Point de départ de l'analyse :
les chefs d'établissements dans le domaine de la santé ont reçu par le biais d'une circulaire envoyée par l'ARS, signée Véran lui-même, de nouvelles instructions très strictes d'appel à la dénonciation de personnes radicales : individus liés à un contenu politique, social ou religieux, qui contestent l'ordre établi.
La circulaire invite le délateur à se rendre à la gendarmerie, à la police ou à la préfecture, ou à appeler un numéro vert du CNAPR, pour signaler la radicalisation islamiste, ainsi que les théories complotistes et conspirationnistes.
Puisque la liberté d'expression, qui est un acte généreux et souvent ingénu, servant à progresser quand on se trompe, est interdite, il ne reste plus qu'à éduquer les gens à s'orner des précautions d'usage quant aux affirmations péremptoires, et à devenir de véritables avocats de la vérité.
C'est un curieux retournement de l'époque, mais c'est à cela que servent les vaccins, renforcer le système immunitaire et le spécialiser contre un type spécifique d'agression. Le danger d'une telle spécialisation est de laisser le champ libre à d'autres types d'agressions contre lesquelles, du coup, on n'est plus protégés. Cela reste valable sur le plan psychologique (mais c'est encore une autre histoire).
De toutes façons, toute accusation de complotisme est facile à contrer, puisque ce n'est que de la dialectique. On peut très bien ne pas être conscient des mouvances politiques qui se sont associées à une idée que n'importe quel imbécile peut avoir.
Ainsi le terme de "l'ordre établi" à lui seul constitue une gageure à définir. Mais alors pour ce qui est du conspirationnisme, à peu près toute opinion peut entrer dans le spectre de cette définition, faisant qu'il suffit de comparer les accusations et les non-accusations pour en dénoncer l'injustice, comparativement.
Se protéger contre une accusation de complotisme repose sur la théorie de l'inconnaissance, celui qui évoque des idées en ne prétendant que de rester ouvert à des vérités meilleures si elles lui sont présentées. En définitive les affirmations ne sont que des questions, que la forme interrogative rend inaudibles. C'est plus pratique de faire des affirmations mais en réalité ce sont des questions ouvertes.
Le débat d'idées est ce qui permet le progrès social. Il doit toujours se faire de façon respectueuse des idées des autres, souvent mal exprimées, dans lesquelles recèlent parfois des points de vue fulgurants et profitables qu'il serait dommage de brimer.
En terme général, il ne faut jamais brimer les opinions contradictoires, et commencer sa phrase par "merci de me confier ton opinion", afin que ne se fabrique pas de réflexe de contrition qui peut avoir de graves conséquences psychologiques.
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Le fait est que les raisons d'agir, comme le refus, les choix libres, n'ont pas à être justifiés même si la force publique le demande : "Pourquoi vous refusez la vaccination ?", "Parce que j'ai peur de l'état". Et bam, on se retrouve accusé de conspirationnisme. Du coup on est obligés de mentir, comme quand on parle à un fou.
La liberté individuelle ne repose que sur la conscience morale de chacun, et personne d'autre que soi-même n'est mieux placé pour décider pour lui-même ; à moins d'être victime d'un grave déséquilibre psychologique, qui peut d'ailleurs très bien être cultivé par la pression psychologique et la brimade.
C'est à dire qu'en acceptant une dictature de fait qui brime l'opinion libre, on risque de fabriquer les raisons objectives de brimer la parole libre et dégénérée, car rendue malade.
Dans un cadre, dictatorial (théorique, admettons) où les opinions ne peuvent être exprimées librement, en toute insouciance mais avec une ouverture d'esprit aux meilleures explications, il se passe que l'évolution sociale est brimée, et stoppée. Les gens ne peuvent plus progresser. On arrive à un stade où l'évolution sociale va régresser. Tout le monde va se traiter de tous les noms d'oiseaux, énervés au moindre stimuli. La discussion deviendra impossible. Les gens auront peur. Ils se contenteront de hocher la tête en baissant les yeux, méthode qui a prouvé son efficacité à travers les siècles pour éviter les discussions assassines.
