Jean-Luc MELENCHON
Des militants écologistes qui envahissent le siège parisien de BlackRock, le siège du plus grand fond de pension du monde : ces images vont marquer le début de cette nouvelle semaine. Le but était de dénoncer la responsabilité de la finance dans la crise climatique mais le choix de la cible marque une convergence avec la bataille sociale contre la retraite à points.
Évidemment, les macronistes et leurs relais médiatiques vont immédiatement s'en servir pour expliquer que les manifestants écolos, les syndicalistes, les gilets jaunes, les insoumis et tout ses opposants sont des sauvages violents par nature et qu'il n'y a pas lieu de discuter avec. Je m'empresse de dire que je ne suis pas partisan de la violence dans la mobilisation. Mais je refuse aussi de faire la morale à qui que ce soit. Je préfère essayer d'expliquer ce qui cause un tel niveau de rage contre cette entreprise.
BlackRock, qui est-ce ? C'est un géant du capitalisme financiarisé. Un fond de pension qui gère 7 000 milliards de dollars d'actifs. Soit trois fois le PIB de la France et 23 fois le budget de son État. Avec les deux plus gros autres fonds de pension de Wall Street, ils forment les « big three ». Les masses d'argent entre les mains de ces mastodontes sont supérieures à la richesse totale produite en une année par la Chine. En France, BlackRock exerce son influence au sein d'un nombre considérable des plus grandes entreprises du pays. Il siège notamment dans les conseils d'administration de Axa, Sanofi, de la Société Générale, de Vinci, de Total, de la BNP Paribas ou de Vivendi.
Depuis l'élection de Macron, BlackRock a gagné une influence considérable dans la politique conduite par l'État français. Et la réforme des retraites les intéressait particulièrement. On le comprend : la perspective de voir s'ouvrir une brèche dans les 312 milliards de pensions françaises aujourd'hui gérées par répartition est alléchante pour eux. Dès son élection, Macron a reçu à l'Elysée le PDG mondial de BlackRock, en juin 2017. On ne connait pas la teneur de leur conversation, mais Larry Fink, le patron américain a ensuite donné un bon point dans la presse au président français : « nous pensons que cette présidence est une bonne nouvelle pour la France et surtout pour l'Europe qui sera plus forte grâce à une axe franco-allemand plus solide ».
Sur la réforme des retraites elle-même, l'ancien haut-commissaire Jean-Paul Delevoye avait également reçu au moment de sa nomination en mars 2018 le grand patron Larry Fink. Pour prendre des instructions ? On retrouve la trace de Black Rock en juin 2019 qui publie une note à destination du gouvernement. Il commence par le féliciter sur la loi PACTE, « un élément majeur pour l'avenir de l'épargne retraite en France » puis l'encourage à aller plus loin pour le développement des retraites privées. En janvier 2020, Emmanuel Macron a fait le président de la filiale française de BlackRock, Jean-François Cirelli, chevalier de la légion d'honneur. La capture de l'État français par les puissances d'argent s'étale désormais sans vergogne.
BlackRock est bien servi avec le projet de loi que nous étudions en ce moment à l'Assemblée. En effet, à son article 13, il supprime le régime par répartition pour les plus hauts salaires. Les cadres concernés sont poussés dans les bras des fonds de pension pour s'assurer un maintien de leur revenu à la retraite. Puis l'article 64 ratifie des ordonnances votées dans la loi Pacte dont le but est de « renforcer l'attractivité de l'épargne retraite » et appelle « le secteur de l'assurance à se mobiliser ». Voilà pourquoi on peut dire de cette réforme Macron qu'il s'agit en réalité d'une réforme BlackRock.