Par Saideh Khadir
Saideh Khadir est médecin de famille à Montréal, Québec, Canada.
L'OMS qualifie l'épidémie du coronavirus de « pandémie » et appelle tous les pays à appliquer des politiques sanitaires radicales. La propagation rapide, la morbidité et la mortalité associées à la maladie inquiètent d'autant plus qu'elles peuvent épuiser rapidement les ressources des systèmes de santé pour répondre aux besoins des populations.
Tous les pays sont en état d'alerte. Aux États-Unis, le président Trump, qui avait d'abord minimisé la menace, a décrété l'état d'urgence nationale. Le premier ministre Trudeau vient de fermer la majorité des frontières. L'Italie, dépassée, a annoncé 250 morts en 24 heures et choisi de traiter les malades moins âgés en priorité.
L'Iran a déclaré 1000 nouveaux cas en 24 heures. Les chiffres sont inférieurs à la réalité, le pays n'ayant pas les ressources pour faire un diagnostic national complet. Seule la Chine reprend le dessus, avec huit nouveaux cas déclarés depuis 24 heures, le nombre le plus bas depuis la mi-janvier.
L'Iran et l'Italie sont désormais les pays en « première ligne » de la lutte contre la COVID-19. La situation est particulièrement grave en Iran, où il y a « pénurie d'appareils d'assistance respiratoire et d'oxygène », selon le responsable des programmes sanitaires d'urgence de l'OMS, le Dr Ryan.
Le directeur général de l'OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, affirme pour sa part que « l'Iran fait de son mieux, mais [qu']ils ont besoin d'équipements ».
Le comportement de la COVID-19 dicte de chercher la sécurité sanitaire par un effort global concerté. Il oblige à collaborer et à coordonner les actions sans frontières puisque notre sécurité sanitaire est plus que jamais interdépendante.
Or, la COVID-19 met en lumière la double illégitimité des sanctions draconiennes et unilatérales des États-Unis contre divers pays, l'Iran en particulier. Touché gravement par la pandémie, l'Iran est incapable de vendre son pétrole. Et les sanctions bancaires l'empêchent de se procurer les produits essentiels au traitement du coronavirus. Ces sanctions ont des répercussions à la fois sur les vies en Iran et sur la lutte planétaire contre la pandémie.
Les États-Unis refusent de lever les sanctions malgré la demande des Nations unies en ce sens, alors que l'Iran est l'un des épicentres de la pandémie dans la région du Moyen-Orient, comme la Chine l'a été en Asie et comme l'Italie l'est en Europe.
Combien mourront inutilement en Iran à cause de ces sanctions économiques illogiques, illégitimes, immorales et illégales ?
Ajoutons que les sanctions des États-Unis contre l'Iran sont condamnées par l'ONU, qui a appuyé l'accord nucléaire à travers la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l'ONU.
Certes, le gouvernement iranien a la responsabilité des manquements dans la gestion de la crise sanitaire. Mais l'Italie vit la même situation de propagation, et les budgets européens dégagés pour le contrôle de la COVID-19 sont de l'ordre de plusieurs milliards d'euros par pays. L'Iran a des ressources financières beaucoup plus limitées, et qui sont largement bloquées par les sanctions, avec une population équivalente à celle de l'Allemagne.
Selon un site financé par le gouvernement américain, Radio Farda, l'Iran ne peut exporter que 250 000 barils par jour, soit un dixième de ce qu'il exportait avant l'accord de 2015.
On peut voir que la stratégie de « pression maximale » de Trump contre l'Iran (blocus financier et commercial sans précédent visant à appauvrir les Iraniens en espérant les pousser à renverser le gouvernement) a plus de responsabilité dans les difficultés actuelles du pays face à la pandémie.
Le Trésor américain ayant imposé des sanctions de tierce partie aux firmes européennes, indiennes et autres, l'Iran a été poussé vers une dépendance accrue à la Chine, seul pays capable de défier quelque peu Trump. L'Iran n'a donc pas eu le luxe de pouvoir rompre ses échanges avec la Chine ou les voyages dans ce pays.
La rhétorique instrumentalisant la « lutte légitime des droits de la personne » pour justifier ces sanctions cruelles auprès de l'opinion publique est mise à rude épreuve par les difficultés de l'Iran et les souffrances des Iraniens, maintenus en situation de vulnérabilité à la pandémie contre tout standard civilisationnel.
La santé, l'hygiène et l'accès aux soins médicaux sont des droits de la personne inaliénables. Les peuples américain et iranien, et l'humanité entière, ont un ennemi commun dans cette pandémie : le coronavirus. Les sanctions sont donc à la fois injustes et inhumaines.
Saideh Khadir
La source originale de cet article est Le Devoir (Opinion)
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