Cette régression peut être la cause de troubles sociaux, et engendrer une souffrance qui, si on l'analyse, finira par prouver la pertinence de la libre expression dans un milieu social, même si on se trompe. Car cette liberté, en vérité, est prolifique, tandis que sa privation est génératrice de désordre et de souffrance. Pour ce qui est de l'ordre établi, c'est raté.
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Le fait est que la parole libre est aujourd'hui systématiquement publique. Pour contrer cette agression il suffit de prendre la terreur maladroite de la dictature pour le message qu'elle envoie dans sa forme la plus pure et profitable, en disant qu'on ne peut effectivement pas parler en public comme on le fait dans la sphère privée. Parler en public doit être l'occasion de véhiculer, avec ses messages, ses opinions, ses incompréhensions et ses erreurs éventuelles, une véritable méthodologie de la discussion pacifique.
On a le droit de se tromper, mais pas de tromper les autres. Or, toute parole n'est pas nécessairement une incitation aux autres à penser la même chose. Même si parfois elle est assez maladroite pour le laisser croire, mais là, ce n'est qu'une question d'interprétation. (Parfois par contre la virulence ne laisse aucun doute sur l'autoritarisme des trolls qui s'expriment en disant "on" à la place de je".)
L'échappatoire aux discussions vertigineuses qui embarquent avec elles une trop grande quantité de sous-jacences pour que les interlocuteurs puissent admettre être capables de "se comprendre", n'est autre que de partager, les uns et les autres, le savoir selon lequel toutes nos croyances ne reposent que sur la dialectique, que toute notre expression n'est basée que sur la dialectique, que toutes nos croyances sont possibles à remettre en cause, selon n'importe quel point de vue, et qu'ainsi toutes nos connaissances ne sont en réalité que des croyances.
Même si on croit que la pomme tombe de l'arbre, cette observation peut être démentie par un singe qui se tient à l'envers par la queue.
Pour réussir une démonstration logique il faut nécessairement en admettre les prémisses comme étant arbitrairement vrais. Ensuite la discussion pourra être amenée à remettre en cause ces prémisses. Et de la même manière, lors d'une discussion, pour atteindre une entente et une compréhension mutuelle, il faut établir des prémisses communs qui soient et admis par les deux parties. De cette manière, il y a toujours une bouée de sauvetage à laquelle se rattacher pour revenir à l'essentiel, quitte à devoir recommencer ensuite toute sa démonstration.
Si une démonstration n'arrive pas à convaincre et que des blocages sont découverts, il convient de les interroger avec soin et délicatesse. La méthode socratique qui consiste à poser des questions simples permet bien souvent de décanter des idées-reçues qui peuvent être bloquantes. Et si on n'y parvient pas, il est possible que soi-mêmes soyons handicapés par ce même genre d'idées-bloquantes. En tout état de cause, ce n'est pas grave, si l'un des deux détient la vérité et pas l'autre, il suffit d'attendre et d'en reparler un autre jour, sous l'éclairage de faits nouveaux qui sont arrivés entre-temps.
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Lorsque les lois sur la liberté d'expression des opinions dites radicalisées dans un esprit de terrorisme ont été édictées, il était couru d'avance que ces lois finissent un jour ou l'autre, très rapidement en fait, par servir pour brimer la parole de façon beaucoup plus ample. Mais évidemment l'argument initial du terrorisme était suffisant pour faire taire toute contestation.
Il n'était pas aisé de défendre la liberté d'expression des personnes qui ont été embrigadées par des armées de la CIA pour que leur crédulité et leur ignorance crasse de la réalité du monde soit utilisée contre eux-mêmes et pour en faire des soldats au service de causes qui les dépassent allègrement, au service de multinationales qui ont besoin de ces terroristes, comme Total et Boko Haram en Afrique pour éradiquer les villages qui siègent sur des puits de pétrole, et cetera. Bien sûr, Ils doivent être privés de liberté de s'exprimer, mais pour autant leur histoire doit être racontée, et aussi, eux doivent être soignés et réhabilités.
