Les embargos et blocus sont aujourd'hui, plus qu'hier, des agressions caractérisées des États qui les exercent contre les peuples qui les subissent. En la circonstance, toute réduction, du fait d'autrui, des capacités des peuples à subvenir à leurs besoins primordiaux, en les empêchant d'entretenir des relations internationales et commerciales, notamment en matière de santé [1], constitue une violence illégitime et illégale, au regard du droit international, et donc passible de sanctions.
Les embargos, blocus et autres mesures coercitives unilatérales, souvent appelées sanctions économiques, sont aujourd'hui des actes de guerre contre les peuples et doivent cesser. Demander la levée de ces sanctions et la fin de l'impunité pour les États qui les imposent est non seulement une obligation morale, mais surtout un droit fondé sur les principes de la Charte des Nations unies.
Dans le contexte de pandémie actuelle, maintenir des pays entre autres, Iran, Cuba, Venezuela et des territoires dont Gaza sous embargo ou sanctions économiques [2], pratique faisant apparaître un « affaiblissement du droit et des institutions internationales », est un acte criminel. Il s'agit là d'un acte de violence émanant, la plupart du temps, d'un État fort qui punit un État faible, et frappant les plus vulnérables. Il ne s'agit pas de justice, mais de l'expression d'un rapport de force en faveur de l'État dominant qui viole l'obligation internationale des États en contredisant la légalité internationale car, de facto, l'embargo n'est conforme ni à la Charte ni aux missions des Nations unies.
À cet acte illicite s'ajoute, en ce moment particulier, la pandémie due au coronavirus auquel l'ensemble du mode est confronté. Tout acte d'embargo ou de blocus constitue aujourd'hui un acte grave contre les peuples victimes de ces mesures et contre le droit international. Ne pas lever les mesures de coercition économique dans ce contexte relève d'un double crime contre l'humanité, puisque l'embargo viole les droits fondamentaux et porte atteinte au droit à la vie, à la dignité humaine ; la pandémie ne fait qu'aggraver ces atteintes.
L'ONU, institution censée œuvrer pour la paix et le développement, se devrait de tout faire pour obtenir la levée complète de ces embargos pour que les principes de la Charte cessent d'être violés par des pays dominants et hégémoniques [3].
Dans ce contexte, la situation de la Bande de Gaza est non seulement inacceptable, mais dramatique pour sa population. Gaza est maintenue sous blocus illégal depuis 13 ans, avec des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et pourtant la communauté internationale est incapable de mettre fin à cet acte illicite qui porte atteinte aux droits fondamentaux des Palestiniens de Gaza et à leurs droits inaliénables. Sur quel droit peut-on se fonder pour empêcher des populations d'avoir accès aux soins élémentaires, si ce n'est celui du plus fort, en l'occurrence celui de l'occupant israélien ? Agissant ainsi et laissant l'occupant agir de cette façon, la communauté internationale laisse se perpétrer un crime contre l'humanité, d'autant plus répréhensible et condamnable qu'il dure, qu'il est de grande ampleur et qu'il est appliqué de manière systématique.
Notons que, dans le cas des États sous embargo ou du peuple palestinien de la Bande de Gaza sous blocus, et par rapport à l'acte internationalement illicite que sont ces deux actes, sont en cause des obligations, considérées comme « essentielles » pour la « communauté internationale tout entière », parmi lesquels les droits fondamentaux de la personne humaine.
Les États imposant ou laissant imposer l'embargo ou le blocus faillissent dans leur obligation de protection des droits fondamentaux. Pourtant, au vu de l'importance des droits en cause, tous les États, absolument tous les États, devraient affirmer qu'ils ont un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés, les obligations dont il s'agit étant des obligations erga omnes.
En effet, compte tenu du contexte, ces atteintes graves à l'intégrité des peuples, du fait d'États exerçant sur eux des embargos, blocus et autres mesures coercitives unilatérales sont passibles de condamnations, si des actions en ce sens étaient menées. Il appartient ainsi aux États et aux forces progressistes partout dans le monde, appuyées par des juristes internationaux, d'examiner toutes les voies et possibilités d'action juridique contre les États agresseurs, mais aussi contre les États complices, au regard de leur responsabilité internationale, dans la commission de tels actes illicites.
Mireille Fanon Mendes-France, Fondation Frantz Fanon, ex experte à l'ONU ; Adda Bekkouche, Docteur d'Etat en droit international, ancien enseignant à l'Université Paris1, Panthéon-Sorbonne.
Paris, 30 mars 2020
Notes
[1] La défense de la santé publique est un objectif déclaré de la Charte des Nations unies (article 55). Tous les États sont tenus de contribuer à cet objectif (article 56).
[2] D'autres pays et territoires subissent des mesures de rétorsion et qui méritent d'être au moins allégées et dans tous les cas réexaminées à la lumières des principes de la Charte des Nations unies. Voir la liste de ces pays et territoires : tresor.economie.gouv.fr
[3] Il ne s'agit nullement de condamner, en la circonstance l'ONU, mais de rappeler que souvent, pour ne pas dire tout le temps, ce sont les mêmes États qui imposent les mesures coercitives à l'échelle internationale et empêchent le fonctionnement normal de l'ONU, conformément à la Charte des Nations unies. De ce fait, ces États sont les vrais responsables dans l'affaiblissement et la délégitimation du droit international et du système de sécurité collective construit après la Seconde Guerre mondiale, dont le socle est justement la Charte des Nations unies.