Iran

Deux cibles potentielles : Bombardiers B-52 de l'armée de l'air US à la base aérienne d'Al Udeid au Qatar, © Reuters, US Air Force ; l'installation de conversion d'uranium de Fordow à Qom, Iran © AFP / Organisation iranienne de l'énergie atomique

Une évaluation plus approfondie de la déclaration de Dehghan, dans le contexte du vote du Parlement Irakien ce dimanche visant à retirer toutes les troupes étrangères d'Irak, permet de clarifier ce que les États-Unis et le Moyen-Orient peuvent attendre de Téhéran.

Tout d'abord, la réponse ne sera pas donnée par procuration.

L'attaque sera de nature militaire. Des attaques contre les infrastructures pétrolières et gazières des alliés arabes des États-Unis dans le Golfe, de nature similaire aux attaques de drones contre les installations de production pétrolière saoudiennes en mai dernier, ne sont pas prévues. Ni contre les navires qui transitent par le détroit stratégique d'Ormuz, ni contre les installations diplomatiques US dans la région.

De même, l'Iran doit respecter la volonté du Parlement Irakien concernant l'opération de troupes étrangères sur son sol, ce qui signifie que la riposte ne sera très probablement pas menée contre les forces militaires US actuellement stationnées en Irak.

Cela ne signifie pas que les troupes et les installations US en Irak seront à l'abri d'une attaque ; le Khaitab Hezbollah, la milice irakienne dont le chef, Abu Mahdi al-Muhandis, a été tué dans la même attaque qui a coûté la vie à Qassem Suleimani, a promis ses propres représailles, distinctes de celles promises par l'Iran.

Il y a une foule de cibles militaires US viables dans la région du Golfe Persique qui sont d'une stature suffisamment élevée pour être qualifiées de « coup égal » aux yeux de Téhéran.

Un F-22 Raptor au départ de la base aérienne d'Al Udeid, au Qatar, depuis la base commune de Langley-Eustis, en Virginie © Reuters

Trois me viennent à l'esprit : la concentration des forces US basées au Koweït, le quartier général de la 5ème Flotte à Bahreïn, et la base aérienne d'Al Udeid au Qatar.

De ces trois, une seule, la base aérienne d'Al Udeid, a un lien direct avec l'assassinat de Soleimani ; les drones qui ont tiré les missiles qui ont tué Soleimani ont été envoyés à partir de là. Al Udeid abrite des installations de commandement et de contrôle US essentielles, ainsi que le gros des avions de combat US opérant dans la région. Il est à portée des missiles balistiques et des drones armés iraniens, dont on pourrait attendre qu'ils opèrent de concert les uns avec les autres pour vaincre les défenses aériennes et saturer ensuite la base de frappes de précision qui pourraient détruire des centaines de millions de dollars d'avions et d'équipements, et potentiellement tuer et blesser des centaines de membres des forces armées US.

Les tweets de Trump, aucune capacité

Le Président Trump a promis que les États-Unis ne toléreront aucune attaque contre leur personnel ou leurs installations. « S'ils font quoi que ce soit, il y aura des représailles majeures », a-t-il dit aux journalistes, en parlant de l'Iran.

Auparavant, Trump avait tweeté un avertissement très explicite, disant à l'Iran qu'il avait déjà désigné quelque 52 sites en Iran, « certains à un niveau très élevé & importants pour l'Iran & la culture iranienne », pour la destruction. « Les cibles et l'Iran lui-même, seront touchés très rapidement et très durement. Les USA ne veulent plus de menaces ! », a déclaré Trump.

La menace de Trump, cependant, sonne creux. Premièrement, son tweet constitue une preuve de facto d'un crime de guerre (la section 5.16.2 du Manuel du Droit de la Guerre du Département de la Défense des États-Unis d'Amérique interdit les menaces de détruire des objets culturels dans le but de dissuader les opérations ennemies) et, en tant que tel, un tel ordre ne serait probablement pas mis en œuvre par les commandants militaires US pour qui des subtilités telles que le Droit de la Guerre, qui interdit l'exécution d'un ordre illégal, sont des affaires sérieuses.

