04/05/2021 europalestine.com  4 min #189141

Onu: Résolution exigeant la cessation des crimes commis par Israël en Palestine occupée

Cpi : « une enquête sous pression », par François Dubuisson

 4 mai 2021

Extrait d'une analyse de François Dubuisson, Professeur de droit international à l'Université libre de Bruxelles

« Sans surprise, Israël a accusé la CPI de «pur antisémitisme», et les États-Unis ont récusé la décision de la Chambre. Ils ont été rejoints par d'autres pays occidentaux comme le Canada, l'Australie, la Hongrie ou encore l'Allemagne, qui a déclaré via Twitter que «la Cour n'est pas compétente en raison de l'inexistence d'un État palestinien tel que requis par le droit international» 6.

Ces quelques réactions, et les silences embarrassés des autres diplomaties occidentales, montrent que la suite de la procédure ne sera probablement pas exempte de pressions et qu'une tâche délicate attend le procureur nouvellement désigné Karim Khan, qui entre en fonction en juin prochain.

En effet, l'enquête formelle qui a été ouverte par le Bureau du procureur le 3 mars sera longue et semée d'embûches, et il n'est pas simple d'en déterminer l'issue. En son principe, elle doit permettre de déterminer avec précision quels crimes ont été commis et quels en sont les individus responsables, ce qui suppose un examen factuel détaillé et des preuves matérielles. Cette tâche sera sans doute plus facile à l'encontre de suspects palestiniens, puisque la Palestine a une obligation de coopération en tant qu'État partie au Statut. En revanche, Israël n'a aucun devoir de collaboration et mettra au contraire probablement tout en œuvre pour entraver le travail des enquêteurs.

Le procureur devra également déterminer si d'autres crimes ou qualifications doivent être pris en considération. Dans le document remis à la Chambre préliminaire, seuls les crimes de guerre ont été retenus, alors que la politique d'occupation et de colonisation prise dans son ensemble, par son caractère systémique et discriminatoire, pourrait également relever des crimes contre l'humanité, notamment  le crime d'apartheid, qualification retenue dans deux rapports récents d'ONG israéliennes (Yesh Din, B'tselem).

Le droit international en marche

Autre point délicat à venir, l'évaluation par la CPI de l'application du principe de «complémentarité», selon lequel elle doit s'abstenir de poursuivre une affaire si celle-ci a déjà fait l'objet de procédures d'enquête et de poursuites dans l'État compétent. C'est ainsi qu'Israël a l'habitude d'ouvrir des investigations sur les «incidents» impliquant les forces armées israéliennes, pour généralement les refermer sans suite après quelques semaines. Un travail considérable de vérification de la «crédibilité» des procédures menées en Israël attend donc le Bureau du procureur.

Mais les faits les plus graves reprochés aux responsables israéliens concernent les méthodes spécifiques de combat ou la politique de colonisation qui sont la mise en œuvre de doctrines officielles assumées et ne font, à ce titre, jamais l'objet de mesures d'enquête. Pour ces crimes, le constat de l'absence de procédures pénales internes devrait être facilité et le principe de complémentarité pouvoir aisément être écarté. La preuve de ce type de crimes devrait être plus aisée, car basée sur des documents et des décisions publiques, dans le cadre d'une politique étatique bien établie et avec des chaînes de responsabilité dûment authentifiées.

Le chemin est encore très long avant qu'on aboutisse à l'ouverture de dossiers individuels sur base de charges précises, avec l'émission éventuelle de mandats d'arrêt, sans parler de procès, sachant qu'ils ne peuvent se tenir qu'en présence des accusés. Toutefois, le jugement rendu par la Chambre constitue déjà une grande victoire juridique, à la fois comme étape vers la mise en cause de responsabilités pénales pour les crimes commis dans le cadre de l'occupation israélienne, et plus généralement, pour la prise en compte du droit international dans la résolution du conflit israélo-palestinien. La mise en lumière des crimes internationaux commis de manière systématique par les dirigeants israéliens pourrait aussi contribuer à mettre la pression sur les États occidentaux, en vue d'une remise en cause de leurs relations privilégiées avec Israël, à l'instar de l'évolution qui avait fini par se dessiner avec l'Afrique du Sud, dans les années 1980.

Article intégral sur  orientxxi.info

  • Interview de François DUBUISSON :

YouTube

CAPJPO-EuroPalestine

 europalestine.com

 Commenter