19/10/2020 dedefensa.org  8 min #180583

Covid-19 - Couvre-feu, nouvelles restrictions... retour sur les annonces de Emmanuel Macron

Le programme de Monarc 1er, suite

 Les Carnets de Badia Benjelloun

La France s'est trouvée confrontée au début de l'année 2020 avec l'épidémie du Sars-Cov-2 à une pénurie en moyens hospitaliers, particulièrement insuffisants en réanimation. Accueillir un flux de patients nécessitant des soins intensifs spécialisés, élevé brutalement, a été impossible. La capacité en lits de réanimation est connue, 5000 pour toute la France, soit 7,5 lits pour 100 000 habitants. Trois fois moins que l'Allemagne dotée de 29 lits pour 100 000 habitants.

Or cette capacité d'accueil s'est réduite en quelques décennies. Des réformes du système des services publics gouvernées par une politique managériale de 'réduction des coûts'et de rentabilité l'ont progressivement diminuée. L'insuffisance du nombre de lits et de soignants est dénoncée régulièrement lors de mouvements sociaux. Ils dénoncent le séjour des heures voire des jours de patients  sur des brancards où il arrive qu'ils soient oubliés surtout en hiver lors des pics de grippe.

Des économies avec effet

Le directeur d'établissement hospitalier organise des départements et en désigne les responsables chargés d'atteindre des objectifs économiques qui leur sont assignés depuis la  réforme de 1983. Le financement global remplace la tarification à la journée d'hospitalisation. En 2004, une  tarification à l'acte intervient pour corriger les distorsions qui se seraient introduites par la dotation globale qui ne financerait pas assez les hôpitaux à forte activité. En valorisant les actes techniques rentables, la finalité du service public a été perdue de vue. La loi HPST, Hôpital Patient Santé Territoire a obligé en 2009, complétée par celle de 2016, les hôpitaux à mutualiser leurs ressources et leurs capacités en adhérant à un groupement hospitalier de territoire. La masse salariale s'en est trouvée amoindrie.

La réponse tardive de l'exécutif français à la pandémie ne put se faire qu'en usant d'un moyen autoritaire, le confinement, pour enrayer les contaminations. Elle s'est imposée car le nombre de malades graves et de décès s'élevait de manière exponentielle, impossible à camoufler. Il importe de souligner que cette décision a été assortie d'une coercition qui a mis en jeu des amendes dissuasives et des interventions musclées de la police le plus souvent arbitraires, spectaculaires visant les habitants des quartiers populaires.

Deux autres mesures lui ont été associées. Les patients à réanimer ont été sélectionnés selon leurs chances de survie théorique, il a donc été procédé à un triage des personnes à secourir en faisant des choix, comme on y a recours en médecine de guerre ou de catastrophe. Par ailleurs, certains patients furent transférés dans des TGV réaménagés depuis les épicentres de l'épidémie vers des structures de soin non saturées.

Le coût économique de l'arrêt brutal de l'activité « non indispensable » est considérable et difficile à évaluer. Une fourchette inférieure peut être avancée avec le chiffre de 450 milliards d'euros mobilisés pour venir en aide aux entreprises, paiements du chômage partiel pour 17 millions de salariés du privé, prêts, garanties de prêts et exonérations de toutes sortes pour les entreprises. Les licenciements et les 'inévitables'fermetures d'entreprises qui ne manqueront pas de survenir sous peu décupleront la facture de la pandémie.

Prévisions sans effet

L'exécutif a prévu  d'augmenter le nombre des lits en réanimation pour le faire passer de 5000 à 12 000 si nécessaire. Plus du tiers des lits de réanimation sont occupés depuis début octobre par des patients en situation de détresse respiratoire pour COVID-19, leur augmentation se fait linéairement. En réalité, il a été procédé à des fermetures, 14 lits ont été supprimés à Strasbourg. Si des appareils de ventilation assistée semblent avoir été acquis, le déficit se fait sentir au niveau du personnel soignant.

C'est donc pour éviter un nouvel afflux massif et brutal de malades qu'un couvre-feu a été imposé à de nombreuses métropoles. Ni le travail ni l'école, lieux par excellence de la dissémination du virus par le brassage de la population dans les transports en commun en particulier, n'ont été suspendus comme en mars-avril.