Mais ce qui est encore plus pertinent, c'est le fait que Trump ait déjà emprunté cette voie auparavant, lorsqu'il a menacé de représailles militaires massives contre l'Iran pour avoir abattu un drone non armé au-dessus du détroit d'Ormuz en mai dernier. À l'époque, ses commandants militaires l'avaient informé que les États-Unis n'avaient pas les moyens militaires nécessaires pour contrer ce qui devait être une réponse complète de l'Iran si les États-Unis attaquaient des cibles à l'intérieur de l'Iran.

En bref, l'Iran a pu infliger des dommages massifs à des cibles US et alliées dans la région du Moyen-Orient, et les États-Unis n'ont rien pu faire pour empêcher ce résultat.

Peu de choses ont changé depuis le mois de mai qui pourraient modifier l'équilibre des forces militaires entre les États-Unis et l'Iran. Si l'Iran devait frapper une installation US telle que la base aérienne Al Udeid, et que Trump ordonnait une riposte, il est fort probable que l'Iran déclencherait la totalité de sa capacité militaire, et celle de ses mandataires régionaux, pour dévaster les capacités militaires et économiques des personnes visées. Ces frappes incluraient très probablement des installations de production pétrolière au Koweït, en Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis, en plus des installations militaires et des missions diplomatiques US.

Vu sous cet angle, les menaces de représailles de Trump ne semblent être que des mots qui ne peuvent pas être confirmés par la réalité.

Appuyer sur le bouton rouge pour Fordow

Toutefois, un deuxième développement important a eu lieu dans la région dimanche, en plus du vote du Parlement Irakien visant à couper les liens avec l'armée US.

Le gouvernement iranien a annoncé qu'il mettait fin à toutes les restrictions sur l'enrichissement de l'uranium, annulant ainsi l'accord nucléaire iranien (le Programme d'Action Global Conjoint, ou JCPOA), dont les États-Unis se sont retirés en mai 2018. Bien que l'Iran ait déclaré que ces mesures étaient réversibles si les États-Unis revenaient à l'accord, la nouvelle capacité d'enrichissement sans contrainte place l'Iran bien à l'intérieur de la période de « désengagement » d'un an (c'est-à-dire le temps nécessaire à l'Iran pour produire suffisamment de matières fissiles pour un seul dispositif nucléaire) que sous-tend le but premier du JCPOA.

Ce faisant, l'Iran s'est ouvert par inadvertance à une attaque nucléaire préventive des États-Unis.

l'intérieur de l'usine de conversion d'uranium de Fordo (Fordow) à Qom, Iran © AFP / HO / Organisation de l'Énergie Atomique d'Iran / AFP

Les centrifugeuses qui pourraient être utilisées par l'Iran pour produire de l'uranium enrichi pouvant être utilisé dans un dispositif fissile sont logées dans une installation souterraine renforcée située près de la ville de Fordow. Aucune munition conventionnelle dans l'arsenal US actuel ne peut détruire Fordow.

Seule une bombe nucléaire B-61 modifiée peut le faire.


Trump a laissé entendre que toute guerre future avec l'Iran ne serait pas une affaire de longue haleine. Et si le Droit de la Guerre peut empêcher ses commandants d'exercer des représailles, notamment contre des sites culturels, il n'interdit pas aux États-Unis d'utiliser une arme nucléaire contre une installation nucléaire connue qui est considérée comme une menace pour la sécurité nationale.

C'est le pire scénario de représailles entre l'Iran et les États-Unis, et il n'est pas aussi farfelu qu'on pourrait le croire.

source :  Iran holds all the cards in coming Middle East conflict with US, unless Trump is ready to drop a tactical NUKE

traduit par  Réseau International

 reseauinternational.net

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