Mais la censure des radicalisés n'a jamais prétendu avoir une telle vocation humaniste ou de documentation historique, il ne s'agissait que de les faire taire et de les faire disparaître. Ce qui, on le comprend, peut être assez énervant pour eux et les radicalise encore plus. (Dans cette hypothèse.)
Dans ce registre, une loi qui compromet la liberté d'expression est-elle un sujet de discussion autorisé par cette même-loi, si tant est qu'elle est dictatoriale, et qu'elle se prévaut de garantir "l'ordre établi", que cette même-loi établi elle-même ? (pardon pour la syntaxe insistante).
Si l'ordre est établi par l'obligation de se taire en public, ne l'est-il pas si on laisse les gens libres de s'exprimer ?
En fait cette histoire me rappelle un gamin de 13 ans qui jouait à GTA que sa mère avait lourdement brimé, effarée qu'on puisse jouer à un jeu où on peut voler des voitures à la tir, et optionnellement flinguer des keufs. Elle lui saute à la gorge en arrachant la souris des mains et en criant qu'elle ne veut pas qu'on mette ces choses dans la tête de son fils, car sinon il deviendrait inévitablement lui aussi un gangster. Mas cette folle arriérée et archaïque ne se rendait pas compte qu'elle fabriquait elle-même la douleur et la frustration qui feraient ensuite de son chérubin un traumatisé de la vie, là où le jeu a des vertus de désaliénation. Le plus grave dans cette histoire est qu'il n'y avait pas de discussion possible, sur la base de croyances et de présupposés fallacieux et contre-productifs, littéralement, viciés et psychotiques.
Ben voilà, l'interdiction de libre-expression est une démarche similaire, qu'on peut associer à un comportement psychotique. Et le pire est que le gamin n'avait aucun moyen de se défendre contre une telle agression. En soit, c'était comme un viol. Il croyait s'amuser mais on lui a "mit dans la tête" qu'il était un criminel en puissance.
C'est dingue comme les choses peuvent facilement se retourner. Quand on joue avec de telles forces, il vaut mieux s'armer de précautions d'usage, de politesse, et d'humilité ; plutôt que de lancer des accusations grossières et péremptoires, du haut de sa stature autoritaire, tout en disant de la merde.
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La finalité de l'éthique de la discussion, ou de la communication pacifique, telle que les gens sont forcés à la pratiquer à cause de la dictature de la pensée, est de mettre en évidence cette dictature comme se refusant à elle-même cette même éthique de la discussion. Car si les gens se mettent à la pratiquer, il leur paraîtra encore plus surprenant que l'état, l'autorité, refuse de se plier aux règles les plus élémentaires de la bonne conduite.
Car, lorsqu'une censure a lieu, un lourd sentiment de foudroiement fait croire aux gens qu'une épée a tranché, sans pour autant qu'on ne se sente, pendant le moment où on est encore en état de choc, autorisé à demander "Qui" a fait cela, pourquoi, et quelle discussion nous pourrions avoir avec cette personne. Car un état qui tranche, ce ne sont que des personnes, et leurs raisons, doivent être exposées.
Quand Twitter censure des utilisateurs sans-même avoir besoin de se justifier, la personne morale fait usage d'un autoritarisme psychotique qui ne repose que sur sa stature prétendument infaillible. Sans pouvoir utiliser le terme de dictature, c'est la même procédure qui est à l'œuvre.
Sous couvert d'être un état, ou une personne morale, lorsque la dictature tranche et coupe la parole, interdit de s'exprimer, contredit des analyses sans se sentir le besoin de se justifier, ou en le faisant en arborant un vocable ridicule et applicable sans discernement, elle tente de s'abriter derrière sa stature pour échapper à la discussion logique. Cela n'est pas loyal.
En réalité, derrière une dictature tranchante, il y a toujours des personnes, et ce qu'il faut est qu'elles montrent leur visage, et soient capables d'agir en hommes, en citoyens égaux, et de se confronter à l'argumentation logique. Il n'y a que par une réciprocité de la bienveillance que se fonde la paix. Et le public est là, bienveillant, et attend que l'autorité, les autorités, veuillent bien venir exposer leurs problèmes et leurs blocages pour que nous puissions les en guérir.