Cette demi-mesure expose outre les professions qui doivent interagir directement avec leurs semblables, enseignants, services à la personne, les travailleurs qui ne peuvent effectuer leur travail à distance, c'est-à-dire en grande majorité la classe des moins qualifiés qui transportent ou transforment des marchandises. Le système les considère comme interchangeables et donc faciles à sacrifier. Il a préféré mécontenter les métiers du loisir et de la restauration quitte à leur offrir une compensation plutôt que de compter des morts parmi ceux qui y auraient eu recours, les citadins moyennement aisés, la clientèle électorale ciblée par l'extrême-centre, que cette orientation résulte d'un choix inconscient ou conscient. Autrefois le prolo allait à la mine avec son canari, ce qui n'empêchait pas les explosions et les effondrements de veines, il risque aujourd'hui la contamination potentiellement mortelle par l'éternuement ou le postillon inopportun de son voisin dans le RER ou l'autobus. Le prototype du Français de la 'classe moyenne inférieure'qui proteste contre la confiscation de ses libertés fait donc un contre-sens absolu sur les motivations gouvernementales.

Des effets

La solution ainsi retenue pour faire face à l'actuel rebond épidémique consiste donc à faire acquérir une 'immunité collective'à la population. Quand un nombre critique (lequel ?) aura fait la maladie, le plus souvent de façon inapparente, le virus ne circulera plus puisqu'il se heurtera à des personnes non naïves qui ne le transmettront pas. Le pari est risqué. Si l'on considère que 5% des personnes atteintes par le virus risquent de développer des signes cliniques, parmi ces millions, combien auront besoin de soins en milieu hospitalier en même temps? Le coût immédiat et futur peut se révéler important. Bien sûr, le port du masque obligatoire dans les lieux publics rétracte favorablement les chiffres de cette prévision même si la perspective reste préoccupante. La Suède qui avait adopté cette attitude du laisser-faire, vantée par les libertariens, ayant eu le taux le plus élevé de décès par millions d'habitants en Europe, a décidé d'en venir à un  confinement soft, sans contrainte policière.

En  l'absence de médicament antiviral d'une efficacité réelle prouvée, des traitements symptomatiques anciens, comme l'anticoagulation et les corticoïdes, ont néanmoins amélioré le pronostic des patients graves sans que leur posologie ne soit encore parfaitement maîtrisée.

Ce choix est compatible avec l'hypothèse qu'aucun vaccin efficace ne sera au point avant un long moment pour des  raisons théoriques et pratiques. L'une d'elles, et pas des moindres, est que la maladie ne semble pas immunisante. De plus en plus de  cas de patients réinfectés par la même souche ou par un virus d'un sérotype différent sont bien documentés.

La présence éphémère des anticorps neutralisants après une guérison fait soupçonner qu'une éventuelle protection ne sera pas durable.

Et des choix

Dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité Sociale, l'exécutif français a choisi de créer une participation pour les consultations aux urgences hospitalières qui n'aboutissent pas à une hospitalisation. Instaurer un « forfait patient urgence » en lieu et place d'un ticket modérateur sera un frein puissant pour les plus démunis, ceux justement qui n'ont pas accès à la médecine de ville.

Le Ségur de la santé qui devait instituer des revalorisations salariales et une augmentation du personnel hospitalier n'a pas convaincu. L'ensemble des syndicats, y compris les plus réformistes et collaborateurs du patronat et de l'Etat, avait appelé à une journée de grève et de mobilisation ce 13 octobre.

L'exécutif poursuit son programme, peu 'protecteur'et plutôt agressif envers les plus faibles quand il se montre très généreux avec les entreprises. Sur l'enveloppe des 100 milliards qui seront déployés en deux ans pour la 'relance', il accorde 20 milliards d'exonération fiscale au patronat. Plus de € 7 milliards serviront à payer des salariés à la place des employeurs. Ainsi, près du tiers ira directement aux capitalistes, lequel sera payé aux banques privées sous forme d'intérêts pour la dette publique contractée à cet effet par les impôts indirects du plus grand nombre. La destination du reste de la répartition est trop floue pour déterminer dans quelle poche elle atterrira. La neutralité de l'Etat c'est concourir à perpétuer l'organisation capitaliste de la production et de la vie sociale. Concrètement, sans même appréhender comment s'extraie magiquement la plus-value du travail, chacun constate que les plus riches s'enrichissent vertigineusement, profitant de cette circonstance-ci comme des précédentes pour aménager des situations de monopoles, que les pauvres, de plus en plus nombreux s'appauvrissent. Ils se font abrutir par toute sorte de guerre psychologique qu'on leur oppose qui les divertit de leur domination réelle et les divise, sans quoi, ils se seraient émancipés depuis longtemps. Les travailleurs, de plus en plus précaires en proportion géométrique du nombre de 'sans-emploi', sont et seront sacrifiés pourvu qu'ils continuent de travailler, de consommer et 'de fermer leur gueule'.

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